Homélie du 6 décembre 2020 (Antoine)

1ère lecture : Isaïe 40, 1-5.9-11
Psaume 84
2ème lecture : 2ème épître de saint Pierre 3, 8-14
Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc 1, 1-8

Chers frères et sœurs, si « je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître », vous reconnaîtrez sans doute les paroles de Charles Aznavour dans sa belle chanson la bohème.

Et si je vous dis que « le temps passe et passe et passe et beaucoup de choses ont changé, qui aurait pu s’imaginer que le temps serait si vite écoulé », peut-être reconnaîtrez-vous les rappeurs Jacky et BenJ qui chantaient il y a 20 ans le bilan de leur vie ?

Si je vous parle du temps, c’est que la liturgie de ce deuxième dimanche de l’Avent et les textes du jour semblent s’être donnés le mot pour nous parler du temps.

Le prophète Isaïe s’adresse au peuple d’Israël qui est désespéré. Déporté de Jérusalem à Babylone par Nabuchodonosor ; le Dieu de l’Alliance semble l’avoir abandonné. Face à sa tristesse, nous entendons ces magnifiques versets du livre de la consolation d’Isaïe : « Consolez, consolez mon Peuple ». Du haut de sa montagne, le prophète clame haut et fort que le temps n’est pas à la morosité car le « voici votre Dieu ! Voici le Seigneur Dieu ! » Non il n’a pas abandonné son peuple !

Le psaume que nous avons entendu est écrit au retour de l’exil. Celui-ci a duré 50 ans ! Et l’on pourrait croire que le peuple d’Israël est dans la joie. Mais non ! En effet, les jeunes générations, de retour sur leur terre, y sont accueillies comme des étrangers, des inconnus. Là encore, face à sa tristesse, le peuple d’Israël entend le magnifique chant du psalmiste : de cette terre, sa terre, terre dont il se sent maintenant étranger, eh bien « de cette terre germera la vérité, cette terre donnera son fruit », ce fruit qui n’est autre que le Messie.

Quant à l’apôtre Pierre, lui aussi s’adresse à un entourage découragé. Ses contemporains sont impatients ! La promesse du retour du Christ semble tarder ! Quand reviendra-t-il ? Et encore une fois, face au désarroi de ses frères bien-aimés, Pierre apporte une parole de paix. Tout d’abord en leur rappelant que Dieu n’a pas la même notion du temps : « mille ans sont comme un jour et un jour est comme mille ans ». Et encore plus, c’est Dieu qui est patient envers eux. Pierre leur annonce que Dieu leur accorde une grâce incroyable : il leur donne la grâce de « hâter le temps de son avènement ». Il leur donne de précipiter sa venue en vivant dans la sainteté et la piété.

Chers frères et sœurs, les temps sont durs pour le peuple d’Israël, les temps sont durs pour les contemporains de Pierre. Et pour nous aussi les temps sont durs ! Vous l’expérimentez autant que moi. Les temps sont durs au niveau sanitaire, économique, politique, social dans notre pays. Et quand nous élargissons notre regard à l’international, la misère, les guerres, le réchauffement climatique…oui les temps sont durs.

Alors que nous dit la Parole de Dieu en ces temps difficiles ? Elle nous dit : COMMENCEMENT !!

Oui vous l’avez entendu comme moi dans la proclamation de l’évangile. A nos oreilles ont retenti ce matin ces paroles de l’évangéliste Marc : « COMMENCEMENT DE L’EVANGILE DE JESUS, CHRIST, FILS DE DIEU ». Ce commencement c’est Jésus, un commencement absolu, une entière nouveauté, un commencement autant que le commencement du jour où la lumière jaillit lorsque la création émerge du chaos. « Au commencement Dieu créa »…ainsi s’ouvre le livre de la Genèse.

C’est comme si on disait à Israël, aux contemporains de Pierre, ou encore à nous-mêmes : jusqu’à présent, vous étiez dans le chaos, aujourd’hui commencement, aujourd’hui début, aujourd’hui nouveauté, aujourd’hui temps présent pour vous, quelque chose commence, quelque chose jaillit qui est de l’ordre de la nouveauté et de la lumière.

Et le prophète, Jean-Baptiste ou encore Pierre, n’est pas là pour faire ombre à la lumière, mais justement pour être voix, c’est-à-dire pour être celui qui s’efface devant la parole, devant Celui qui est le Christ, qui est le Verbe, qui est la Parole, qui est la lumière née de la lumière, qui est le commencement, ce commencement qui est l’heure du Christ qui arrive à la plénitude du temps, Heure du Christ qui sera celle de sa Passion, celle de sa mort et celle de sa Résurrection. Commencement du Christ qui sera commencement de son Église, peuple de Dieu en marche, peuple nouveau, peuple qui avance, peuple de la lumière, enfant de la lumière.

Commencement qui est celui de son Église AUJOURD’HUI, car la Parole que nous entendons AUJOURD’HUI, c’est celle qui s’écrit au moment où elle est proclamée. COMMENCEMENT DE LA BONNE NOUVELLE DE JESUS-CHRIST, FILS DE DIEU. C’est aujourd’hui que s’écrit cette parole, ce n’est pas il y a deux mille ans, ce n’est pas il y a plus longtemps encore, c’est aujourd’hui qu’elle s’écrit. Nous entrons dans le commencement de l’évangile, dans la bonne nouvelle.

Chers frères et sœurs, oui les temps sont durs, mais les temps ne sont durs que si nous cédons aux tentations de vivre repliés sur le passé ou projetés uniquement dans l’avenir. Les temps sont durs si nous nous replions uniquement sur la nostalgie et la mélancolie des choses qui ont existé ou de celles qui n’ont pas encore vu le jour.

Alors comment vivre ces temps difficiles pour nous, chrétiens, nous qui portons le nom du Christ ? COMMENCEMENT ! Comment recevons-nous cette parole ?

En étant des hommes et des femmes du commencement, nous sommes des hommes et des femmes de la joie parce que hommes et femmes de la nouveauté. Chers frères et sœurs, notre évêque nous le rappelait dans sa lettre pastorale : notre vocation est « d’être au cœur du monde des témoins de l’espérance ». Il faut que dans ces temps difficiles que nous vivons nous marquions éminemment que nous sommes les hommes et les femmes du commencement. Aujourd’hui nous sommes les hommes et les femmes de la Bonne nouvelle. Aujourd’hui nous sommes les hommes et les femmes de l’Évangile, non pas d’un message passé ou à venir, mais d’un éternel commencement.

Chers frères et sœurs, il en va de la vie de l’Église qui s’appuie sur la Révélation, sur la Parole de Dieu que nous recevons en ce deuxième dimanche de l’Avent. Il en va de la vie de l’Eglise et la vie de l’Eglise c’est qu’elle prenne soin du présent. Et l’Eglise c’est nous ! Nous ne sommes pas là pour échapper à la servitude du temps et aux difficultés de notre monde, par un mysticisme qui serait une échappatoire à la vie concrète et réelle.

Non, nous sommes vraiment chrétiens lorsque nous assumons pleinement notre humanité. Alors pas de fuite en avant ni de retour vers le passé. Père Grégoire nous invitait dimanche dernier à réaliser que nous ne vivions pas dans une société qui a seulement cessé d’être chrétienne mais dans une société athée, sans Dieu. Comment vivre en chrétiens en assumant pleinement notre humanité, c’est-à-dire au cœur de cette société athée ? L’art de vivre du chrétien, c’est l’art du recommencement.

Chers frères et sœurs, demandons au Seigneur dans cette eucharistie, demandons aujourd’hui, maintenant, la grâce des recommencements. Qu’aujourd’hui, à nos oreilles, lorsque nous entendons : COMMENCEMENT DE L’EVANGILE, DE LA BONNE NOUVELLE DE JESUS, CHRIST, FILS DE DIEU, que ce commencement ce soit aujourd’hui, dans notre vie. En étant les artisans de ce commencement, c’est-à-dire en vivant dans la sainteté, dans l’amour de Dieu et de notre prochain, soyons sûrs que nous hâtons la venue du Christ.

Portons nos blessures, portons nos difficultés, portons nos souffrances dans la plénitude de l’avenir en sachant qu’aujourd’hui c’est du chaos que jaillit la lumière, que c’est de ces ténèbres que jaillit le resplendissement de la Résurrection, que c’est aujourd’hui l’avenir de Dieu parce que c’est aujourd’hui sa venue. Que la grâce des recommencements nous illumine pour qu’en témoins de l’espérance, nous puissions en rayonner.

 

AMEN