Homélie du 29 novembre 2020 (Grégoire)

Textes :
   Is 63, 16b-17.19b ; 64, 2b-7
   Ps 79 (80), 2ac.3bc, 15-16a, 18-19
   1 Co 1, 3-9
   Mc 13, 33-37

Frères et Sœurs, chers amis.

Nous voici entrés dans le temps de l’Avent…

Avant quoi ? Demanderont ceux qui ne connaissent pas notre vocabulaire ! Avant Noël ?

Oui bien sûr avant Noël, mais d’abord et avant tout temps de l’ouverture à l’A/venir et à la Venue

Venue de qui ? Venue de quoi ?

Venue du Fils de l’homme qui vient sur les nuées du ciel.

“Ah, si tu déchirais les cieux, si tu descendais…” s’écrie Isaïe dans la première lecture.

Les grands prêtres de la religion traditionnelle des montagnes du Nord Cameroun savaient bien que Dieu existe. Ils savaient bien que Dieu le créateur et père de tout et donc de tous les êtres humains. Mais quand les premiers chrétiens sont arrivés dans la région en 1947 et leur ont fait comprendre que ce Dieu qu’ils adoraient et respectaient depuis des siècles avait envoyé son Fils dans le monde, ils ont ouvert en grand leurs oreilles et leur cœur pour entendre ce que Dieu avait à dire aux hommes, parce que, quand on est Dieu, on n’envoie pas son fils dans le monde sans avoir quelque chose de très important à dire aux hommes…

Oui, “Dieu est venu chez les siens” dira Saint Jean au premier chapitre de son évangile même s’il est obligé d’ajouter douloureusement “et les siens ne l’ont pas reçu !” (Jn 1, 11)

Jésus est venu dans le monde. Et c’est la fête de cet “avènement”que nous nous préparons à célébrer à Noël.

Jésus est venu. Mais cet événement, chronologiquement situé dans l’histoire des hommes, n’est pas le tout de la venue du Fils de l’Homme…

En effet, au jour de l’Ascension, aux apôtres un peu hébétés contemplant le ciel ou Jésus s’élevait, deux hommes en vêtements blancs leur déclarent : « Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. » (Ac 1,11)

Il ne s’agit pas d’un retour au sens on fait demi-tour quand on a oublié ses clés ou son téléphone à la maison… Mais d’une nouvelle venue, d’un avènement dans la gloire.

Jésus est venu, il viendra. Passé et futur se rejoignent en celui « qui est qui était et qui vient » « L’alpha et l’oméga » (Ap 1,8) dont nous parle l’Apocalypse. Écoutons bien cet extrait du chapitre 22 de l’Apocalypse : « Que celui qui fait le mal fasse encore le mal et que l’homme sali se salisse encore; que le juste pratique encore la justice, et que le saint se sanctifie encore. Voici que je viens sans tarder, et j’apporte avec moi le salaire que je vais donner à chacun selon ce qu’il a fait. Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. » Et Jean d’ajouter, 4 versets plus loin : « L’esprit et l’épouse disent : ‘Viens !’ Celui qui entend, qu’il dise : ‘Viens !’ Celui qui a soif, qu’il vienne…» (Ap 22, 11…17)

Et voilà que nous arrivons au troisième « moment » de la venue du Christ ! Le présent !

Jésus vient, actuellement dans le monde !

Il vient, mais il ne vient pas forcément par nos instances et nos structures, et c’est même bien souvent là où nous ne l’attendons pas qu’il survient. Il nous faut apprendre à scruter le monde avec les yeux de Jésus pour discerner le Royaume qui vient…

Depuis que je suis revenu du Cameroun, après 25 ans passés là-bas, je répète souvent que notre vieille France est devenue païenne ! Je crois qu’il vaudrait mieux dire qu’elle est devenue a-Thée, “Sans Dieu”. Dieu n’intéresse plus grand monde de nos jours. Une grande majorité de la population n’a même pas la moindre idée de qui ou de ce qu’est Dieu quand il ne lui  apparait pas uniquement comme la source de toutes les violences…

J’ai été frappé dans la première lecture par le cri d’Isaïe : « Personne n’invoque plus ton nom, nul ne se réveille pour prendre appui sur toi »… N’est-ce pas là un descriptif de notre monde sans Dieu… Et pourtant nous le savons et nous le croyons, Dieu vient dans ce monde. Il nous faut apprendre à discerner sa venue.

Nous nous posons souvent la question du « comment annoncer Jésus ? » Je crois qu’avant même d’annoncer Jésus notre premier travail c’est d’aider nos contemporains à “lever les yeux vers le Ciel” pour leur permettre de nommer ce qui les appelle à grandir ensemble et à s’élever vers un plus d’humanité.

Si nous acceptons de porter sur nos contemporains le regard que Jésus nous invitait à porter dimanche dernier, alors nous verrons, tout autour de nous, le Royaume qui vient, au-delà de nos structures et bien malgré nous ! Notre fierté dusse-t-elle en prendre un coup !

« Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens c’est à moi que vous l’avez fait ! » Combien de témoignages pourrions-nous apporter dans notre entourage de personnes qui, bien que ne connaissant pas Jésus, portent pourtant son regard sur ceux qui les entourent ! Si ça, ce n’est pas Jésus qui vient, ici et maintenant, dans notre monde alors c’est quoi ?

« À chacun le maître de maison, en partant en voyage, a fixé son travail » nous disait l’Évangile tout à l’heure…

Notre travail, notre mission de chrétiens dans le monde d’aujourd’hui, plutôt que de nous préoccuper uniquement de défendre nos prérogatives, ne serait-il pas justement, de scruter le monde pour y déceler les signes de Jésus qui, comme le rappelait Isaïe et l’Apocalypse que je citais plus haut, « vient rencontrer celui qui pratique avec joie la justice.» N’est-ce pas cela « vivre en communion avec le Fils » comme nous y invitait Paul dans la deuxième lecture ? N’est ce pas comme cela que nous pourrons leur indiquer le chemin vers Jésus et le prendre avec eux ?

Alors veillons pour ne pas être surpris ! Il ne faudrait pas que la venue du Fils de l’homme nous trouve endormis ou repliés sur nous-mêmes au risque de ne pas voir le Seigneur qui vient !

Oui, Seigneur, « que ta main soutienne ton protégé, le fils de l’homme qui te doit sa force.»