Homélie du 30 septembre 2018

Textes :

 

Je ne sais pas s’il y a des gens fortunés parmi nous… Mais s’il y en a, on serait tenté de leur dire après avoir entendu St Jacques dans la première lecture : « Attention, les malheurs vous attendent ! »

Certains font de la lettre de Saint Jacques une lecture souvent très manichéenne : D’un côté les riches, de l’autre les pauvres. D’un côté les méchants, de l’autre les bons… Ce n’est pas tout à fait ce que dit Saint Jacques…

Le riche, que plaint Jacques et à qui il annonce malheur sur malheur, c’est celui qui accumule par tous les moyens en vue de lui-même et de son propre bien-être, au mépris de l’autre… On pense évidemment au riche qui laisse littéralement crever le pauvre Lazare devant sa porte dans la parabole de Saint Luc (Lc 16, 19-31). L’intérêt pour ce et ceux qui l’entourent est uniquement lié à son profit personnel et à son propre bénéfice… Il est entièrement centré sur lui-même et ce qui ne lui rapporte rien n’a aucun intérêt pour lui… Il est bouffi d’orgueil et dénué de toute compassion… Peu à peu il devient incapable de contrôler ses désirs et ses pulsions qui sont uniquement dirigés par son avidité…

Ce n’est pas d’abord une affaire de compte en banque mais plutôt d’insatiable volonté de puissance et d’influence.

Ces derniers temps, dans les médias et notamment les médias chrétiens, Il est beaucoup question de cléricalisme et d’abus de pouvoir au sein de notre Église.

Notre bien-aimé Pape François, que certains accusent à tort d’avoir soulevé un couvercle qu’il aurait mieux fait de laisser en place, nous invite à vérifier nos comportements et notre manière de gérer les relations au sein de l’institution catholique et, finalement dans notre société tout entière. Merci à lui, même si le traitement risque d’être un peu douloureux pour certains…

Pour le Pape, il est clair que la plupart des déviances trouvent leur source dans cet appétit de jouissance et de pouvoir qui conduit aux comportements les plus pervers… À ses yeux, le scandale odieux de la pédophilie en est probablement l’expression la plus sordide !

La richesse qui conduit au malheur, disais-je tout à l’heure, n’est pas une affaire de sous mais de suffisance et d’arrogance. Détenteur d’un bien, d’une compétence, d’un pouvoir, je m’en sers pour asservir les autres au lieu de les servir…

Oubliant que je n’ai que ce que j’ai reçu, j’abuse de mon pouvoir pour asseoir ma domination et imposer la soumission à ceux que j’ai reçu la charge de servir…

Les scandales qui éclaboussent actuellement l’Église et tout particulièrement les prêtres que nous sommes sont une épreuve au sens premier du terme… Ils éprouvent et vérifient la validité de nos façons de faire et de vivre la mission…

Les prêtres ont reçu la mission de servir l’Évangile et la communauté chrétienne pour qu’elle-même reste en tenue de service au cœur du monde…

Au moment où notre diocèse réfléchit, en synode, sur ce que peuvent être nos paroisses aujourd’hui, nous devons réapprendre, à l’école du Christ et de l’Évangile, ce qu’est le service…

C’est vrai pour les prêtres, mais c’est vrai aussi pour chacun d’entre nous…

L’abus de pouvoir conduit à des dérives innombrables et destructrices… Quand un curé pense pouvoir se passer de l’avis des membres de la communauté… Quand des laïcs qui se voient confier une mission se l’approprient au point de refuser toute collaboration avec d’autres membres de la communauté… Quand, dans nos familles un parent impose son point de vue au reste de la famille… il y a abus de pouvoir et cléricalisme… On retrouve ces dérives au sein des communautés religieuses, des entreprises, des associations, des groupes scouts ou que sais-je encore.

Malheur à vous les riches et les détenteurs de connaissances et de pouvoir !

Le Pape St Léon le Grand disait que : « les pauvres, dans leur indigence, ont pour amie la douceur, tandis que les riches, dans leur opulence, ont la fierté pour compagne.» [1]

Jésus, quant à lui, est radical : « si ta main, ton pied, ton œil sont pour toi une occasion de chute, coupe-les ! » Apprenons à nous débarrasser de ce que nous ne savons pas orienter vers le service…

Demandons à Dieu de nous apprendre la pauvreté, la vraie pauvreté… Celle qui nous fait comprendre que nous avons besoin les uns des autres pour travailler à l’œuvre de Dieu !

Sortons de notre suffisance ! Aidons-nous les uns les autres à remplir activement notre mission…

Vous imaginez, sans doute, combien les prêtres ont été touchés et meurtris par le suicide récent de l’un d’entre nous dans un diocèse français…

Au cœur de la tempête médiatique qui s’acharne sur nous, c’est une épreuve qui s’ajoute à la honte qui nous envahit devant le comportement pédophile de certains d’entre nous…

Alors je me permets une requête : Si vous voulez que vos prêtres soient de bons prêtres, aimez-les !

Aimez-les, mais n’en faites ni des vedettes ni des  monstres sacrés auquel on n’ose rien dire… Un prêtre, aussi sacrée que puisse être sa mission, est un homme comme les autres… Il n’est ni omniscient, ni polyvalent, ni sans ambigüités…

Ne vous débarrassez pas sur lui trop facilement de la mission qui est la vôtre en tant que  baptisé… Ne lui laissez pas porter seul la mission qui est celle de la communauté dans son ensemble.

Ne lui donnez pas non plus l’occasion d’accaparer à lui tout seul ce qui nous revient à tous ensemble… Pour vous il est prêtre, mais avec vous il est chrétien.

Une certaine conception du sacerdoce a fait autrefois du prêtre une espèce d’intouchable… Elle semble revenir ici ou là… Ce n’est pas ce que Jésus attend ni de vous ni de nous…

Mettre un individu sur un piédestal c’est lui faire prendre le risque de tomber de haut… ! Malheureusement les exemples récents sont nombreux de prêtres qui ont perdu pied, provoquant la chute de nombreux petits…

Devant de tels comportements, on entend ici ou là des gens qui pensent que le prêtre est la source de tous les problèmes… Ce n’est pas mieux !

Aimez vos prêtres ! Aimez-les comme des frères à qui on apporte le soutien dont ils ont besoin mais à qui on peut aussi faire des reproches parce qu’ils savent qu’ils sont aimés.

Apprenons de l’Évangile d’aujourd’hui ce que veut dire porter ensemble la mission… C’est le premier sens du mot com-munion (com-munus en latin signifie charge commune).

Il est une tendance chez les êtres humains qui se mettent en communauté à rejeter celui qui n’est pas du groupe ou de la même obédience… Jésus, à la suite de Moïse nous invite à autre chose…

Une personne expulse les démons au nom de Jésus, mais elle ne fait pas partie de ceux qui suivent le groupe des disciples qui en concluent aussitôt qu’elle n’a pas droit de faire ce qui leur revient de droit !… Mais de quel droit ?!

Voilà un bel exemple de récupération si fréquent dans notre Église… Autrefois on parlait de concurrence entre les Jésuites et les Dominicains ou entre les progressistes et les traditionnalistes… Maintenant ce serait plutôt entre les gens de l’Emmanuel et ceux de l’Action Catholique… ! Et chacun d’accuser l’autre des pires intentions… (Que dire entre les scouts d’Europe, les scouts unitaires ou les scouts de France !)

Allons-nous apprendre un jour à nous réjouir du bien que les autres font au nom de Jésus au lieu de les considérer comme de dangereux concurrents ?

Personne, parmi nous n’a le monopole de l’Esprit-Saint…

« Serais-tu jaloux pour moi ? demande Moïse à Josué Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! »

Laissons, pour finir la parole au psalmiste qui priait Dieu tout à l’heure : « Préserve ton serviteur de l’orgueil : qu’il n’ait sur moi aucune emprise… Alors je serai sans reproche, pur d’un grand péché ! »

[1] Saint Léon, Commentaire sur les Béatitudes, vendredi de la 22ème semaine du bréviaire en français.