Homélie du 29 juillet 2018

Textes :

 

Frères et sœurs, avec l’Evangile de ce jour, nous entrons dans le long discours sur le pain de Vie que constitue le chapitre 6 de l’Evangile de St Jean.

Il accompagnera nos messes dominicales pendant plus d’un mois… C’est dire l’importance que l’Eglise lui accorde pour nourrir notre foi et notre marche quotidienne avec Jésus.

Alors, commençons par le commencement !

Une grande foule suit Jésus parce qu’elle le voit faire des miracles. Elle pense trouver en lui une solution à ses problèmes… Belle aubaine pour un bonimenteur ou quelqu’un qui chercherait à se faire élire.

 « Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. » Il saisit l’occasion pour mettre ses disciples à l’épreuve… et c’est le pauvre Philippe qui en fait les frais ! Peut-être devrions-nous dire le “bienheureux Philippe”, puisque c’est lui qui va nous permettre d’entrer dans la leçon de Jésus !

« Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ?… » Jean nous dit bien que Jésus « savait bien ce qu’il allait faire.» Est-ce alors, un piège qu’il tend à ses disciples pour ensuite leur en mettre plein la vue en faisant un miracle qui lui permettra d’épater la foule et de se la mettre dans la poche comme le ferait un politicien démagogue ? On pourrait le croire…

Mais, au lieu de récupérer à son compte le succès indéniable de l’opération, Jésus va se retirer dans la montagne, lui seul… Il ne cherche pas le pouvoir. Il ne souhaite pas que la foule l’acclame ou le fasse roi… Il est roi bien sûr, mais comme il le dira devant Pilate, son Royaume n’est pas de ce monde… Et la foule n’est pas encore prête à comprendre cette distinction… Pour le moment, ce dont elle a besoin, c’est de manger bien sûr, mais aussi de comprendre que la Parole de Jésus vient d’en haut…

Le temps, pour elle, de reconnaître la royauté de Jésus viendra, mais il faudra d’abord apprendre à “digérer” le scandale de la Croix…

La royauté de Jésus est une royauté de service et d’amour, non pas de puissance et de manipulation… Jésus n’utilise pas sa puissance pour faire de nous ses marionnettes ou ses admirateurs, mais pour nous apprendre à vivre notre vocation de fils et de filles de Dieu…

Par son attitude, Jésus veut aider ses disciples à comprendre que la faim et la soif des hommes préoccupent Dieu et que c’est Dieu seul qui peut réellement les rassasier à la mesure de leur vraie faim dont ils n’ont peut-être pas vraiment conscience…

Le souci de Jésus c’est de nous faire lever les yeux vers plus-haut que nous-mêmes parce que l’homme n’est pas la mesure de l’homme. C’est de Dieu qu’il nous convient d’attendre toute plénitude…

Mais pour nous faire comprendre qu’il ne peut rien pour nous sans notre collaboration aussi limitée qu’elle puisse être, comme Elisée déjà, dans la première lecture, Jésus va partir du peu que nous pouvons faire.

Jésus va introduire notre participation dans l’action de grâce… Ce faisant la foule va être rassasiée, bien au-delà de ses besoins car, comme avec Elisée dans la première lecture, « On mangera et il en restera dit le Seigneur »

Au bord du lac de Tibériade ce ne sont plus cent personnes, mais cinq mille que Jésus nourrit et douze paniers remplis qui seront rassemblés à la fin du repas… ! Signe de plénitude et d’abondance pour celui qui s’en remet à Dieu.

Comment ne pas faire le lien avec le geste de l’offertoire que nous refaisons en chaque eucharistie ?

Jésus reçoit les cinq pains et les deux poissons du jeune garçon, « qu’est-ce que cela pour tant de monde ? »…

Je ne sais pas si vous avez remarqué que Jésus ne remercie même pas le garçon !

Au lieu de cela, il “rend grâce”  (en grec il est écrit littéralement “il eucharistie”) et distribue les pains et les poissons aux convives…

Tout à l’heure, quand nous aurons apporté le pain et le vin qui symbolise notre vie tout entière, je vais, comme en chaque eucharistie, rappeler ce geste de Jésus.

Je dirai : « Tu es béni Dieu de l’Univers toi qui nous donne ce pain et ce vin, fruit de la terre, de la vigne et du travail des hommes. Nous te les présentons, ils deviendront pour nous  le pain de la vie et le vin du Royaume éternel… »

C’est Dieu que je vais remercier du don que vous aurez apporté, comme pour dire que c’est Dieu et Dieu seul qui est source de ce que nous sommes et de ce que nous avons…

Dans notre collaboration nécessaire avec Dieu, seule l’action de grâce convient…

Même si ce que nous apportons est le fruit de notre travail, nous sommes invités par Jésus à prendre conscience que c’est de Dieu que nous le recevons et que c’est lui qui lui fait porter réellement son fruit de vie… “Qu’as-tu d’ailleurs que tu ne l’aies reçu, dira St Paul aux Corinthiens, et si tu l’as reçu, pourquoi te vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ?” (1 Cor 4,7)

Dans ce geste de multiplication, Jésus nous fait comprendre que de combler la faim des hommes n’est pas d’abord une question matérielle ou une question de moyens, mais de vie partagée qui ne peut porter du fruit que si elle donnée largement et sans retenue parce que nous avons conscience nous-mêmes de l’avoir reçue…

Nous sommes souvent un peu découragés devant le peu de moyens matériels et humains dont nous disposons pour faire notre travail d’évangélisation…

Pourtant, une Eglise pauvre de moyens n’est pas ou ne devrait pas être démunie parce que son rôle n’est pas de combler la faim des hommes, mais de conduire à celui qui seul peut le faire… Son rôle n’est pas d’étancher la soif des hommes mais de conduire à la source qui seule peut le faire…

Donnons le peu que nous avons, mais donnons-le vraiment et laissons le Christ en faire le pain de Vie et le vin du Royaume.

C’est ce que nous rappelons et célébrons en chaque eucharistie.

Peut-être, pour finir, pouvons-nous réentendre les paroles de Paul du fond de sa prison que nous avons entendu tout à l’heure. Alors qu’il se trouve dans la plus totale impuissance, Paul nous invite à nous « conduire d’une manière digne de votre vocation : ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ;  ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit  par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous.»

La suite… dimanche prochain !