Homélie du 26 février 2020

Textes :

Frères et sœurs,

Et voilà le Carême revenu… Déjà !

N’y a-t-il pas dans le retour incessant du calendrier  liturgique un véritable risque de routine spirituelle ?

Les Cendres, les fameux 4 “P” : Pénitence, Privation, Prière, Partage… Rien de neuf, tout ça c’est du déjà vu ! On va ensuite enfiler les dimanches de Carême comme on enfile des perles… et puis ce sera les Rameaux et la fête de Pâques… une de plus ! Jésus est mort et ressuscité Alléluia ! Et puis ???… La vie continue ! Rien de nouveau sous le soleil !

Et pourtant !

C’est justement pour sortir de cette routine que le temps du Carême nous est proposé chaque année ! Comme un temps d’hivernage et de préparation en vue du printemps !

Et même si nos sociétés modernes ont bien souvent perdu le contact avec la « Terre Mère » pour reprendre l’expression du Pape François, citant la sagesse des peuples autochtones d’Amazonie, dans sa récente exhortation apostolique « Querida Amazonia », il n’empêche que nous avons besoin nous aussi de ces temps de repos et de friches, pour grandir dans la foi et dans la vie.

Notre vie spirituelle est inscrite dans un cycle biologique enraciné dans le cycle naturel et dans l’humus dont nous sommes pétris… mais nous sommes chrétiens, héritiers de la tradition des juifs, nos aînés dans la foi, et nous savons donc que ce cycle  n’est pas un éternel retour comme celui que célèbre les religions traditionnelles de nombreux peuples dits “primitifs” ou “premiers”.

Non, ce cycle que nous célébrons à travers le calendrier liturgique est un cycle qui se déroule dans une histoire et une marche en avant vers le “point oméga” dont parlait le P. Teilhard de Chardin dans ses écrits…

Ce point de rencontre et d’achèvement où, comme le dit Saint Paul « Dieu sera tout en tous » (1 Cor 15,28)   Il faudrait relire tous le chapitre 15 de la 1ère aux Corinthiens… Ce pourrait être un bon début de méditation pour ce Carême 2020 !

Arrêtons-nous un peu sur le beau message du Pape François pour le Carême 2020.

En nous rappelant que « La joie du chrétien découle de l’écoute et de l’accueil de la Bonne Nouvelle de la mort et de la résurrection de Jésus », le Pape nous y redit que « celui qui croit en cette annonce rejette le mensonge selon lequel notre vie aurait son origine en nous-même, alors qu’en réalité elle jaillit de l’amour de Dieu le Père, de sa volonté de donner la vie en abondance (cf. Jn 10, 10). En revanche, dit-il, si nous écoutons la voix envoûtante du “père du mensonge” (cf. Jn 8, 45), nous risquons de sombrer dans l’abîme du non-sens, de vivre l’enfer dès ici-bas sur terre, comme en témoignent malheureusement de nombreux événements dramatiques de l’expérience humaine personnelle et collective.»[1]

Dieu connaît les profondeurs abyssales de chacune de nos vies et les ambiguïtés qui les traversent. (Les révélations récentes sur le comportement de Jean Vanier, figure emblématique de la charité chrétienne, en sont la parfaite illustration…) mais jamais Il ne se décourage et c’est pour porter à notre place le fardeau de nos fautes « qu’il s’est fait péché pour nous » (2 Cor 5,21)

François nous invite, à « regarder les bras ouverts du Christ crucifié », « laisse-toi sauver encore et encore, dit-il. Et quand tu t’approches pour confesser tes péchés, crois fermement en sa miséricorde qui te libère de la faute. Contemple son sang répandu avec tant d’amour et laisse-toi purifier par lui. Tu pourras ainsi renaître de nouveau »[2].

« Le fait que le Seigneur nous offre, une fois de plus, un temps favorable pour notre conversion, ne doit jamais être tenu pour acquis. Cette nouvelle opportunité (du Carême qui revient chaque année), devrait éveiller en nous un sentiment de gratitude et nous secouer de notre torpeur. Malgré la présence, parfois dramatique, du mal dans nos vies ainsi que dans la vie de l’Église et du monde, cet espace offert pour un changement de cap exprime la volonté tenace de Dieu de ne pas interrompre le dialogue du salut avec nous.» [3]

Saisissons l’occasion que nous offre ce nouveau Carême pour réveiller en nous le chrétien endormi ! Jeûnons, oui ! Prions, oui ! « Laissons-la creuser en nous, jusqu’à entamer la dureté de notre cœur »[4] Partageons, oui ! « Ne laissons pas l’accumulation des richesses « abrutir nos vies en les enfermant dans leur propre égoïsme.»[5] Mais surtout… : Ouvrons en grand les portes de notre cœur, laissons Dieu rejoindre les plis cachés de nos vies pour y faire le ménage… Alors nous pourrons devenir « sel de la terre et lumière du monde » (cf. Mt 5, 13-14), témoins de la puissance de résurrection qui jaillit du cœur transpercé du Christ !

« La Pâque de Jésus n’est pas un événement du passé : par la puissance de l’Esprit Saint, elle est toujours actuelle et nous permet de regarder et de toucher avec foi la chair du Christ chez tant de personnes souffrantes.»[6]

Dieu seul sauve… nous, nous en sommes les témoins !

Ne laissons pas le Carême 2020 passer comme tant d’autres… Laissons-nous réconcilier avec Dieu… ne laissons pas sans effet la grâce reçue de lui… C’est maintenant le moment favorable, C’est maintenant le jour du salut ! »

 

[1] Message du Carême 2020, n° 1.

[2] Message du Carême 2020, n° 1.

[3] Message de Pâques 2020, n° 3.

[4] Message de Pâques 2020, n° 2

[5] Message du Carême 2020, n° 4.

[6] Message de Pâques 2020, n° 1