Homélie du 26 aout 2018

Josué 24, 1-2a.15-17.18b
Psaume 33
Éphésiens 5, 21-32
Jean 6,60-69

Dans l’Évangile de ce jour l’on voit Jésus abandonné par la foule de ses disciples et, se retournant vers ses plus proches compagnons, les douze, leur demander : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon-Pierre lui répond : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. ».

Avec la lettre aux Éphésiens, dans un passage souvent proposé lors des mariages, Paul invite les femmes à être soumises à leurs maris. Ce qui aujourd’hui, et fort heureusement, n’est plus audible et fait même scandale. Mais en fait il s’exprime à partir de son contexte culturel et, ce qu’il faut d’abord entendre, c’est son insistance pour que les hommes aiment leurs femmes… « comme leur propre corps ». Autrement dit, dans la relation de couple, exclure toute violence mais, il est vrai, pas celle du rapport de domination entre hommes et femmes. Autre temps, autre mœurs. Mais néanmoins la ferme volonté de Paul d’éradiquer la violence masculine dans l’intimité du couple est évidente. Ceci dit dans ce passage l’essentiel n’est pas là car, nous dit Paul, « ce mystère si grand, je le dis en référence au Christ et à l’Église ». Ici l’Église (concrètement nos communautés, chacun et chacune d’entre nous comme baptisé) est affirmée être le corps du Christ est c’est à cette affirmation que vise tout ce développement qui ne concerne qu’accessoirement les couples. Au-delà d’un concept théologique de l’Église corps du Christ, il y a une affirmation à la fois éthique et mystique. Mystique d’abord car dans cette communauté nous sommes appelés à faire l’expérience personnelle de l’union au Christ. Éthique ensuite car par notre agir communautaire et personnelle nous donnons à voir le Christ ici et maintenant.

Si la foule de l’Évangile (des disciples pourtant !) part c’est que les attentes de ces derniers ne sont pas en consonance avec l’Évangile dont la rudesse de la parole est liée « aux paroles de la vie éternelle ». Eux, sans doute, ce qui les intéresse c’est être en position de dominance, être bien placé dans une société au Jésus serait le roi et le maître. Ils viennent de comprendre qu’ils font fausses routes, le pain du ciel ce n’est pas « à la bonne bouffe », et le bâton du bon berger n’est pas celui des matons et autres gardes-chiourmes. L’Évangile tout au contraire expulse les démons de la domination et de la violence.

L’Église comme corps viens ici et maintenant manifester l’Évangile du Christ qui est service et guérison pour chacun et chacune…hommes, femmes, enfants et d’abord les plus fragiles, les plus petits.

Alors quel scandale, quelle douleur, lorsque dans cette Église corps du Christ, celle qui est censée donner à voir le visage même de Jésus…les plus fragiles, les plus petits sont blessés et meurtris ! Je veux parler évidement de tous ces scandales de pédophilies qui éclaboussent notre Église et la défigure tant et si bien que ceux qui partent …partent car ils se sentent trahis, blessés … !

Ici je ne peux que laisser la parole au Pape François et inviter à lire sa « Lettre au peuple de Dieu » en son entièreté. Sa lettre n’est pas seulement une énième demande de pardon, pourtant ô combien nécessaire…mais aussi une proposition de se ressaisir, un moyen de se relever !

 

Quelques extraits donc qui sont à entendre comme une pressante invitation à lire la Lettre du pape François au peuple de Dieu :

« Ces derniers jours est paru un rapport détaillant le vécu d’au moins mille personnes qui ont été victimes d’abus sexuel, d’abus de pouvoir et de conscience, perpétrés par des prêtres pendant à peu près soixante-dix ans…la douleur de nombre de ces victimes nous est parvenue au cours du temps et nous pouvons constater que les blessures infligées ne disparaissent jamais, ce qui nous oblige à condamner avec force ces atrocités et à redoubler d’efforts pour éradiquer cette culture de mort, les blessures ne connaissent jamais de « prescription »… Mais leur cri a été plus fort que toutes les mesures qui ont voulu le réprimer…Un cri qui fut entendu par le Seigneur en nous montrant une fois encore de quel côté il veut se tenir…L’ampleur et la gravité des faits exigent que nous réagissions de manière globale et communautaire. S’il est important et nécessaire pour tout chemin de conversion de prendre connaissance de ce qui s’est passé, cela n’est pourtant pas suffisant. Aujourd’hui nous avons à relever le défi en tant que peuple de Dieu d’assumer la douleur de nos frères blessés dans leur chair et dans leur esprit…J’invite tout le saint peuple fidèle de Dieu à l’exercice pénitentiel de la prière et du jeûne… pour réveiller notre conscience, notre solidarité et notre engagement en faveur d’une culture de la protection et du « jamais plus » à tout type et forme d’abus…Il est impossible d’imaginer une conversion de l’agir ecclésial sans la participation active de toutes les composantes du peuple de Dieu…Cela se manifeste clairement dans une manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Église – si commune dans nombre de communautés dans lesquelles se sont vérifiés des abus sexuels, des abus de pouvoir et de conscience – comme l’est le cléricalisme, cette attitude qui « annule non seulement la personnalité des chrétiens, mais tend également à diminuer et à sous-évaluer la grâce baptismale que l’Esprit Saint a placée dans le cœur de notre peuple ». Le cléricalisme, favorisé par les prêtres eux-mêmes ou par les laïcs, engendre une scission dans le corps ecclésial qui encourage et aide à perpétuer beaucoup des maux que nous dénonçons aujourd’hui. Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme. (…) ».

Ce texte est donc aussi une invitation à ce que chacun, au nom de son baptême, retrouve le nécessaire engagement en Église pour que les paroles de la Vie éternelle résonnent à nouveau au cœur des hommes, des femmes et des enfants de ce temps car il en va, tel est notre foi, du salut du monde. Un monde déchiré par le désir de domination et la violence est voué au néant. Mais si l’Église elle-même est déchirée… ?

« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. ».