Homélie du 25 décembre 2019

Textes :

Is 9, 1-6  Is 52, 7-10
Ps 95 (96) Ps 97 (98)
Tt 2, 11-14 He 1, 1-6
Lc 2, 1-14 Jn 1, 1-18

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j’aime bien la fête de Noël… Il y a les cadeaux bien sûr, mais honnêtement c’est d’abord pour son côté concret, humain, charnel, incarné… Après tout, Noël c’est la fête de l’incarnation… Non ? Jésus s’est fait l’un de nous, au plus près de notre vie quotidienne et de nos turpitudes. C’est pour ça que Noël est une bonne Nouvelle pour tout le peuple !

Quand beaucoup mettent leur espoir dans une technicité ou une réparation, voire une augmentation, de plus en plus robotique de l’être humain jusque dans ses capacités intellectuelles, la fête de Noël vient nous rappeler que le Salut n’est pas dans la fuite en avant désincarnée où l’on voit peu à peu le “dieu Vegan” remplacer l’enfant de Bethléem. Aujourd’hui nous nous rappelons que le Salut nous est annoncé par le babillage d’un enfant nouveau-né, enfant de pauvres, abandonné entre les bras de ses parents.

Le Sauveur n’est pas et ne sera jamais un cyborg aussi humanoïde puisse-t-il être. Le Sauveur c’est Dieu qui prend chair de l’épaisseur de notre chair, Emmanuel, Dieu avec nous.

Le souci écologique de la préservation de la création habite avec raison le cœur de nos contemporains. « La création tout entière, nous dit Saint Paul, gémit dans les douleurs de l’enfantement qui dure encore.» (Rm 8, 22)  « Elle attend avec impatience la révélation des fils de Dieu (Rm 8, 19)

Et bien justement, en cette fête de Noël, nous sommes ramenés au cœur de cette révélation des fils de Dieu. Le bébé de la crèche que nous sommes venus célébrer seul ou en famille, c’est celui dont Gabriel disait à Marie : “On l’appellera fils du Très-Haut.” (Lc 1,32) C’est celui dont Saint-Paul nous dira un jour qu’il nous fait “enfants et héritiers de Dieu” (cf. Rm 8, 16-17) La voilà la Bonne Nouvelle de Noël.

Alors prenons le temps si vous le voulez bien de contempler la crèche.

…/…

Avez-vous jamais pris le temps de vous asseoir devant une crèche ? Une vraie crèche, pas de celles en plastique moulé qui ne risque pas de salir la moquette du salon ou qu’on a choisie tellement petite pour ne pas mettre à mal la sacro-sainte laïcité qui s’invite jusque dans nos propres intérieurs ou pour ne pas risquer de gêner les gens de passage… Non, je veux parler de cette crèche qu’on a fait en famille en allant chercher du bois, de la mousse et je ne sais quels autres matériaux plus ou moins putrescibles… Elle sent bon la crèche. Et la vraie crèche elle sent encore meilleur : Elle sent la bouse de vache et le crottin de chèvres et de moutons réunis, sur fond d’odeur de paille, de foin et de lait fraichement tiré… N’oublions pas que nous sommes dans une étable !

Et la crotte de poule ! On l’oublie trop souvent à la crèche la volaille… Je ne suis pas sûr d’ailleurs qu’il y ait des poules ou des dindes dans notre crèche !

Soit dit entre nous, j’ai appris récemment que ce serait à cause d’une remarque désobligeante de la dinde sur « le bébé qui fait trop de bruit » que la Sainte Famille aurait pris l’habitude de célébrer Noël en mangeant une dinde… Mais je ne suis pas sûr que ce soit vérité d’évangile… même apocryphe !

Et encore je ne parle pas du cochon. Vous me direz, en Israël les cochons ils ne sont pas très à la mode, et je ne sais pas si ont trouvaient beaucoup de cochons dans la région de Bethléem. Gérasa est tout de même à plus de 200 km de là… Mais n’oublions pas que Dieu s’est fait homme pour rejoindre l’humanité dans toutes ses composantes, même les Sarthois. Et comme le disait mon ami Baba Simon : “pour moi peu importe si Jésus s’est incarné dans un juif un Mada un Mouyang ou un Bakoko (ou même un sarthois), parce que Jésus-Christ c’est l’homme et c’est l’homme qui grandit.”

Odeur de suint aussi normalement, pour que celui qui doit devenir « le bon berger qui connait ses brebis et les conduit vers les frais pâturages » (cf. lc 10 14 et Ps 22, 1-2), apprenne l’odeur du troupeau autrement que dans les livres et sur les bancs d’école. Dieu a voulu rejoindre vraiment les profondeurs et le concret de l’humus dont son Père des Cieux ne cesse de tirer chacun d’entre nous pour le créer à son image.

Afin d’apprendre à se coucher sur le bois entre deux larrons, il commence son existence humaine à l’air libre, couché dans un râtelier de bois entre un bœuf et un âne…

Toutefois les spectateurs de la scène, conviés par les anges de Dieu pour recueillir les premiers vagissements humains de la Parole éternelle et créatrice, ne sont pas les grands prêtres où les savants vociférants qu’on retrouvera au pied de la Croix. Non, ce sont les pauvres des environs chargés d’annoncer au monde entier la naissance du « prince de la paix» (Is 9, 5).

Ils viendront les savants, mais des vrais savants. Ceux qui ont un cœur de pauvre, venus du fond de l’Orient et prêts à n’importe quel voyage pour offrir leurs présents et faire acte d’humilité devant le roi qui vient de naître.

Viendra ensuite la soldatesque envoyée par un tyran accablé de jalousie et rendu fou à l’idée d’une hypothétique remise en cause de son autorité ! Après avoir massacré une foule d’innocents – il semble que les pouvoirs publics n’ont jamais vraiment su faire dans le détail – ils conduiront le nouveau-né, dont le nombril n’est pas encore sec, sur les routes de l’exil où tant de nos contemporains portent le poids du jour et de la chaleur jusqu’à bien souvent en perdre la vie… Mais ça, c’est une autre histoire !

Nous parlions du nombril de Jésus… Ça vous étonne ?  Peut-être n’avez-vous pas remarqué que pendant que je parlais Marie lui a changé sa couche au nouveau-né… Alors tous ont pu voir qu’il avait un beau et vrai nombril humain ce Jésus…

Adam lui aussi avait probablement un nombril mais son nombril à lui n’était pas encore vraiment humain puisqu’avant que Dieu ne le créé à son image il n’y avait pas d’êtres humains…

Lui, Jésus, il est né de Marie et s’inscrit donc dans une lignée humaine. Et bien qu’il soit l’héritier du trône de David son père si l’on en croit l’ange Gabriel, il n’est pas cet “enfant roi’, comme on en voit tant aujourd’hui…

Ses parents et son entourage lui ont appris que ce fameux nombril n’est pas là comme un rond-point autour duquel il faut apprendre à tourner de plus en plus vite comme s’il était le centre du monde, mais plutôt le signe inscrit dans sa chair qu’il appartient à une famille et donc à une histoire à laquelle il doit apporter le don que Dieu lui a confié.

De ses parents il va apprendre à se mettre à l’écoute de la volonté de Dieu son Père, comme devrait le faire tout enfant de n’importe laquelle de nos familles… La Sainte Famille n’est “sainte” que parce qu’elle est composée de personnes totalement préoccupées d’ajuster leur vie à la réalisation de la volonté de Dieu.

Et oui, cela fait aussi partie de l’enseignement de la crèche. Elle nous apprend que Dieu lui-même a eu besoin de parents, une maman…et un papa, pour apprendre son métier d’homme. Lui, le fils éternel du Père a appris sur les genoux de ses parents à dire “Notre Père”…

Puissions-nous, à notre tour, apprendre de Lui et transmettre à nos enfants qu’en Jésus Dieu s’est fait homme pour que nous apprenions de lui à vivre en fils de Dieu…

Joyeux et saint Noël à vous tous !