Homélie du 22 décembre 2018

Textes :

Frères et sœurs, voilà que Noël est à nos portes ! Il arrive le Sauveur que le monde attend…

Le signe qui nous est donné, c’est la “Vierge Mère”. Celle qui n’a pas connu d’homme, va mettre au monde le Fils éternel de Dieu…

C’est du totalement inouï ou plutôt du jamais vu ! En effet Isaïe avait annoncé il y a fort longtemps : “Voici que la Vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel (c’est à dire Dieu avec nous).”

On connaissait dans l’Ancien testament plusieurs récits de naissances inattendues, de femmes stériles devenues fécondes : Sara femme d’Abraham (Gn 11,30), Rachel et Léa, toutes deux femmes de Jacob (Gn 11, 1-2)… Les filles de Loth (Gn 19, 30-38)… Anne mère de Samuel (1 Sm 1…)… Rébecca femme d’Isaac, (Gn 24, 60), la femme de Manoah, mère de Samson (Jg 13 2,2)…

Mais là, dans la conception de Jésus, nous sommes dans un tout autre registre… Ce n’est pas d’une réparation ou d’une guérison qu’il s’agit, mais d’une véritable création.

L’enfant qui va naître n’est pas le fruit de l’union amoureuse (la “connaissance” au sens biblique du terme) de deux êtres de chair… C’est Dieu lui-même qui prend chair de notre chair ! La Vierge met au monde un fils… et on l’appellera Emmanuel…

Saint-Paul lui-même semble se mélanger les pinceaux quand il écrit dans la deuxième lecture que nous venons d’entendre que « selon la chair… le fils de Dieu est né de la descendance de David ». Or, on le sait par Saint Matthieu dans l’Évangile, c’est Joseph qui est de la descendance de David (Mt 1,20). Oui, Jésus s’inscrit bien dans la filiation davidique, mais c’est par adoption… « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse…»

La naissance virginale de Jésus est un acte de création.

Par le oui de Marie Dieu s’est comme “emparé” de notre condition humaine… Il en a fait sa “parure”… En Jésus le Dieu incréé devient l’un de nous…

Énormité et même blasphème, pour les juifs de son temps déjà, et pour les musulmans ensuite… Folie pour les païens… Surtout quand on sait ce que Jésus a fait de cette humanité en allant jusqu’à mourir sur une Croix ! (Cf.Saint-Paul, 1 Cor 1,23)

La naissance de Jésus n’est identique ni comparable à aucune autre… Ce n’est pas pour rien qu’à partir du début du 6ème siècle, avec Denys le Petit, elle s’est imposée peu à peu comme repère historique du monde connu. Quand les théologiens eurent ingurgité, médité, compris “l’énormité” de la chose, on s’est mis à compter les siècles à partir de ce tournant essentiel de l’histoire… : Avant Jésus-Christ ou après Jésus-Christ, c’est ainsi que désormais on localise un événement dans l’histoire et le calendrier républicain, né dans la tête de ceux qui voulaient effacer la trace de Jésus dans l’histoire des hommes… aura tenu moins d’une quinzaine d’années de 1793 à 1806…

Revenons-en maintenant à celui qu’on appelle parfois “le pauvre Joseph” et qui semble être, aux yeux de certains, le “dindon de la farce”, alors qu’il est au contraire, le héros du jour dans l’Évangile que nous venons d’entendre. Celui qui, avec Marie, a reçu l’inimaginable mission de faire l’éducation humaine de Dieu !

Non pas pauvre Joseph, mais bien au contraire : Bienheureux Joseph, Saint-Joseph !

Le qualificatif que Matthieu lui donne est l’un des plus beaux qui soit : Joseph était un homme juste, nous dit-il. Un homme juste dans le vocabulaire biblique c’est quoi ? C’est un homme dont la vie est ajustée à la volonté de Dieu. Un homme qui, conscient que sa vie n’a de sens qu’en Dieu, cherche sa face et l’expression de sa volonté et fait le nécessaire pour s’y ajuster. “Qui peut gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint ? L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles. Il obtient, du Seigneur, la bénédiction, et de Dieu son sauveur, la justice.» Avons-nous lu dans le psaume.

Voilà le portrait même de Joseph.

Joseph, dont l’amour très chaste et sans faille qu’il a pour Marie n’est pas remis en cause par ce qui lui arrive, décide toutefois de la répudier en secret. Ce n’est pas par dépit. Mais c’est pour laisser à Dieu la place qui lui revient. C’est la manière dont il pense se conformer à la Loi et donc à la volonté de Dieu.

Quand il apprend de Dieu lui-même par l’intermédiaire de son ange, que « l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint », encore une fois, il s’ajuste à la volonté de Dieu en faisant ce que l’ange lui prescrit. Il prend chez lui son épouse enceinte et dépositaire des mystères du Salut.

C’est là que commence son métier d’éducateur de Dieu, exemplaire de tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, exerce une paternité ici-bas.

« Par le sacrifice total de soi, nous dit Saint Jean-Paul II, Joseph exprime son amour généreux pour la Mère de Dieu, lui faisant le “don sponsal de lui-même”. Bien que décidé à se retirer pour ne pas faire obstacle au plan de Dieu qui était en train de se réaliser en elle, sur l’ordre exprès de l’Ange, il la garde chez lui et respecte son appartenance exclusive à Dieu. »[1]

Pour apprendre son métier d’homme, Dieu lui-même avait besoin, d’une maman et d’un papa. Joseph est là. Avec la même disponibilité de cœur et d’âme que Marie son épouse, il se rend disponible à la volonté de Dieu

C’est pourquoi on peut à juste titre l’appeler modèle de toute paternité humaine. Dans le respect absolu de son épouse et de celui qui lui est confié comme son fils, il accomplit, au quotidien, la volonté de son créateur.

Je voudrais terminer en donnant la parole à Benoit XVI, dont, ne l’oublions pas, Joseph était le saint patron : « L’exemple de Saint Joseph est pour nous tous une puissante invitation à accomplir avec fidélité, simplicité et modestie le devoir que la Providence nous a confié. Je pense avant tout aux pères et aux mères de famille, et je prie pour qu’ils sachent toujours apprécier la beauté d’une vie simple et consacrée au travail, en cultivant avec soin la relation conjugale et en accomplissant avec enthousiasme la grande et difficile mission éducative. Que saint Joseph obtienne pour les prêtres, qui exercent la paternité à l’égard des communautés ecclésiales, d’aimer l’Église avec affection et un dévouement total, et qu’il aide les personnes consacrées à observer de façon joyeuse et fidèle les conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Qu’il protège les travailleurs du monde entier afin qu’ils contribuent à travers leurs diverses professions au progrès de l’humanité tout entière, et qu’il aide chaque chrétien à réaliser avec confiance et amour la volonté de Dieu, coopérant ainsi à l’accomplissement de l’œuvre de salut. »[2]

Que Marie et Joseph ouvrent nos cœurs à Noël qui vient !

[1] Jean-Paul II, Exhortation Apostolique, le Gardien du Rédempteur, 15 août 1989, n° 19.

[2] Benoit XVI, Angélus du 19 mars 2006.