Homélie du 20 mai 2018

La fête de la Pentecôte à une origine juive, la fête de Chavouot ou est célébré le don de la Torah à Moïse, la célébration de l’Alliance entre Dieu et son peuple, c’est-à-dire la fondation de la religion juive. Il y a aussi, en cette fête de la Pentecôte chrétienne quelque chose qui a à voir avec un commencement.

Dans les Actes nous voyons les disciples de Jésus « réunis tous ensemble » en cette fête juive « de la pentecôte, au terme des cinquante jours après Pâques ». Ce « tous ensemble » des disciples peut résonner comme un « entre eux » frileux qui ne s’expose pas, qui se protège des autres. Puis il y a un surgissement, celui de l’Esprit et la voix des disciples qui retentit tellement fort qu’une foule bigarrée se presse autour de la maison ou ils étaient tout à la fois rassemblés et enfermés pour entendre, dans leurs propres idiomes, proclamer les merveilles de Dieu. Ici le miracle est d’abord celui de sourds et muets qui se mettent à parler et à entendre. L’Évangile, la bonne nouvelle, est proclamée, et c’est cette proclamation qui fonde le christianisme.

Cinquante jours après pâques, expérience de la crucifixion et de la résurrection du Christ, la première communauté chrétienne témoigne à son tour des merveilles de Dieu pour elle et pour le monde. Il est vivant !

Nous savons que témoin en grec se dit martyr ou, plus précisément, que le français martyr vient d’un mot grec ancien qui signifie « témoin » (mártus).

Pour les premières générations chrétiennes vivre et partager leur foi a eu un coût, un coût qui pouvait aller jusqu’au don de sa vie. Non pas du fait de quelques morbidités, non. Mais par une passion pour la vie et la liberté malgré les violences et incompréhension de leurs contemporains. Car telle était leur expérience, en Jésus, du don de Dieu : un « pour la vie » qui ne regarde pas en arrière, qui ne revient pas laper et renifler ses anciennes vomissures et dégouts. Non, la vie est belle et cette beauté, tout à la fois forte et fragile, se tient là devant nous, c’est-à-dire ici déjà. Mais la vie et la liberté demandent du courage, elles n’ont rien de « gnangnan » et de pantouflarde.
L’Esprit célébré en cette fête de la Pentecôte est donc un Esprit de vie, de contemplation, de liberté et de courage.

J’ai lu quelque part cette semaine qu’il fallait dans notre société du courage pour se dire chrétien.
Tient donc en France les disciples du Christ seraient-ils dépossédés de leurs biens, privé de leurs droits civiques, jeté en prison ? Être parfois un peu brocardé et moqué peut être mais cela demande-t-il vraiment du courage ? Dans des sociétés plurielles sans doute faut-il s’affronter à de multiples points de vue et convictions mais c’est le prix de la liberté, de notre liberté. La vraie question ne serait-elle pas plutôt de savoir si nous avons encore le goût de la liberté et de la vérité, la conviction chevillée au corps (au notre et à celui du ressuscité) que la vérité nous rendra libre pour paraphraser l’Évangile de Jean (8, 31-36) ?
Le défenseur (Paraclet en grec) que nous promet l’Évangile de ce dimanche n’est pas un esprit vengeur ; il vient pas non plus tout résoudre sans nous, faire à notre place. Non. Il est celui qui vient redonner la parole et l’ouïe aux sourds et muets que nous sommes trop souvent devenus collectivement. Car évidement individuellement nous sommes tous formidables. Et pourtant…

Et pourtant hier soir (lors de la Vigile de Pentecôte) 98 adultes en Sarthe ont fait le choix de vivre le sacrement de la confirmation, de devenir acteur et engagé dans leur foi ; des témoins contemporains du Christ aux yeux du monde, de leur famille, de leurs voisins, de leurs collègues…résonne ici et maintenant la phrase du Christ à ses disciples : « Et vous aussi, vous allez rendre témoignage, car vous êtes avec moi depuis le commencement ».
Ce « commencement » se renouvelle dans notre présent car il est la présence de Dieu au monde, à chacune de ses créatures, à chaque homme, à chaque femme…Présence de Dieu par nos mains, nos bouches, nos yeux…malgré nos tremblements, nos haleines et nos pleurs, Dieu se tiens là, humblement, par et dans l’Esprit. Présence à ras de terre, de cette terre dont nous sommes faits.

De cet Esprit de pentecôte sachons vivre, sachons en vivre.