Homélie du 13 mai 2018

Textes :

Comme annoncé jeudi dernier je voudrais aborder avec vous aujourd’hui le sujet de l’unité dans l’amour…

Ce n’est pas anachronique dans l’entretemps de l’Ascension et de la Pentecôte. Jésus, notre “chef”, notre “tête”, parti en éclaireur auprès du Père, nous laisse le soin d’annoncer  et de mettre en œuvre son Royaume…En ce jour,

l’Eglise a retenu de proposer à notre méditation les paroles tirées de la prière dite “sacerdotale” de Jésus , sa “prière de prêtre” au soir du dernier repas avec ses disciples… Jésus s’adresse à son Père : « Quand j’étais avec eux, je gardais mes disciples unis dans ton nom !… Garde mes disciples unis dans ton nom, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes… De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde.»

L’ordination sacerdotale confère à un individu la charge de la communion, c’est-à-dire de la cohésion du Corps dont le Christ est la Tête. Je voudrais que vous compreniez combien le cœur d’un prêtre saigne quand il voit des chrétiens se critiquer et se bouffer le nez pour des questions de paille dans les yeux qui deviennent parfois des poutres à force d’être entretenues au lieu d’être éradiquées…

Le monde dans lequel nous sommes crève de soif, je vous l’ai déjà souvent dit ; alors, quand les “sourciers” que nous sommes se chamaillent autour du puit pour savoir comment puiser l’eau qui ne nous appartient pourtant pas et que nous avons la mission de proposer à nos frères, ils se transforment en “sorciers” et font de l’eau fraiche de la Bonne Nouvelle une saumure imbuvable saturée par nos divisions et nos querelles intestines qui n’intéressent qu’eux-mêmes et découragent les bonnes volontés… Pourquoi s’étonner alors que si peu de gens soient tentés de s’asseoir au bord de notre puits pour s’y reposer et s’y désaltérer ?

« Puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres » nous dit St Jean dans la deuxième lecture. Ce n’est pas une invitation, c’est un devoir ! Et il insiste : « Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection.» C’est à travers le témoignage d’amour et d’unité que nous donnons que Dieu se rend visible et accueillant à tous…

Avons-nous vraiment conscience de cela quand nous nous comportons les uns envers les autres avec la même dureté de cœur que ceux qui ne connaissent pas Dieu ? C’est vrai, le monde dans lequel nous sommes est dur, mais justement, c’est une raison de plus pour témoigner de la tendresse de Dieu en commençant par la conversion de nos relations au sein même de nos communautés…

L’unité, qui n’a rien à voir avec l’uniformité et doit se construire dans l’accueil et le tissage de nos différences, est la condition “sine qua non” de la Mission. Sans elle l’annonce de la Bonne Nouvelle est un leurre… Pire encore elle devient fausse nouvelle…

C’’est aujourd’hui la 52ème journée mondiale des communications sociales. Nous accusons facilement les médias de colporter des fausses nouvelles ou de ne donner à voir que ce qui est mauvais dans le monde… Qu’en est-il de nous-mêmes quand nous ne sommes capables d’appréhender l’autre qu’à travers la critique, les préjugés et le dénigrement ?

J’entends plus souvent des chrétiens critiquer les autres que s’extasier de leurs efforts ou réfléchir à la manière dont nous pouvons joindre nos forces pour la mission…

Une communauté chrétienne dont tous les membres n’ont pas mis en-tête de leurs préoccupations l’accueil de chacun dans la richesse de sa différence et préfèrent passer leur temps à critiquer les manières de faire qui ne correspondent pas à leurs propre habitudes, ne saura jamais annoncer la Bonne Nouvelle.

Au lieu d’être témoins, nous devenons obstacle, obstruction, occasion de chute pour ceux qui nous regardent… et nous devenons la risée des païens.

Ce qui devrait être Bonne Nouvelle devient “fake news”, fausse nouvelle. Au lieu d’orienter vers la nouveauté de l’amour, elle embrouille et décourage ceux qui s’approchent…

Dans son message pour la journée des communications sociales le Pape François écrit : « Le drame […/…] c’est la discréditation de l’autre, sa représentation comme ennemi, jusqu’à une diabolisation susceptible d’attiser des conflits. […/…] la présence d’attitudes en même temps intolérantes et hypersensibles, avec pour seul résultat le risque d’expansion de l’arrogance et de la haine.»

L’amour seul est digne de foi ! Et l’amour nous dit Saint Paul supporte tout, endure tout, ne cherche pas son intérêt… Puissions-nous régulièrement relire notre vie et nos manières à la lumière du chapitre 13 de la 1ère lettre aux Corinthiens !

Apprenons à vivre nos confrontations dans l’amour et non dans le rapport de force : « Un argument impeccable, nous dit le Pape, peut reposer sur des faits indéniables, mais s’il est utilisé pour blesser quelqu’un et pour le discréditer aux yeux des autres, aussi juste qu’il apparaisse, il n’est pas habité par la vérité. » Et en bon jésuite, il nous donne les clés d’un sain discernement : « A partir des fruits, nous pouvons distinguer la vérité des énoncés: s’ils suscitent la controverse, fomentent les divisions, insufflent la résignation ou si, au contraire, ils conduisent à une réflexion consciente et mûre, au dialogue constructif, à une dynamique fructueuse.» (n° 3)

Et il conclue : « Le meilleur antidote contre les faussetés, ce ne sont pas les stratégies, mais les personnes : des personnes qui, libres de l’avidité, sont prêtes à l’écoute et à travers l’effort d’un dialogue sincère laissent émerger la vérité.» (4)

« Père Saint, dit Jésus dans l’Evangile de ce jour, de même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. […/…] Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais. Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi, je n’appartiens pas au monde. Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité.»

Terminons avec cette prière du Pape plagiée sur celle de son saint patron, François d’Assise… : « Seigneur, fais de nous des instruments de ta paix. Fais-nous reconnaitre le mal qui s’insinue dans une communication qui ne crée pas la communion. Rends-nous capables d’ôter le venin de nos jugements. Aide-nous à parler des autres comme de frères et de sœurs. Tu es fidèle et digne de confiance; fais que nos paroles soient des semences de bien pour le monde: Là où il y a de la rumeur, que nous pratiquions l’écoute; Là où il y a confusion, que nous inspirions l’harmonie; Là où il y a ambiguïté, que nous apportions la clarté; Là où il y a exclusion, que nous apportions le partage; Là où il y a des préjugés, que nous suscitions la confiance; Là où il y a agressivité, que nous apportions le respect; Là où il y a la fausseté, que nous apportions la vérité. »

Oui, Père, sanctifie-nous dans la vérité !