Homélie du 10 mai 2018

Textes :

Aujourd’hui nous fêtons l’Ascension de Jésus, sa montée, son élévation ! Les textes de la liturgie sont très riches et j’ai beaucoup hésité pour savoir sous quel angle les “appréhender” si je peux me permettre l’expression.

J’ai préféré laisser pour dimanche prochain l’exhortation à l’unité qui ressort de la deuxième lecture… C’est un sujet qu’il nous faut absolument travailler ensemble si nous voulons être crédibles dans le monde dans lequel nous sommes. Les tensions idéologiques qui existent entre chrétiens et jusqu’au sein de nos propres communautés ou familles sont un scandale qu’il nous faut absolument combattre par l’amour… Nous y reviendrons dimanche parce que les textes continueront à nous inviter à l’unité pour que le monde croie…

Aujourd’hui je voudrais m’arrêter à l’aspect ascensionnel de la fête… ! La montée de Jésus, son “enlèvement au Ciel”, pour reprendre l’expression de Luc dans les Actes des Apôtres, après qu’il ait donné ses instructions aux Apôtres…

Réalisons-nous que l’Ascension, c’est l’entrée solennelle de l’humanité dans la gloire de Dieu ? C’est le début de la réalisation du projet éternel de Dieu ! En Jésus ressuscité, l’humanité, corps et âme, entre dans gloire de Dieu…

« Jésus-Christ s’est assis pour toujours à la droite de Dieu » déclare le Lettre aux Hébreux (He 10,12). Il attend désormais que s’achève la montée de son Corps entier, Corps dont il est la tête et dont nous sommes les membres encore pèlerins sur cette terre.

En ouvrant les portes du Ciel à son Fils en son incarnation, Dieu « ouvre en grand la porte du très vieux jardin où [Il] convie les hommes pour la joie sous l’arbre immense de la Croix », dit un cantique.

Aujourd’hui, pourrait-on dire, c’est la fête de l’Espérance qui marche, comme le dit Péguy, en donnant la main à ses deux grandes sœurs que sont la Foi et la Charité…

Pour nous aider à contempler ce mystère je fais appel à l’abbé Simon Mpeke, celui qu’on appelait aussi “Baba Simon”, (Papa Simon), le prêtre camerounais qui a fondé en 1959 la mission de Tokombéré où j’ai travaillé pendant 25 ans et dont la cause de canonisation est en cours à Rome. Ses paroles vont revenir plusieurs fois dans mon propos.

Pour commencer, je voudrais m’arrêter particulièrement avec vous sur l’interpellation des anges aux apôtres qui restent encore les yeux fixés au ciel… « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. » 

Contrairement à ce qu’on dit souvent, depuis que Jésus est monté au Ciel, nous n’attendons pas son retour, comme s’il revenait chercher quelque chose qu’il aurait oublié (!) mais bien sa venue dans la gloire… Son avènement dans la gloire.

Les anges ne disent pas que Jésus re/viendra, mais qu’il viendra…

En fait Jésus ne connait pas la marche arrière !… Depuis toute éternité il est totalement et résolument tourné vers Dieu son Père…

« Au commencement le Verbe était Dieu et le Verbe était tourné vers Dieu» (Jn 1, 1), nous dit St Jean au début de son Evangile… et, ajoute-t-il, « le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous.» (Jn 1, 14)

Jésus, Verbe incarné depuis sa conception dans le sein virginal de Marie, ne fait que monter vers le Père, nous indiquant ainsi la direction à suivre et nous entraînant dans le sillage de son Corps glorieux…

Le jour de notre baptême, nous ne sommes pas devenus enfants de Dieu. Ça nous l’étions depuis notre conception… Nous sommes en revanche, devenus réellement temple de l’Esprit-Saint et membres du Corps du Christ. Avec Jésus et en Lui, nous montons vers celui que l’Esprit nous donne d’appeler « Abba », « Père ». En chacun d’entre nous, Jésus continue sa montée vers le Père.

La lettre aux Ephésiens dans son premier chapitre nous dit que Dieu pour « mener les temps à leur plénitude, (veut) récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre.» (Ep 1, 10)

 « Il y a un seul Corps et un seul Esprit » avons-nous entendu tout à l’heure… Peu à peu « se construit le Corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude. »

Baba Simon disait souvent : « Jésus c’est l’homme qui grandit.»

Notre travail missionnaire « jusqu’aux extrémités de la Terre » consiste avant tout à reconnaître et servir le Christ en train de réaliser sa montée au cœur de l’humanité. Notre vocation chrétienne est de servir cette montée du Christ au cœur de l’humanité toute entière, c’est notre mission.

« Cherchez la FACE de Dieu. Cherchez la toujours – essayez de la trouver là où elle est sûrement: dans le prochain sous toutes ses apparences», disait Baba Simon.

En fait, ce que veut nous faire comprendre Baba Simon, c’est que le témoignage chrétien ne consiste pas tant à montrer le Christ en nous  mais à savoir le reconnaître, le contempler et l’aimer présent en chacun de nos frères quels qu’ils soient, pour leur permettre de se reconnaître appelés à vivre en fils de Dieu…

C’est par notre attitude de recherche incessante du visage du Christ en chacun de nos frères que nous pouvons les “édifier”, nous dit Baba Simon, c’est à dire les aider à se construire (Aedes Facere = faire la maison). La lumière du Christ rayonnant du regard de chacun d’entre nous, leur permettra de se reconnaître fils dans le Fils et sera ferment du Royaume, ici et maintenant.

Le Christ a besoin de nos yeux pour regarder ses frères et leur porter la lumière… Chrétiens, nous n’avons pas d’autre travail que de porter sur nos frères humains le regard du Christ qui appelle à se lever et à monter vers Dieu, et à prendre avec eux ce chemin…

Puisque nous sommes le jour de l’Ascension je vous livre la belle méditation que Baba Simon faisait, il y a 43 ans, le jour de l’Ascension 1975. Quelques semaines avant sa mort…

« Notre Seigneur appelle son Ascension aujourd’hui, sa “sortie”. Il est sorti du Père pour venir ici chez nous. Aujourd’hui il sort du monde pour aller au ciel. Sortant de nous-mêmes, nous voici Seigneur devant toi en esprit, restant tout à fait au dernier rang, derrière mais pouvant quand même voir ce qui se passait, comment tu arrivas au Ciel pour la première fois avec un corps humain, accompagné de tous ces saints : Abraham, Isaac, Jacob, tous ces patriarches de l’Ancien Testament et qui ne sont pas les plus nombreux ! Il s’agit aussi de ces patriarches africains, de ces premiers hommes, les vrais, les vrais Adams et de leurs descendants. L’Ancêtre des Chinois, l’Ancêtre des Indiens, l’Ancêtre des Australiens, des Peaux-Rouges… Tous ces gens qui cherchèrent Dieu à tâtons jusqu’à Jésus-Christ et qui furent sauvés en Lui. Tout ce monde entra au ciel le même jour. C’est dans cette joie, mon Dieu, que je voudrais vous chanter Alléluia ! […/…] Que tous les habitants de Tokombéré, que tous les païens du Nord Cameroun, tous les païens d’Afrique, d’Asie, d’Australie, d’Océanie, du monde entier se tournent vers Toi, même obscurément […/…] Même ceux qui ont abandonné la route vers Jésus-Christ sur la terre, visiblement, il faut qu’en marchant sur la route qui n’est pas celle de Jésus, intérieurement, ils marchent vers Jésus. Autrement dit, je voudrais qu’au Ciel nous y arrivions tous. Et que le bon Dieu qui est tout puissant montre que le ciel est le ciel de tout le monde. Et que l’enfer est l’enfer de ceux qui y sont, autrement dit les démons. Parce que l’enfer n’a pas été fait pour les hommes. L’enfer a été fait pour le Démon et ses anges, et qu’ils y restent.»