Homélie du 20 juin 2021 (Grégoire)

Confirmation Christopher et Tiphanie

Textes :

Frères et sœurs, chers amis,

Aujourd’hui il est question de tempête et de flots en furie dans l’Évangile que nous venons d’entendre.[1] Et Jésus dort sur le coussin à l’arrière !

Panique à bord !

Double panique pourrait-on dire :

  • Celle de la tempête qui met en péril !
  • Celle de l’apparente indifférence du maître : “Nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ?”

Quel est-il donc ce maître insouciant ?

Les temps que nous vivons, sans tomber dans le catastrophisme, peuvent nous apparaître quand-même bien difficiles et tourmentés…

La crise sanitaire mondiale que nous traversons et ses conséquences socio-économiques désastreuses en est une illustration flagrante.

Que de remises en question, que de certitudes qui volent en éclat, que de prétentions à maîtriser le monde qui s’évaporent…

La perte, voire la remise en question systématique de nombreux repères éthiques et philosophiques par nos sociétés prétendument évoluées, présentée par certains comme une déconstruction annonçant l’aube d’une ère nouvelle est bien plutôt, souvent, occasion de chutes et de désarroi pour beaucoup.

Où allons-nous ? Y-a-t-il encore un pilote dans l’avion ?

Prenons un exemple : Nous célébrons la fête des pères aujourd’hui. Ne trouvez-vous pas qu’elle prend une coloration bien étrange en ces jours où l’Assemblée nationale se propose d’inscrire deux mères sur l’acte de naissance d’enfants nés de PMA, effaçant ainsi sciemment la référence au père biologique dont l’enfant est, quoi qu’on en dise, le fils.

Le règne du prêt à penser médiatique et du politiquement correct qui annihile toute réflexion personnelle et invite à rentrer dans le moule, n’est-il pas une forme de tempête qui risque de nous submerger ?

« Ballottée par les flots, portée jusqu’au ciel, retombant aux abimes », notre sagesse n’est-elle pas engloutie comme le suggérait le psaume tout à l’heure ?

« Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse, réduisant la tempête au silence, faisant taire les vagues », reprend le psalmiste !

Et l’évangile de nous raconter comment « réveillant le maître » les disciples lui donnent la possibilité d’exercer sa toute-puissance sur le créé… Notons en passant que le verbe utilisé par l’évangéliste pour réveiller est celui qu’il utilise pour dire la résurrection au matin de Pâques.

Alors, pour nous, chrétiens, que veut dire « crier vers le Seigneur » ? Que veut dire « réveiller Jésus ? »

Job, dans la première lecture, comme le psalmiste qui nous faisait prier tout à l’heure, comprennent que « c’est Dieu qui retient l’eau des mers et l’orgueil des flots. »

Encore une fois, au risque de me répéter et de vous lasser, il s’agit pour nous de nous en remettre à Jésus, lui-même entièrement tourné vers le Père « duquel toute paternité au ciel et sur la terre tient son nom.» (Eph 3,15).

Rappelez-vous dimanche dernier. Il était question de ne pas nous prendre pour le maître de la moisson mais de faire simplement et humblement notre travail de semeur, puis d’aller nous coucher et de dormir sans nous soucier davantage…

Qui que nous soyons, fusse même le Pape, nous ne sommes pas les maîtres ni les promoteurs du Royaume.

Il s’agit pour nous de laisser faire celui qui « tient dans sa main l’âme de tout vivant et le souffle de toute créature » (Jb 12,10) et qui a tout remis dans la main de son Fils. (cf Jn 3,35)

C’est Dieu, et Dieu seul qui est le maître. Il nous appelle seulement à nous rendre disponibles pour prendre la part de travail qui nous revient, mais ce n’est pas “notre” entreprise, mais la sienne que nous sommes appelés à servir.

Je suis toujours un peu inquiet quand je vois certains chrétiens où certaines communautés monter des projets d’évangélisation à la manière d’entrepreneurs ou de managers avec tout un tas de recettes réputées super-efficaces… et parfois accompagnées de programme de coaching qui virent très vite à l’emprise…

Le risque est grand, avec parfois la meilleure bonne volonté, de détourner le projet de Dieu et de l’adapter à nos idées ou à celles de tel ou tel gourou (ou gouroutes !) plutôt que de chercher humblement la capacité de nous a/juster à la volonté de Dieu… « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins » nous rappelle Isaïe (Is 55,8).

Et pourtant, au nom de sa fidélité sans réserve, depuis que le monde est monde, Dieu ne fait qu’endosser nos égarements et nos turpitudes bien souvent teintées d’ambition personnelle…

Est-ce une raison pour continuer comme si de rien n’était ?

Il ne faut quand même pas oublier que cette fidélité de Dieu à sa promesse l’a conduit sur la croix ! Prenons au sérieux ce que nous disait Saint Paul dans la deuxième lecture : « le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux.»

N’est-il pas suffisant qu’il soit mort une fois, que nous nous obstinions encore dans notre prétention à lui expliquer ce qu’il doit faire ?

Essayons, au moins de temps en temps, de nous mettre à l’écoute de la volonté de Dieu plutôt que de l’encombrer de toutes nos idées aussi élaborées et fascinantes qu’elles puissent être !

« Laissons Dieu être Dieu en nous-mêmes » [2] Attachons-nous au Christ, comme il est attaché au Père. Alors, avec Paul aux Romains nous pourrons nous écrier : « qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? […] Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm 8, 35-39)

À l’école de Jésus, remettons tout entre les mains du Père.

Je voudrais terminer en citant ce bel hymne du Père Pierre Fertin :

Le soir peut revenir et la nuit, si Jésus nous redit de quel Esprit nous sommes.

Vienne Jésus pour dissiper le brouillard et les doutes : Sa parole donnée est soleil sans déclin. Vienne Jésus pour surmonter la fatigue des jours : Il est l’eau de la source et le pain de la vie. Vienne Jésus pour dominer la frayeur du naufrage : N’est-il pas le seul maître du navire et des flots ? Vienne Jésus pour consoler de la mort implacable, en frère premier-né relevé du tombeau !

Le soir peut revenir et la nuit, si Jésus nous redit l’Amour qui nous fait vivre.

[1] Voir la description du “mal de mer” dans le psaume !

[2] « Laisse Dieu être Dieu en toi, petit traité de liberté intérieure », Jean-Marie Gueullette, Points-Vivre, 2016.