Homélie du 4 juillet 2021 (Grégoire)

Textes :

Frères et Sœurs, chers amis,

Notre bonheur est immense d’accueillir et d’entourer aujourd’hui l’un des nouveaux prêtres que Dieu a donné à notre Église en Sarthe dimanche dernier.

Joie d’autant plus grande que nous avons cheminé avec Antoine ces 2 dernières années et les deux précédentes avec Gaël, l’autre larron de l’histoire.

Ensemble nous renons grâce pour Antoine et Gaël et pour le ministère des prêtres au sein de la communauté chrétienne.

Vous le savez aussi, et c’est l’autre raison de notre rassemblement festif, cette joie est teintée pour moi et Antoine d’une certaine mélancolie à l’idée de bientôt tourner une nouvelle page de notre vie après quatre ou deux années passées à votre service. Mais c’est quand même l’action de grâce qui domine à cause de la joie que vous nous avez procurée dans notre mission au quotidien…

Bientôt vous allez accueillir Michel, votre nouveau pasteur. Puissiez-vous l’accueillir avec autant d’amitié et de sympathie que celles dont vous avez fait preuve à mon égard et à l’égard de Gaël et d’Antoine. Je ne suis pas inquiet, car je connais vos capacités en ce domaine.

C’est une nouvelle étape dans l’histoire de notre communauté, de votre communauté…

Vivre ensemble cet adieu dans le cadre de la première messe d’Antoine, est l’occasion de bien comprendre où se situe la vraie responsabilité missionnaire d’une communauté chrétienne.

En effet, comme ne cesse de le répéter notre évêque : ce ne sont pas les chrétiens qui sont au service des prêtres ou de l’évêque, c’est l’inverse ! C’est le baptême et non l’ordination qui fait de nous les disciples du Christ et les missionnaires de son Évangile.

« Avec vous je suis chrétien, pour vous je suis évêque » disait le grand Saint-Augustin. Il en est de même pour nous les prêtres… Le prêtre, choisi parmi les chrétiens, est ordonné “intendant des mystères de Dieu” pour alimenter et entretenir la communauté et lui rappeler à temps et à contretemps sa responsabilité de service des hommes et des femmes au milieu desquels elle est implantée.

Les récentes, innombrables et effroyables révélations d’abus en tout genre commis par des prêtres parfois très en « odeur de sainteté » ont mis en évidence l’urgence pour nos communautés d’apprendre à mieux situer la place du prêtre au service de tous…

Certains d’entre nous les prêtres ont vite fait de se prendre pour Celui au nom duquel ils ont été ordonnés et en la personne duquel ils agissent quand ils célèbrent les sacrements, laissant penser qu’ils sont les maîtres ou les leaders derrière lesquels la communauté doit s’aligner… Or, nous dit Jésus « vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. » (Mt 23,10) Ce n’est pas au prêtre de donner le tempo ! C’est au Christ !

Attention toutefois ! Cette dérive qui consiste à faire du prêtre le “chef d’orchestre” n’est pas le seul fait des prêtres. Elle est bien souvent entretenue par nombre de chrétiens qui oubliant leurs responsabilités de baptisés sont trop contents de pouvoir s’en décharger sur le prêtre et pouvoir ainsi casser du sucre sur le dos de leur curé quand les choses ne vont pas comme ils le souhaitent.

C’est ensemble que nous sommes responsables de l’annonce de l’Évangile et nous sommes appelés à être les gardiens des uns des autres.

Quand on voit un beau et jeune prêtre plein de zèle comme Antoine on est tenté de le mettre sur un piédestal quand ce n’est pas de le monter au pinacle. On peut être tenté aussi de se l’approprier ou d’en faire son idole…

Si vous aimez Antoine, ce dont je ne doute pas, ne faites jamais ça. Par pitié pour lui. C’est ce que Satan se proposait de faire avec Jésus au désert !…

Antoine, Grégoire, Sandro, Gaël, Jean-Louis sont des hommes comme les autres et l’ordination n’en n’a pas fait des surhommes, comme le soulignait fortement notre évêque dans son homélie de dimanche dernier que je vous invite à retrouver et à méditer sur le site internet du diocèse.

Aidez-nous à être à notre place, toute notre place, rien que notre place. Pour cela prenez votre place à vous, toute votre place, rien que votre place et n’hésitez pas quand cela vous semble utile à nous remettre en question dans un dialogue fraternel et constructif…

À la fin du mois d’août, je vais rendre mon tablier de curé et Antoine son tablier de vicaire à l’évêque du Mans.

Le samedi 4 septembre au soir, l’évêque va confier ce tablier à l’abbé Michel Dubois qui, avec son propre charisme, va devenir votre nouveau pasteur.

Le dénominateur commun, c’est vous, communauté chrétienne d’Allonnes et Arnage. C’est vous qui continuez d’avoir la responsabilité d’annoncer l’Évangile dans le monde tel qu’il est. En prenant vos responsabilités ou en continuant de les prendre, puissiez-vous aider l’Évangile à s’incarner dans la réalité allonnaise et arnageoise et aider votre curé à « s’imprégner de l’odeur de ses brebis » comme le rappelle le Pape François depuis le début de son pontificat. Aidez-le à vous aider, comme vous avez su le faire avec moi…

Devant cette responsabilité d’annoncer l’Évangile, chacun de nous, prêtre ou non, peut se poser la question “Mais, qui suis-je pour cela ?” Cette question, Antoine, tu te l’es certainement posée. Elle est naturelle parce que nous sommes conscients de nos nombreuses limites dont, ni le baptême, ni l’ordination ne nous ont exemptés.

La réponse de Dieu nous est donnée par Saint Paul dans la deuxième lecture : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse.» Et l’Apôtre insiste : « Je mettrai ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure.»

On voit bien vu, dans la première lecture que nous avons entendue, que le prophète Ezékiel avait bien compris ça, quand il dit : « l’Esprit vint en moi et me fit tenir debout. » Il sait bien qu’il ne tient pas debout par lui-même ! C’est l’Esprit qui nous fait tenir debout et nous donne l’audace d’affirmer : « Ainsi parle le Seigneur ! »

Main/tenus par le Seigneur, ne tombons pas dans le piège de l’âne chargé de reliques !

Permets-moi Antoine de te partager et de nous partager à tous ce précieux conseil de Saint François de Sales, parlant de l’humilité : « Soyons attentifs à cette vérité que ce qu’il y a de bon en nous ne vient pas de nous. Pour être chargés des précieux meubles du prince, les mulets n’en demeurent pas moins lourdauds et n’en sentent pas moins mauvais.»[1]

« Ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse ! »

Combien de fois avons-nous rendu grâce ensemble, Antoine, devant le témoignage lumineux de personnes sans éclat qui nous ont édifiés par leur manière d’être au sein de la communauté humaine d’Allonnes et Arnage.

Ce n’est pas de nous que nous témoignons, mais de Jésus.

En nous écoutant ou en nous voyant vivre il faut que la question des gens soit la même que celle des frères de village de Jésus : « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée ? N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie ? » (Nous pourrions-nous demander d’ailleurs pour toi, vu ton parcours professionnel : « N’est-il pas le charpentier, le fils de Mireille ? … »)

La réponse doit être sans ambiguïté : « Voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. » (Mt 5, 16)

Il y a aura des jours difficiles… N’hésite pas alors, n’hésitons pas à accepter « de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. »

Il y aura des jours faciles… Puisses-tu, puissions-nous, résister aux flatteries en tout genre qui ne manqueront pas de s’insinuer en toi et en nous comme le chant des sirènes…

Jésus-lui-même a résisté au succès et aux flatteries. Quand « un notable lui demande : « Bon maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » Jésus lui dit : « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. » (Mc 10, 17-18)

Il est parfaitement naturel que tu aies des amis, comme chacun d’entre nous. Il est parfaitement naturel que nous soyons attachés par des liens d’affection fraternels et c’est même nécessaire, mais arrange-toi pour que jamais ces liens ne deviennent des chemins de séduction. Ce n’est pas à toi qu’ils doivent conduire mais à l’unique Pasteur, « doux et humble de cœur.» (Mt 11,29)

À son école, puisses-tu, puissions-nous devenir, chacun à notre place, les témoins du Tout-Autre qui invite à grandir…

Gardons sans cesse, comme Lui, le regard tourné vers le Père…

« Comme les yeux de l’esclave vers la main de son maître. Comme les yeux de la servante vers la main de sa maîtresse… Vers toi, Seigneur, j’ai les yeux levés, vers toi qui es au ciel.»

Merci à vous tous et à chacun de nous aider à être les prêtres que vous méritez !

 

[1] Introduction à la vie dévote, 3ème partie, chapitre V, n° 183.