Homélie du 13 octobre 2019

Textes :

Frères et sœurs, chers amis,

Il est beaucoup question de guérison et de salut dans les lectures que nous venons d’entendre… Il est intéressant de noter à propos, que c’est le même mot latin “Salus” qui est à l’origine des mots “santé et “salut” en français. Il désigne tout autant “le bon état de santé” que “le fait d’échapper à un danger”.

Regardons tout d’abord la première lecture.

Bien que vaillant et glorieux général de l’armée de la grande et puissante Syrie, Naaman est frappé humilié et anéanti dans sa chair.

Son épreuve va le conduire peu à peu à descendre de son piédestal… Écoutant les conseils d’une petite esclave, ce qui est déjà une marque notable d’humilité, il se met en route pour rencontrer Élisée, le prophète de ce “trou du cul du monde” qu’est alors Israël aux yeux de ses voisins.

Sans prendre le temps de se déplacer, ce dernier fait dire à Naaman de se plonger 7 fois dans le Jourdain, vulgaire ruisseau, aux yeux du général, comparé aux fleuves somptueux de Damas… Vexé, il s’apprête à retourner chez lui mais, une fois encore, il écoute les conseils de ses serviteurs : « Si le prophète t’avait ordonné quelque chose de difficile, tu l’aurais fait, n’est-ce pas ? Combien plus, lorsqu’il te dit : “Baigne-toi, et tu seras purifié.»

Alors dans un nouvel acte d’humilité et de confiance il descend de son char et se plonge sept fois, comme lui a demandé le prophète… Et voilà que s’opère le miracle : « sa chair redevint semblable à celle d’un petit enfant : il était purifié ! »

Purifié dans son corps, Naaman l’est bien davantage dans son cœur… Ce n’est pas seulement sa chair qui redevient celle d’un enfant, c’est toute sa vie qui a basculé dans la confiance… « Si vous ne devenez pas comme des enfants, dira Jésus, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu.»

Remmenant avec lui la fortune inutile sur laquelle il comptait pour trouver la guérison (« dix lingots d’argent, six mille pièces d’or et dix vêtements de fête » dit le Livre des Rois) il repart enrichi de sa foi en l’Éternel et débarrassé de sa suffisance. Le chemin du Royaume de Dieu est ouvert pour lui… Il rend grâce à Dieu et c’est alors qu’on peut dire qu’il est réellement “sauvé”, que sa guérison est totale…

Revenons maintenant aux dix lépreux de l’Évangile…

Humiliés eux aussi dans leur chair, les dix lépreux vivant au ban de la société et réduits à la mendicité se tournent vers Jésus dont la réputation de guérisseur est établie… Ils crient vers lui : « Jésus, maître, prends pitié de nous ! »

Comme pour Naaman, c’est de loin que Jésus leur envoie sa consigne : « Allez vous montrer aux prêtres.» Cet ordre est promesse de guérison, puisque le rôle des prêtres est de constater officiellement la guérison afin de réintégrer le malade dans la société. Comme Naaman, ils entendent et écoutent la consigne, il “obéissent” et se mettent en chemin, alors qu’ils sont encore en route, ils sont purifiés de leur lèpre…

On imagine facilement que tous sont contents de cette guérison physique qui va leur permettre de reprendre une vie sociale normale… C’est peut-être l’empressement de retrouver leur place dans la société par l’accréditation des prêtres et de la Loi qui leur fait oublier d’entrer dans l’action de grâce… Seul le Samaritain est préoccupé d’exprimer sa reconnaissance à Jésus qui l’a remis debout en le rétablissant dans sa dignité !

Dans un geste d’humilité radicale  – « Il se jette face contre terre » (quoi de plus humble que de plonger la tête dans l’humus ?), il rend grâce à Jésus, se rappelant que ce qu’il est, il le doit à plus grand que lui…

Alors Jésus peut achever sa guérison : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé ! » Santé et Salut ne font plus qu’un en cet homme revenu des enfers…

Au croisement de la première et de la troisième béatitude de Saint Matthieu « Heureux les pauvres de cœur, le royaume des Cieux est à eux. Heureux les doux, ils recevront la terre en héritage.» (Mt 5, 3.5), s’en cache une autre que l’on pourrait formuler ainsi : « Heureux les humbles, ils s’ouvrent dès ici-bas au Salut.»

Avez-vous noté que dans les deux cas, ce sont deux réputés “mauvais croyants” qui obtiennent le Salut ? D’un côté Naaman le païen polythéiste et de l’autre l’hérétique samaritain… Le Psaume le disait bien : « Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations (i.d. païennes) …/… La terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu.»

La volonté et le projet de Dieu c’est le Salut pour tous… C’est pour cela que le Christ est venu, qu’il est mort et ressuscité…

C’est en Jésus Christ qu’est notre Salut rappelle Saint Paul à Timothée dans la deuxième lecture…  En acceptant ses chaînes, Paul rend gloire à Dieu à sa manière, endurant la souffrance au nom de Jésus pour que « tous ceux que Dieu a choisi obtiennent le salut et la gloire éternelle.»

En ce mois du Rosaire il n’est pas indécent de rappeler  ces paroles de la Vierge qui, dans son humilité, rend grâce à Dieu en son Magnificat : « Le Puissant fit pour moi des merveilles… Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.» (Lc 1, 49.51-52)

Le Psaume de ce jour lui fait écho : « Chantez au Seigneur un chant nouveau… par son bras très saint, par sa main puissante, il s’est assuré la victoire… Acclamez le Seigneur, terre entière, sonnez, chantez, jouez ! »

Je voudrais retenir aujourd’hui trois fondamentaux de la vie en plénitude que Jésus nous propose :

1/ Enracinons notre foi en Jésus-Christ. « Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts, il est notre salut notre gloire éternelle ! » (cf. 2 Tm 2) C’est Jésus et Jésus seul qui sauve et guérit !

2/ Gardons l’oreille attentive à la Parole des pauvres et des marginaux qui bien souvent, dans leur pauvreté nous indiquent le vrai chemin d’humilité en dehors duquel il est impossible d’accueillir le Salut en plénitude.

2/ N’oublions jamais l’action de grâce qui ouvre à la plénitude du Salut. C’est le sens même de ce que nous faisons en chaque eucharistie !