Homélie du 05 juillet 2020

Textes :
Zacharie 3, 1-4
Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14
Rm 8, 9.11-13
Mt 11, 25-30

 

Frères et Sœurs, avec moi vous l’avez bien entendu de la bouche du prophète Zacharie : le Messie, l’envoyé de Dieu, notre roi… vient pauvre et monté sur un âne !

Quelle leçon pour nous qui sommes si souvent enclins à imposer nos idées ou à suivre celui qui crie le plus fort !

Nous constatons que la violence gagne du terrain dans le monde et jusque dans les relations quotidiennes… Il suffit de regarder simplement dans notre pays, la violence qui s’est invitée dans chacune des manifestations au début de l’année entraînant destructions et réactions parfois brutales des forces de l’ordre dépassées par certains groupes extrémistes. Que dire aussi de la violence des propos qui circulent parfois sur internet à propos de tout et n’importe quoi… Il y a de quoi s’inquiéter.

Que dire alors de ce qui se passe ailleurs dans le monde est dont nous n’avons que des échos sporadiques ?

De nos jours, la violence s’étale sur tous les écrans qu’ils soient de télévision, d’ordinateur ou de jeux-vidéo… Faut-il s’étonner si elle resurgit ensuite dans des gestes incontrôlés chez de plus en plus de personnes (et pas seulement des jeunes !) désemparées et dégoûtées de ce que la vie leur propose… Quand en plus, elle devient l’occasion pour certains de crier que Dieu est grand tout en massacrant des victimes innocentes, nous sommes bien loin du Fils de Dieu pauvre et monté sur un âne qui vient briser l’arc de guerre et proclamer la paix aux Nations…

Jésus, doux et humble de cœur, vient, juché sur un âne… pour faire disparaître les chars de guerre et les chevaux de combat !

Un âne ça ne va pas vite, çà prend son temps ! Et quand, en plus, c’est chevauché par un roi de pauvreté, il n’y a pas trop de dégâts collatéraux à craindre !

Jésus, nous le croyons, c’est Dieu qui vient, en personne, ouvrir ou ré-ouvrir le chemin de la Vie. Il vient pour nous sauver !

Alors n’hésitons pas, dimanche après dimanche, à nous mettre à son école ! L’école de la paix et de la fraternité…

Pour aujourd’hui, je retiendrai trois enseignements :

Le 1er c’est : « Savoir se mettre à l’écoute de Dieu qui parle au cœur des pauvres.»

Jésus ne se laisse pas impressionner par les bavards et les prétendus savants qui n’avaient bien souvent que le souci d’étaler leur science, d’enfermer les foules dans un prêt à penser et, comme le font aujourd’hui de nombreux journalistes et commentateurs gonflés de leur propre médiocrité de chercher à piéger et à ridiculiser ceux qui osent faire entendre autre chose…

Jésus, en revanche rend grâce à Dieu devant la révélation faite aux tout-petits : “Père, Seigneur du Ciel et de la terre, je proclame ta louange ce que tu as caché aux sages et aux savants tu l’as révélé aux tout-petits.”

Je ne peux m’empêcher, à chaque fois que je lis ces versets de penser aux cinquante catéchistes de Tokombéré, communauté chrétienne du Nord-Cameroun que j’ai servie pendant 25 ans. Chaque samedi que Dieu fait, bravant le soleil et les cailloux de la montagne, faisant parfois 20 kms à pied, par 35° à l’ombre, ils viennent partager entre eux la Parole de Dieu qu’ils auront à annoncer dans leur communauté le lendemain… Le plus scolarisé d’entre eux n’a jamais dépassé le niveau 3ème. Un bon nombre ne sont jamais allés à l’école ! Ils me faisaient souvent penser à l’équipe de pécheurs qui suivaient Jésus, en réponse à son appel, sur les routes de Judée…

Il m’arrivait fréquemment, au cours de ces réunions auxquelles je participais aussi, de m’extasier quand la Parole de Dieu percutait le cœur de tel ou tel et nous revenait en écho par des expressions d’une limpidité et d’une justesse de vue que seul l’Esprit peut inspirer… Autant un cœur plein de superbe est imperméable à la rencontre, autant un cœur de pauvre est disponible au travail de l’Esprit !

Saurons-nous écouter Dieu qui parle à travers la voix des pauvres et des petits ou nous contenterons-nous du prêt à penser des médias aux mains des forts et des puissants?

La 2ème leçon que Jésus nous propose en ce dimanche concerne « le poids de nos vies et la manière de le porter ».

Encore une fois Jésus va être  déroutant ! Il y a un sentiment de grand soulagement effectivement qui se dégage de l’Evangile que nous avons entendu : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. » On croit entendre : “Laissez-là votre fardeau, je m’en occupe ! “ Et on commence déjà mentalement à se redresser en s’étirant… ! Mais ce n’est pas ce que Jésus dit. Il dit : “Prenez sur vous mon joug.” Cela pourrait se dire autrement “Attelez-vous avec moi !” Mais alors, si c’est le cas, notre fardeau qui nous paraissait déjà insupportable, au lieu de diminuer, se trouve augmenté de celui de Jésus qui est incalculable, lui qui porte le péché du monde!

Vous en connaissez beaucoup, vous, de marchands d’illusions qui proposent d’ajouter leurs souffrances aux vôtres?

Eh bien, c’est ce que Jésus fait ! Jésus ne nous invite pas à la facilité mais à la com/munion qui signifie “la charge partagée”. En latin le munus c’est la charge qu’on confie à quelqu’un… et tout le monde sait plus ou moins que le préfixe “cum” veut dire ensemble.

Communier c’est “prendre sur nous le joug du Christ”, c’est “participer à la charge du Christ”

C’est donc en nous mettant entièrement à disposition de Jésus avec nos capacités, mais aussi avec nos infirmités, que nous pourrons trouver le repos. Il s’agit de nous mettre à son service, tels que nous sommes et tels qu’il nous aime.

Jésus nous propose de nous associer à lui pour porter ensemble le poids du jour et de la chaleur… Voilà une belle définition de l’Eglise ! : Porter avec Jésus, frère aîné de la famille, notre responsabilité de fils de Dieu… Pour cela point n’est besoin d’être savant. (Il semble même que ce soit un risque d’handicap !) Alors, Judite et Marie n’ayez pas peur, vous qui justement, vous proposez de prendre sur vous le joug du Christ.

Nous sommes parfois ébahis de la façon dont certaines personnes semblent porter des charges énormes avec le cœur léger… et il y en a sûrement beaucoup parmi nous… Certains appellent cela de l’inconscience ou de l’insouciance. Que non ! Il s’agit bien au contraire  d’un enracinement dans la conscience que nous sommes, ensemble, entre les mains du Père… Et c’est vrai qu’il faut un vrai cœur de pauvre pour comprendre cela…

Attention toutefois…, et ce sera le 3ème enseignement que je retiendrai pour ce dimanche, Jésus ne méprise pas les sages et les savants : il les invite à la vigilance… Dans le troisième chapitre de son Évangile, Jean nous apprend que Jésus invite le savant Nicodème… à renaître d’en haut. (Jn 3, 3), c’est-à-dire à replacer ses racines en Dieu seul et à reconnaître, comme Jésus le disait un jour à Pierre, que ce n’est pas de la chair et du sang que nous recevons l’intelligence des choses, mais du Père qui est dans les Cieux ! (Cf. Mt 16,17)

St Paul nous a bien rappelé dans la deuxième lecture que nous avons une dette, mais ce n’est pas envers la chair. “Si vous vivez sous l’emprise de la chair vous devez mourir… Mais, si par l’Esprit, vous tuez les désordres de l’homme pécheur, vous vivrez.”

Les désordres de l’homme pécheur sous l’emprise de la chair ne se résument pas uniquement aux problèmes de sexe comme on voudrait si souvent le croire. Les désordres de l’homme pécheur, c’est tout ce qui tend à nous faire oublier que c’est Dieu et Dieu seul qui donne sens à la vie de l’homme.

L’homme pécheur sous l’emprise de la chair c’est l’homme tellement préoccupé de lui-même qu’il finit par en attraper le vertige et à se prendre pour ce qu’il n’est pas ! Et alors, quand il se sent menacé, il sort les crocs pour défendre ce qu’il croit être ses privilèges !

L’homme sous l’emprise de l’Esprit, au contraire, c’est l’homme, conscient de sa condition limitée de pauvre créature. Accueillant le message du Christ, il comprend que sa vocation première et ultime c’est d’être Fils de Dieu. Avec Jésus, jusque sur la Croix, il s’en remet entièrement à Dieu et se blottit entre ses mains, comme un enfant dans les bras de ses parents. La tempête peut souffler, il s’endort dans la paix…

Oui, “Père, Seigneur du Ciel et de la terre, je proclame ta louange ce que tu as caché aux sages et aux savants tu l’as révélé aux tout-petits.”

Donne-nous Seigneur un cœur de pauvre, donne-nous Seigneur un cœur d’enfant !