Homélie du 7 juin 2020

Textes :

Aujourd’hui c’est la fête… des mères me direz-vous ! Oui bien sûr mais en tant que telle, cette fête n’est pas encore inscrite au calendrier liturgique !

Aujourd’hui c’est la Sainte Trinité que l’Église nous invite à fêter. Heureusement que le mot Trinité est féminin. Sinon on aurait et on a souvent eu dans l’histoire tendance à oublier que dans la Paternité de Dieu il y a une dimension maternelle incontournable, plusieurs fois évoquée dans la Bible qui dit par exemple que Dieu a des entrailles de mère…

Alors, bonne fête à toutes les mamans bien sûr mais j’espère que vous ne m’en voudrez pas de m’arrêter davantage sur la fête de la Trinité.

La première lecture que nous avons entendue tirée du livre de l’Exode nous montre Moïse qui va à la rencontre du Seigneur sur le Mont Sinaï. Là, dans la nuée, Dieu se révèle à lui comme un « Dieu tendre et miséricordieux lent à la colère plein d’amour et de vérité ».

Cela encourage Moïse qui ose inviter Dieu à marcher, non plus seulement devant, mais “au milieu” de son peuple à la nuque raide. Moïse prend Dieu au mot et le prie de mettre en œuvre ce qu’il est, un Dieu tendre et miséricordieux : « Tu pardonneras nos fautes et nos péchés, et tu feras de nous ton héritage ».

Une lecture continue de la Bible qui partirait de la Genèse pour aller jusqu’à l’Apocalypse, même si elle ne correspondrait pas à la chronologie de son écriture, nous ferait découvrir un Dieu qui se révèle et se dévoile progressivement.

Partant d’un Dieu créateur tout-puissant qui place au milieu de sa création l’homme et la femme créés à son image comme maîtres de cette création, nous arrivons petit à petit et par étapes à la révélation finale d’un Dieu qui se fait serviteur et n’hésite pas à se donner totalement jusqu’à la mort de la croix.

L’Esprit, présent dès les origines, planant sur les eaux primitives et insufflé dans les narines du premier humain comme souffle de vie, traverse et accompagne toute l’histoire biblique (et donc toute l’histoire humaine) jusqu’à la Croix encore une fois. Au Golgotha l’Esprit se révèle en plénitude comme lien indéfectible entre le Père et le Fils, quand Jésus, après avoir tout accompli, s’écrie : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23,46). « Inclinant la tête, Il remit l’esprit », nous dit St Jean (Jn 19,31).

Le mystère de la Trinité – n’oublions pas que le mot “mystère” en théologie veut dire “ouverture vers la lumière” – ne peut être appréhendé qu’à l’aune de toute l’histoire biblique relue et accomplie en Jésus.

Ce que nous dit le mystère de la Trinité, ce n’est pas de croire qu’il y a 3 dieux, comme nous le reprochent certains autres croyants monothéistes, mais que l’unité indéfectible de Dieu s’exprime dans la relation des trois personnes qui le constituent : Le Père le Fils et le Saint-Esprit.

Ce mystère, s’il nous dépasse, n’en reste pas moins une lumière pour comprendre qui nous sommes et ce que veut dire pour nous “être créés à l’image de Dieu”.

Nous ne sommes pas créés à l’image du Père et malgré une habitude pluriséculaire d’appeler les prêtres “Père”, nous ne devons jamais oublier que Jésus lui-même nous dit : « Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux » (Mt 23,9). Il y aurait beaucoup à dire ici sur les dérives cléricales de l’utilisation abusive du nom de Père, mais ce n’est pas le lieu aujourd’hui.

Nous ne sommes pas créés à l’image de l’Esprit, ce qu’aimeraient bien ceux qui voudraient se libérer des contingences matérielles de ce bas monde… Purs esprits, comme les anges, affranchis des obligations de la chair nous n’en serions pas pour autant affranchis du devoir de relation…

C’est à l’image du Fils que nous sommes créés, fils et filles. Et c’est en regardant Jésus que nous apprenons à vivre pleinement notre condition de fils et filles de Dieu.

Dieu est Père. Il nous crée et nous main/tient dans la vie et l’existence. Nous reviendrons plus loin sur ce que signifie ce “maintien”.

Dieu est Fils. Dans son incarnation, non seulement « il ne vient pas nous juger » comme nous le rappelait l’Évangile tout à l’heure, mais il nous prend par la main, nous sauve et nous relève… Il est chemin du retour au Père et de l’accomplissement de notre dignité d’enfants de Dieu.

Dieu est Esprit. Il est cadeau gratuit, insufflé en nous, déjà, au jour de notre conception à l’image de Dieu, reçu en plénitude au jour de notre baptême et de notre confirmation. Transmis par le Fils, il agit en nos cœurs, nous éclaire, nous introduit dans la vérité toute entière et nous tourne résolument vers le Père.

Nous n’avons pas été baptisés au nom de Dieu.

Nous n’avons pas été baptisés au nom de Jésus.

Nous n’avons pas été baptisés au nom de l’Esprit.

Mais nous avons été baptisés au nom du Père du Fils et du Saint-Esprit. C’est donc bien dans la mouvance de ce Dieu unique, relation éternelle d’amour sans réserve que nous puisons notre raison d’être de chrétiens et la manière d’en vivre.

« Celui qui croit en Jésus échappe au jugement » nous disait St Jean tout à l’heure. Il est très clair que dans le texte de Jean il s’agit de croire, mais laissez-moi jouer un peu sur les mots (après tout ils sont un peu faits pour ça). Il s’agit de “croire” en Jésus bien sûr, mais il s’agit aussi et peut-être surtout de “croître” en Jésus… De “grandir” en Lui ! Professer le Dieu Trinité, comme nous le ferons tout à l’heure, c’est s’engager à croire en Lui et à “croître en lui” dans le service de nos frères et le don de notre vie.

Nous connaissons tous des gens qui vivent et meurent sans avoir eu la chance de connaître Jésus au sens fort du terme et qui pourtant laissent derrière eux un témoignage d’amour dans lequel Jésus saura se reconnaîtra sans hésiter au jour du jugement… « Venez-à moi les bénis de mon Père… » (cf. Mt 25)

Dans ce monde secoué par le virus  phénoménal qui nous oblige à avancer masqués, saurons-nous – aurons-nous su – reconnaître l’Esprit à l’œuvre dans le cœur de tant et tant de nos contemporains qui n’ont pourtant n’ont pas la chance de connaître le Christ et encore moins le Dieu Trinité.

Aurons-nous le courage de leur dire que nous, à la lumière de l’Esprit, nous avons vu et reconnu l’Esprit de Dieu à l’œuvre en eux. Saurons-nous leur annoncer la joie de l’Évangile non pas d’abord comme une connaissance intellectuelle ou un effort à faire mais comme un accueil et une mise en œuvre de ce que Dieu a semé dans leur cœur ?

On parle de plus en plus d’écologie intégrale. Beaucoup de voix s’élèvent pour nous dire que nous ne pouvons plus repartir comme avant… La pandémie de la Covid19 n’est-elle pas l’occasion de comprendre que « la Création tout entière attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » comme nous le dit St Paul dans sa lettre aux Romains (Rm 8,19) ?

Pour ma part, je le crois sincèrement…

Alors, malgré nos réticences et nos appréhensions, n’ayons pas peur car nous sommes “main/tenus” par le Père… Sur le feuillet que nous vous avons distribué, vous trouverez une image de la Trinité qui montre comment l’unité du Père et du Fils dans l’Esprit est réelle et sans réserve jusqu’au martyr de la Croix.

Comment Dieu main/tient son Fils, tient la main de son Fils même quand elle est crucifiée sur le bois de la Croix.

Répétons-le si besoin : Il n’y a que dans les mains de Dieu que nous sommes en sécurité !

Oui, Père, nous sommes tes fils et tes filles et, avec Jésus et en Lui, en tes mains nous mettons notre esprit.