Homélie du 25 mars 2018

Messe de la Passion :

Is 50, 4-7
Psaume 21 (22), 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a
Ph 2, 6-11
Mc 14, 1 – 15, 47

La Semaine Sainte 2018 qui s’ouvre aujourd’hui avec la célébration des Rameaux et la messe de la Passion que nous célébrons en ce moment prend pour moi une coloration très particulière… Tout d’abord, parce que qu’elle est la première que je vivrai au milieu de vous, avec vous et grâce à vous.

Bien sûr le message de l’Evangile est le même pour tous, à travers les siècles et à travers le monde, mais il prend la couleur du milieu et de l’époque dans lequel il est annoncé. Chaque fois, il resurgit dans son appel incessant à la nouveauté.

Ce que nous comprenons aujourd’hui et au cours de toute cette semaine tragique c’est que toute vie vécue en profondeur est traversée par des heures de joie et des heures de tristesse, des heures de gloire et des heures d’épreuves… La fureur populaire du Vendredi Saint ne doit pas nous faire oublier la ferveur  populaire des Rameaux ! Le baiser visqueux de Judas, (pour trente deniers !), n’arrive pas à éclipser la prodigalité des 300 pièces d’argent gaspillé en l’honneur de Jésus par la femme au flacon d’albâtre.

Les foules sont rarement bonnes conseillères surtout quand elles sont manipulées et récupérées par des fanatiques plus ou moins véreux…

Mais au cœur des ténèbres parfois si profondes de nos sociétés trébuchantes se lèvent aussi des témoins lumineux qui indiquent les vrais sommets auxquels nous sommes appelés. Nous arrachant à nos somnolences et à nos préoccupations alimentaires ou pécuniaires, ils nous nous font lever les yeux plus haut que le seul souci de nous-mêmes pour apprendre qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime…

Je voudrais ici rendre hommage au Lieutenant-Colonel Beltrame qui à l’âge de 45 ans n’a pas hésité à offrir sa vie en échange de celle d’un otage anonyme… Et même si certains politiques, heureusement remis en place et condamnés par leur propre formation, se sont permis de chercher à faire le buzz en salissant sa mémoire, il n’en reste pas moins que son exemple éclaire notre Semaine Sainte d’un jour bien particulier.

Je ne sais pas si ce soldat était croyant ou non ni en qui il croyait et c’est même mieux de ne pas le savoir parce que la capacité de donner sa vie pour ses frères comme il l’a fait, n’est l’apanage d’aucun parti ni d’aucune religion…

Prions aussi pour nos frères de confession musulmane, humiliés par les actes barbaresques de fous sanguinaires, prétendus serviteurs de Dieu, qui pensent qu’on peut crier le saint nom de Dieu en commentant le mal !  Puissions-nous, au cours de cette semaine, témoigner aux vrais musulmans, notre sympathie et notre compassion dans ces moments de ténèbres…

Donnant sa vie sur la Croix, le Christ-Jésus, Verbe de Dieu devenu semblable aux hommes, s’est abaissé en devenant obéissant jusqu’à la mort de la Croix. Il indique ainsi le chemin de la Vie aux hommes de toutes conditions et de tout poil… Non pas bouffer l’autre pour l’anéantir, mais plutôt se faire nourriture pour ses frères… « Prenez et mangez en tous… Faites ceci en mémoire de moi ! »

Tout au long de cette semaine nous sommes invités à marcher avec Jésus et à choisir, nous aussi… Serons-nous de ceux qui crient « Hosanna au fils de David » ou bien « à mort, à mort, crucifie-le… ! » peut-être les deux simultanément, au gré du vent !

Disciples de Jésus et membres de son corps, serons-nous Jean qui accompagne Jésus et sa mère jusqu’au pied de la croix ? Ou Judas qui trahit ? Ou le disciple qui s’enfuit tout nu devant le danger ? Ou encore Pierre qui enrichit sa trahison d’un parjure sanctionné par une bête à plumes ?

L’esprit est ardent mais la chair est faible !…

Serons-nous du côté des grands-prêtres qui ergotent en essayant de nous faire croire qu’ils n’ont pas entendu depuis fort longtemps l’appel à changer de cœur et de regard sur Dieu et sur les hommes ?

Serons-nous avec Pilate qui utilise Jésus comme un fusible, pour préserver la tranquillité publique et satisfaire les plus enragés ?

Serons-nous de ces soldats romains qui s’ennuient en terre d’exil et trompent l’ennui en maltraitant ce doux dingue qui se prend pour un roi ! Ou plutôt avec ce Lieutenant-Colonel païen, Centurion de l’armée romaine, qui s’écrie en voyant comment Jésus  a su vivre sa mort : « Vraiment cet homme était fils de Dieu ! » ?

AUrons-nous l’audace de Joseph d’Arimathie, « juif pieux qui attendait le règne de Dieu », et qui ouvre la porte de son cœur et celle de son propre tombeau à celui qui, il ne le sait pas encore, va pulvériser la mort et rouvrir aux hommes le chemin de la Vie ?

Soyons vigilants… L’esprit est ardent mais la chair est faible !…

N’oublions pas au long de cette semaine que, cette année, la fête de Pâques sera célébrée aussi le week-end prochain chez nos frères Juifs, nos aînés dans la foi. N’hésitons pas, là non plus à leur dire notre proximité par des gestes fraternels…

A tous et à toutes, bonne et Sainte Semaine !