Homélie du 20 septembre 2020

Textes :
   Is 55, 6-9
   Ps 144 (145), 2-3, 8-9, 17-18
   Ph 1, 20c-24.27a
   Mt 20, 1-16

« Cherchez le Seigneur tant qu’il se laisse trouver ; invoquez-le tant qu’il est proche », nous disait Isaïe dans la première lecture.

Attention à ne pas nous tromper d’interprétation. On a un peu l’impression en écoutant ces paroles qu’il ne faut pas perdre de temps parce que Dieu risque de s’éloigner d’un moment à l’autre.

Or ce n’est pas ce que dit le Prophète. Si quelqu’un risque de s’éloigner ce n’est pas Dieu mais nous. Le Dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob est le Dieu proche, à l’écoute de son peuple et il nous invite, à temps et à contretemps à revenir à Lui et à être attentifs à sa Parole.

Nos frères juifs, à qui nous souhaitons bonne année en cette fête de Rosh Hashana, ont bien compris cela depuis longtemps! : Dieu a beau être le tout autre, il est aussi le tout proche… qui chemine avec nous ou, plutôt, nous propose de cheminer avec Lui  sur les chemins de la Vie.

À plus forte raison, les chrétiens que nous sommes sont témoins de ce Dieu tellement proche qu’il s’est fait l’un de nous: Emmanuel ! « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu » disent les Pères de l’Église.

Dieu est l’auteur et le créateur de notre vie. « Il nous a faits et nous sommes à lui nous son peuple son troupeau » (Ps 99,3) Il connaît la juste mesure de notre existence et, s’il est un Dieu proche, un Dieu qui s’approche ce n’est pas pour prendre nos habitudes, mais, bien au contraire pour nous permettre d’adopter les siennes et de nous laisser conduire.

Regardons par exemple la difficile question du pardon qui nous préoccupe depuis plusieurs semaines…

Eh bien, aujourd’hui Isaïe nous dit que Dieu est riche en pardon car, dit-il, « mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins. »

« C’est Dieu qui connaît » disaient les catéchistes de Tokombéré. C’est à nous d’apprendre de Lui et non l’inverse !

Laissons-nous conduire, encore une fois, par celui qui nous connaît mieux que nous-mêmes, parce que c’est lui qui nous a tissés dans le sein de notre mère…

Oui, profitons de la proximité de Dieu pour le chercher parce que “sans lui nous ne pouvons rien faire.” (Cf. Jn 15,5) Il est celui qui donne sens à notre vie.

Ses chemins ne sont pas nos chemins et ses pensées ne sont pas nos pensées, mais ils sont appelés à le devenir si nous ouvrons nos cœurs à sa Parole.

C’est parce que Dieu a l’ambition de faire de nous ses fils qu’il s’approche et se laisse trouver.

« Le Seigneur est juste en toutes ses voies… Il est proche de tout ceux qui l’invoquent en vérité.»

“Est-ce si vrai que Dieu est juste ?” pourrait-on se demander en entendant l’évangile d’aujourd’hui ?

Quel est-il ce Dieu qui donne à celui qui n’a travaillé qu’une heure, le même salaire qu’à celui qui a travaillé toute la journée, endurant le poids du jour et de la chaleur ?

Il y a de quoi faire frémir le syndicaliste épris de juste rétribution qui sommeille en chacun d’entre nous !

Que d’encre et de salive n’ont-ils pas coulé à travers les siècles à propos de ce texte ! N’y voyons pas un traité d’économie, mais plutôt la base d’une possible révision de vie…

En Dieu il n’y a pas de comptabilité… où, pour le moins Dieu n’a pas la même manière de compter que nous. Il n’y a ni banque ni chéquier dans le royaume de Dieu, et il n’y a de dette que celle de l’amour mutuel comme nous le rappelait saint Paul l’autre jour.

Voilà la clé de compréhension de l’Évangile que nous venons d’entendre.

Le maître promet ce qui est juste comme rétribution pour le travail effectué. Or, pour Dieu, ce qui est juste c’est que l’homme ait la vie et qu’il l’ait en abondance et le travail de l’homme c’est d’ouvrir son cœur à la gratuité de l’amour.

Ce que Dieu veut nous donner, c’est la plénitude et il veut la donner à tous. Qu’y-a-t-il d’anormal là-dedans ?

La récrimination des ouvriers de la première heure vient du fait qu’ils n’ont pas compris cette magnificence de Dieu. Ils voient le ciel et même le Royaume qui en est l’avant-goût ici-bas, comme une récompense de leurs efforts et non comme une pure libéralité de Dieu qui ne demande qu’une chose : que nous ouvrions nos cœurs et nos vies à sa libéralité, en acceptant de travailler à sa vigne.

Il n’y a pas de plus et de moins dans le Royaume de Dieu il n’y a que de la plénitude.

Les ouvriers récriminant transforment la pure générosité de Dieu en un simple salaire que l’on peut revendiquer, au lieu de transformer leur disponibilité à servir en occasion de recevoir la vie en plénitude… Alors ils repartent avec leur pauvre denier : « Prends ce qui te revient et va-t’en… » Terrible sentence !

C’est ce qui arrive à celui qui est plus préoccupé de lui-même et de ce qu’il croit être ses intérêts, plutôt que des autres.

Paul a compris cela, lui qui dit : « pour moi vivre c’est le Christ et mourir est un avantage. » Il sait qu’en accueillant le Christ dans sa vie il a tout reçu et il est comme “pressé” de mourir pour jouir de la plénitude de ce qu’il a reçu, mais il est prêt aussi à poursuivre sa route semée de souffrances et de persécutions, si telle est la volonté de Dieu… “Soit que je vive, soit que je meurs, le Christ sera glorifié dans mon corps !”

Alors, mes frères, invoquons le Seigneur tant qu’il est proche et se laisse trouver… Revenons vers le Seigneur qui nous montrera sa miséricorde, vers notre Dieu qui est riche en pardon.

Sans calcul et joyeusement travaillons ensemble à la Vigne du Seigneur !