Homélie du 13 septembre 2020

Textes :
   Si 27, 30 – 28, 7
   Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 9-10, 11-12
   Rm 14, 7-9
   Mt 18, 21-35

Frères et sœurs, ceux d’entre vous qui étaient là la semaine dernière, se rappellent peut-être que Jésus expliquait à ses apôtres le chemin de la correction fraternelle. Cette capacité qui consiste non pas à nous ériger en donneurs de leçons mais à comprendre que seul l’amour vécu dans la vérité, fusse-t-elle difficile à entendre, conduit à une relation constructive.

Jésus proposait des étapes :

  1. la rencontre seul à seul avec le frère concerné,
  2. le soutien de deux ou trois témoins,
  3. le recours à la communauté et,
  4. finalement cette attitude curieuse : « considère-le comme un païen et un publicain. »

Nous avons vu comment dans la bouche de Jésus cela ne voulait pas dire laisse-le tomber, mais plutôt efforce-toi de comprendre ce qu’il y a de bon en lui et continue à l’aimer pour ce qu’il est et non pour ce qu’il te fait…

Après avoir entendu cet enseignement, Pierre réagit. On connaît l’impétuosité de l’apôtre Pierre et la manière qu’il a de parler un peu vite parfois avant de réfléchir…

Pierre ne devait pas beaucoup aimer les publicains. Rappelons-nous qu’il gérait une petite entreprise de pêche avec son frère André et ses cousins les fils de Zébédée.

Comble de l’horreur (ou sens de l’humour de Jésus ?), Pierre qui avait tout laissé pour suivre Jésus, se retrouve à cheminer sur les routes de Palestine avec, comme compagnon de route, Lévi le publicain collecteur d’impôts qui le ponctionnait à temps et à contretemps !

“Combien de fois dois-je pardonner Seigneur ?”

On imagine la scène ! Lévi, se sentant certainement indexé, devait tendre discrètement l’oreille ! “Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois 7 fois !” répond Jésus. Autant dire « sans aucune limite » !

C’est normal puisque nous sommes dans le registre de l’Amour et que l’Amour vrai n’a pas de limites.

“Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même” nous dit saint Paul, “si nous vivons nous vivons pour le Seigneur.” Alors, si nous vivons vraiment pour le Seigneur, la mesure de notre amour doit être le sien…

“L’homme n’est pas la mesure de l’homme” disait Xavier Emmanuelli. La vraie mesure de l’homme c’est Dieu, c’est l’Amour. Car « Dieu est amour » (1 Jn 4,8)

Aussi fou que cela puisse paraître aux yeux des hommes, soyons raisonnables à la manière de Dieu.

Écoutons Ben Sira le Sage : « Si tu nourris de la colère pour ton semblable, comment peux-tu supplier Dieu pour tes propres péchés ?…/… pense à ton sort final …/… et ne garde pas de rancune.»

C’est finalement ce que nous sous-entendons à chaque fois que nous disons le Notre Père : “pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.”

Replaçons-nous dans la dimension d’éternité qui est la vraie dimension de notre vie.

La remise des dettes à laquelle Jésus nous appelle n’est autre que l’invitation à préparer nos cœurs à l’accueil de la miséricorde.

Si la dette de mon frère encombre mon cœur, il n’y a plus de place pour l’amour de Dieu ! Rappelons-nous : « Ce que vous avez lié sur la terre sera lié dans les cieux… » Dieu respecte notre manière d’être il ne peut pas, malgré sa toute-puissance, nous obliger à accueillir son amour, que ce soit maintenant ou dans l’au-delà de notre mort physique.

Dans la parabole du roi que nous avons entendue tout-à l’heure, la colère du roi qui semble changer d’avis devant l’attitude du serviteur auquel il avait remis sa dette, peut nous sembler un peu révoltante ou déroutante… : S’il avait remis la dette, il avait remis la dette ! Ou bien est-ce que la justice peut revenir sur sa décision… ? La question n’est pas là !…

Quand Jésus dit : « C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur », c’est tout simplement une autre manière de dire que « tout ce que nous aurons lié sur la terre sera lié dans les cieux » et que si le pardon vient de Dieu, il est en notre pouvoir de le rendre stérile, aussi dramatique que cela puisse être…

Apprenons de Dieu à vivre en Fils de Dieu et ne l’empêchons pas de réaliser son projet d’amour en chacun d’entre nous.

Je vous propose pour cela de redire à voix haute, avec moi, le psaume de la liturgie de ce dimanche que vous avez sur vos feuilles :

Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être ! Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits !

Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse.

Il n’est pas pour toujours en procès, ne maintient pas sans fin ses reproches ; il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses.

Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ; aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il met loin de nous nos péchés.

Et vous, Matthias et Sarah, Émérance et Cyril, qui présentez vos enfants au baptême, c’est à vous qu’il revient d’apprendre ce chemin de l’amour à vos enfants… Nous sommes là pour vous y aider.