Textes :
Nous célébrons aujourd’hui la fête de l’Assomption.
Même si la promulgation du dogme de l’assomption est très récente (Pie XII en 1950), la dévotion au fait que, comme le dit une prière envoyée par le Pape Adrien 1er à l’empereur Charlemagne : « Marie n’a pas pu être humiliée par les liens de la mort, elle qui engendra de sa chair, ton Fils, Notre-Seigneur.» est très ancienne dans l’Église.
Comme on le voit, c’est une vieille histoire ! Et on pourrait passer deux heures à ne faire que citer des textes anciens, remontant au IVème siècle, qui évoquent la foi des chrétiens en cette réalité.
Mais que signifie l’Assomption pour chacun d’entre nous ?
Même si les litanies de la Vierge donnent à Marie le titre de “Janua Cœli” (porte du Ciel), il ne faut pas se tromper d’interprétation. Ce n’est pas Marie qui a fait entrer Jésus au Ciel. C’est l’inverse…
Jésus est bien le premier à être entré avec un corps humain dans la gloire du Ciel, accompagné par les patriarches du monde entier qui, depuis la création, attendaient que les portes du Ciel s’ouvrent aux croyants…
Quand Marie arrive au Ciel, elle y est accueillie par toute la troupe des “rachetés de Jésus”. Cependant on peut dire que Marie est vraiment porte du Ciel par le “fiat”, le “oui à la volonté de Dieu” qu’elle prononce au jour de l’Annonciation. Ce oui qui ouvre au Verbe incréé les portes de la condition mortelle.
C’est à la lumière de l’Ascension (de Jésus) que peut se comprendre l’Assomption (de Marie) et notre vocation à la vie éternelle en Dieu…
L’Assomption, entend-on parfois, c’est “l’Ascension de Marie”. Ce n’est pas tout à fait juste…
Une ascension on sait ce que sait. Prenons l’exemple de l’ascension du mont Ventoux, pendant le tour de France… C’est une course de résistance. Des coureurs s’affrontent pour savoir lequel arrivera le plus vite en haut ! Dans l’idée d’ascension c’est celui qui monte qui fait le travail…
Le mot assomption, quant à lui, vient du latin : ad (à) et : sumere (prendre). Il est donc de la même famille que le mot “assumer”… qui veut dire “prendre avec soi” ou “prendre sur soi”… Dans la vie courante on sait bien ce que veut dire assumer quelque chose ou assumer une responsabilité. C’est la prendre sur soi, la prendre à son compte…
Dans le cas qui nous intéresse, on peut dire que Jésus “assume” Marie. Il “prend à son compte” la vie de Marie…
C’est pour cela qu’on ne parle pas de l’Ascension de Marie, mais bien de son Assomption… Ce n’est pas elle qui monte à la force de son bras, c’est Dieu qui la fait monter ! “Déployant la force de son bras…il élève les humbles” chante Marie en son Magnificat !
Les gens qui écrivent les icônes l’ont bien compris quand ils représentent l’Assomption (ou la dormition) par l’image de Marie blottie comme un petit enfant dans les bras de Jésus… (Icône). La sainteté consiste finalement davantage dans le fait de se laisser porter par le Christ que de le porter nous-mêmes…
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Marie est souvent appelée “Ève nouvelle” par la tradition chrétienne parce qu’elle est l’image inversée de la première Ève du livre de la Genèse.
Ève, pétrie d’ambition, se laisse séduire par le serpent des origines. Elle se détourne de Dieu et tente de trouver la force par elle-même en mangeant le fruit défendu… Le résultat c’est qu’elle fait l’expérience amère de sa condition de créature appelée à retourner à la poussière…
A l’opposé, Marie, Ève nouvelle, est toute confiance ! : “Qu’il me soit fait selon ta Parole.”
Le résultat c’est qu’au lieu de faire l’expérience de ses limites et de sa nudité, elle devient “tabernacle de la présence divine” ! “Désormais tous les âges me diront bienheureuse !”
Marie avant d’être notre Mère, est celle du Christ. Je suis toujours ému quand je pense que Jésus a eu besoin, comme nous, d’une mère pour apprendre son métier d’homme… C’est sur les genoux de sa maman que Jésus a appris ce que voulait dire faire la volonté de Dieu quand on est un homme ! Il savait déjà bien le faire en tant que Dieu, fils de Dieu, mais il ne savait pas le faire en tant qu’homme…
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Marie a un rôle très important à jouer dans notre chemin vers le Salut, mais il ne s’agit pas pour autant de l’instrumentaliser pour arriver à nos fins.
Sur la Croix, Jésus nous l’a donné pour Mère, Éducatrice et Modèle Le rôle de Marie est de nous conduire à Jésus. “Faites tout ce qu’il vous dira”, dit-elle aux serviteurs des noces de Cana (Jean 2, 5). Elle continue à le dire à chacun d’entre nous aujourd’hui ! Écouter Marie, c’est se mettre à l’école de Jésus …
La montée de Marie, nous appelle à monter nous aussi…
Essayons donc de comprendre pourquoi et comment Marie est montée… et comment nous pouvons monter avec elle dans les bras de son fils…
“Qui s’élève sera abaissé et qui s’abaisse sera élevé.” (Mt 23,12 ; Lc 14, 11 ; Lc 18,14) prévient Jésus.
Il s’agit bien de monter, mais de “monter à la manière de Jésus”. Ce qui veut dire descendre !
Il ne s’agit donc pas de monter vers Dieu à la force du poignet avec nos mentalités d’Homme Ancien mais, bien au contraire, de mourir à nous-même pour laisser l’Homme Nouveau monter en nous…
Il s’agit d’apprendre à nous blottir entre les bras de Jésus, comme un petit enfant dans les bras de ses parents et de le laisser nous conduire dans son Ascension vers le Père…
La lettre aux Philippiens 2, 8-9 affirme: “Il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir et à mourir sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout; Il lui a conféré le nom qui surpasse tous les noms.”
Notre souci à nous, ce doit être de descendre, la montée c’est le travail de Dieu !
“Chouette !” dirons-nous, “c’est plus facile de descendre que de monter !” Eh bien non, justement… L’orgueil qui trône en notre cœur fait que très souvent nous acceptons plus facilement les efforts pour monter au-dessus des autres que les efforts pour descendre !
Ecoutons un peu Jean Vanier fondateur d’un réseau de maisons qui accueillent les personnes handicapées un peu partout à travers le monde… : “En, contemplant Jésus à Bethléem, nous découvrons un Dieu qui s’abaisse vers nous. Nous devons donc comprendre que le caractère divin en chacun d’entre nous n’est pas tant dans notre capacité de dépassement qui nous pousse à nous élever au-dessus des autres, mais bien dans la faculté que nous avons de nous abaisser, de servir par amour, de nous faire pauvre avec les pauvres.”[1]
Marie nous apprend l’humilité… Cette vertu qui, disait la saint Curé d’Ars : “est aux autres vertus, ce que la chaîne est au chapelet.”
Marie, l’humble servante de Nazareth, nous apprend que l’humilité conduit à la joie : “Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse” (Lc 1, 47-48)
Cette joie exultante de Marie est communicative. Nous la retrouvons d’ailleurs en Jésus, quelques années après, quand : “Il fut rempli de joie par le Saint-Esprit et s’écria: “O Père, Seigneur du ciel et de la terre, je te remercie d’avoir révélé aux petits ce que tu as caché aux sages et aux intelligents.” (Lc 10, 21)
Cette joie communicative, que Jésus transmet à ceux qu’il n’appelle plus serviteurs mais amis, parce qu’ils ont appris de lui tout ce qu’il a entendu auprès du Père (cf. Jn 15,15) est aussi la joie du Baptiste qui déclare: “Maintenant ma joie est complète. Il faut que lui grandisse et que je diminue.” (Jn 3,29-30)
Devenus “familiers” (membres de la famille) de Jésus et de Marie par notre baptême, nous avons reçu en héritage l’humilité qui, si nous savons l’accueillir nous permettra de trouver la manière de nous blottir nous aussi dans les bras du Christ…
Avec Paul, « Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ.»
[1] Cité par Mgr Boulanger.