Homélie du 14 octobre 2018

Textes :

Présentation des délégués paroissiaux :

  • Bernard Bretonnière,
  • Ghislaine Champion
  • Christian Amewounou
  • Laïmoto Holoïa
  • Ludovic Roland

Ils ont été choisis et interpellés par l’Equipe d’Animation Pastorale de notre ensemble paroissial en partant d’une liste de suggestions établie par les chrétiens d’Allonnes et d’Arnage.

Ils ont accepté non pas pour représenter nos intérêts dans l’assemblée synodale, mais pour être présents, en notre nom, à ces moments de réflexion, de grâce et de conversion que vont être les trois assemblées synodales prévues en novembre, janvier et mars.

Avec 300 autres chrétiens venus des quatre coins de notre diocèse, ils vont reprendre et assumer la réflexion des 490 équipes synodales qui ont regroupé 3.155 personnes lors des 5 rencontres proposées de février à mai dernier. (Chez nous, ce sont plus de 60 personnes réparties en 10 équipes qui ont apporté leur contribution.)

Aujourd’hui, nous sommes rassemblés pour réfléchir et prier, avec et pour eux, afin qu’ils se laissent conduire par l’Esprit qui, aujourd’hui comme hier, parle à nos communautés et nous envoie en mission pour que la Parole de Dieu, « vivante, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants » rejoigne notre monde…

Ce matin, c’est dans l’action de grâce de notre eucharistie que nous les portons. Cet après-midi ce sera dans la réflexion et la présentation du travail déjà effectué que nous poursuivrons notre démarche. Je ne m’étends donc pas sur le sujet…

Je voudrais toutefois relever un aspect que l’Évangile de ce jour nous invite à ne pas oublier… et peut-être même à placer au cœur de notre démarche synodale… Celui de la disponibilité indispensable à la créativité.

Le défi de notre synode consiste à inventer la paroisse d’aujourd’hui… Nous sommes parfois bien encombrés par des schémas anciens qui finalement ne correspondent plus à la réalité du monde dans lequel nous vivons.

Le P. Jérôme Gagey, théologien et vicaire général du diocèse de Créteil,  prétend avec raison que ces schémas anciens « jouent pour notre conscience ecclésiale un rôle analogue à celui que joue pour un grand nombre de personnes amputées la “douleur fantôme” qui les affecte ordinairement pendant la première armée qui suit leur amputation. Ces personnes “sentent” le membre disparu et par moments tendent à se com­porter “comme s’il était là”. Or, cette sensation ne leur est d’aucune aide. Elle les empêche seu­lement de bien user des membres dont elles dis­posent vraiment. »[1] Jérôme Gagey nous invite donc à savoir nous désencombrer de ce qu’il appelle “les paradigmes fantômes”.

L’Église, dit-il « avait hier le statut d’une insti­tution englobante : douée d’un privilège de véri­diction (d’expression de la vérité), elle donnait à chacun dans la société les critères de l’action juste. Elle n’est plus, dans le monde moderne, qu’une institution sectorielle. Sa parole n’est plus la vérité, mais une opinion comme les autres que l’État, dans sa souveraineté, peut fort bien méconnaître.»[2]

Autrefois le village, rassemblait autour de son clocher, la quasi-totalité de la population…

Rappelez-vous, pour les plus anciens, l’affiche de la campagne présidentielle de François Mitterrand, qui présentait ostensiblement un village français surplombé de son clocher (dont on avait toutefois pris soin d’enlever la croix !)

Ce type de représentation ne fonctionne absolument plus et il ne reste plus, aux nostalgiques du “village français, modèle de convivialité”, que leurs yeux pour pleurer !

« Dans le contexte actuel, nous dit le P. Gagey, il n’y a pas de sens pour l’Église à se vouer à la prolongation de la civilisation du village. L’as­semblée paroissiale peut apporter à ses membres des éléments essentiels pour la construction de leur identité chrétienne et de celle de leurs enfants, s’ils en ont,  mais elle n’est déjà plus leur commu­nauté unique de référence.» [3] Il nous faut apprendre à inventer à nouveau frais la présence des chrétiens au cœur de la cité…

Le citoyen français lambda est désormais « pluri-appartenant ». Ses communautés de référence sont multiples et parfois contradictoires…

Notre démarche synodale ne doit donc pas consister à revenir à des schémas dépassés et inopérants, ni à jeter le bébé avec l’eau du bain en faisant exploser nos communautés au risque de les éparpiller façon puzzle comme dirait Michel Audiard !…

La question c’est : « Comment annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus dans un monde qui n’est culturellement plus chrétien et tend à se paganiser à vitesse grand V ?… »

« Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. », nous dit Jésus ce matin dans l’Évangile…

Il y avait, paraît-il, dans les murailles entourant Jérusalem une porte qu’on appelait “la porte de l’aiguille”. Elle était si petite qu’un chameau ne pouvait pas y entrer chargé… Il devait être débâté de toute sa marchandise pour pouvoir passer la porte…

Est-ce cela qui a inspiré une telle image à Jésus pour indiquer combien il est nécessaire de nous délester de toutes nos richesses et même de toutes nos certitudes pour entrer dans le Royaume… ?

Je ne sais pas… En tout cas, je trouve que cette image est très bien venue pour encourager les membres des assemblées synodales qui ont pour mission de nous aider à faire émerger les paroisses dont le monde a besoin.

Prions Dieu qu’ils sachent faire la part des choses et nous débarrasser de ce qui ne peut qu’alourdir notre marche en avant vers le Royaume et la mission d’annoncer la Bonne Nouvelle à nos contemporains.

Il est peut-être utile de rappeler qu’en envoyant les 72 en mission, Jésus ne leur fait pas la liste de ce dont ils doivent se charger mais bien ce dont ils doivent ne pas s’encombrer pour « annoncer la paix à chaque maison dans laquelle ils entreront, mangeant et buvant ce que l’on leur servira… » (cf. Luc 10, 7-8)

Prions donc, avec l’auteur du livre de la Sagesse pour invoquer le discernement sur nos frères et sœurs qui vont porter en notre nom la démarche synodale à laquelle nous sommes tous invités par notre évêque.

Et « Que vienne sur eux et chacun d’entre nous la douceur du Seigneur notre Dieu ! »

[1] Henri-Jérôme GAGEY, Les ressources de la foi, Salvator, Paris, 2016, pp.54-55.

[2] Idem, p. 78

[3] Idem, p. 80.