Homélie du 14 mars 2021 (Antoine)

1ère lecture : 2ème livre des Chroniques (chapitre 36, 14-16.19-23)
Psaume 136
2ème lecture : Lettre de Saint Paul aux Éphésiens (chapitre 2, 4-10)
Évangile : Saint Jean (chapitre 9, 1-41)

Être des fils de lumière :

Devenir fils de lumière et le demeurer toujours.

Chers frères et sœurs,

Les textes que nous venons d’entendre et la célébration que nous vivons avec nos catéchumènes nous appellent à être des fils de lumière : devenir des fils de lumière et le demeurer toujours.

Devenir des fils, il s’agit donc de naissance. Et à propos de naissance, il y a des dates d’anniversaire que nous connaissons par cœur. Tenez, par exemple, si je vous dis le 25 décembre ? Vous me répondrez, c’est la naissance de Jésus ! Et si je vous dis le 11 mars 1961 ? Vous me répondrez, c’est la naissance de notre curé, de Grégoire ! Alors cher Grégoire, avec toute la communauté nous te souhaitons un joyeux anniversaire et rendons grâce à Dieu pour ta présence au service de notre communauté. Merci Grégoire !

De lumière, pourquoi de lumière ? Parce que la date de Pâques se calcule en fonction de la lumière. Eh oui, cette date nous ne pouvons la connaître par cœur car elle change chaque année ! On fête Pâques le premier dimanche après la pleine lune qui suit l’équinoxe du printemps ! Heu pas si facile à retenir ! Retenons que le jour de Pâques, c’est le retour du printemps, la nature qui reprend vie… Nous fixons notre regard vers le soleil levant, vers l’éclat du soleil, qui illumine nos cœurs, nos vies. Nous levons les yeux, car voici la vraie lumière, celle du Christ ressuscité. C’est ce que nous avons chanté avec le chant d’entrée. Son éclat est tel que nous ne pouvons faire autrement que nous prosterner devant lui, Jésus, pour lui dire comme l’aveugle de l’Évangile : « je crois, Seigneur » !

En ce 4ème dimanche de Carême, nous sommes dans la joie car l’aurore se lève et  nous voyons déjà la lumière de la résurrection qui se dévoile à nos regards. Le Carême, c’est justement ce temps de purification et d’illumination pour accueillir la lumière du ressuscité, être des fils de lumière et le demeurer.

La purification et l’illumination, c’est la dernière étape du cheminement des catéchumènes avant leur baptême. Quelle est cette étape ? C’est un des trois scrutins proposés par la liturgie dans le temps de carême, temps privilégié pour préparer au baptême.

– C’est quoi un scrutin ?

– Il y a des élections en vue ?

– Non non non! On ne parle pas de scrutin pour aller voter, pour élire les meilleurs catéchumènes de l’année ! Ça on le sait d’avance, ce sont ceux de notre ensemble paroissial !

Non scrutin, ça vient du verbe scruter, c’est-à-dire chercher, creuser. « Qui cherche trouve » dit Jésus. Oui il s’agit de scruter et de se laisser scruter par le Seigneur pour le trouver lui, pour faire sa rencontre qui illumine toute notre vie.

Pour l’anecdote, des rabbins ont fait un calcul et on découvert que le milieu de la Torah, c’est-à-dire les 5 premiers livres de notre Bible, ce qu’on appelle le pentateuque (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome), est un petit espace entre deux mots. En effet, le nombre total de mots est pair, et donc le centre, le cœur, c’est un petit espace entre deux mots. Et quels sont ces mots? « Daroch », « darach » en Hébreu. C’est-à-dire « scruté il a scruté ». En fait c’est le même mot répété. Le cœur du livre est un vide qui sépare deux mots identiques qui signifient précisément « scruter ».

Cela me fait penser à la voûte de la chapelle Sixtine, peinte par Michel-Ange, vous voyez peut-être la célèbre fresque de la Création d’Adam. On voit l’index de Dieu qui rejoint celui d’Adam…mais sans le toucher…et donnant ainsi la vie à l’homme. Comme si ce petit espace entre les deux doigts qui se cherchent, ou ce petit espace entre nos deux mots identiques qui signifient « scruter », était l’espace de la rencontre entre Dieu et l’homme. Alors le cœur de la création, le cœur de la Torah, serait cette rencontre, cette alliance entre Dieu et l’homme.

La rencontre de Dieu, voici ce qui nous rassemble aujourd’hui. Vous, chers catéchumènes qui voulez devenir fils de lumière. Et nous, plus ou moins vieux baptisés qui cherchons à demeurer fils de lumière.

Cette rencontre, cette alliance, est voulue par le Seigneur comme une alliance éternelle. Une alliance d’amour que lui ne rompra jamais, quoi que nous fassions. C’est le sens de ce que dit St Paul dans la 2ème lecture « Dieu est riche en miséricorde à cause du grand amour dont il nous a aimés » : jamais Dieu ne nous abandonnera. Miséricorde : misère et cœur. C’est le cœur de Dieu qui se penche sur la misère de l’homme. Et jamais, jamais, il ne cesse de le faire.

Mais nous…eh bien oui, il nous arrive de détourner notre regard de ce soleil de vie. De regarder ailleurs, de ne plus mettre le Seigneur au centre de notre vie, d’oublier tout ce qu’il nous a donné. C’est cela que vient rappeler la 1ère lecture. Le peuple multiplie les infidélités, et le Seigneur sans se lasser leur envoyait des messagers car il avait pitié de lui, mais eux continuaient de s’enfoncer dans l’infidélité… Il n’y a plus de remède…et Israël  est réduit à l’exil par les Babyloniens…C’est la prise de Jérusalem et la déportation à Babylone… abandonné ! Non! Jamais le Seigneur n’abandonne son peuple. Et parfois il prend des chemins bien étonnants ! Ainsi pour libérer Israël, le Seigneur enverra le roi de Perse, Cyrus… un païen, un étranger, c’est-à-dire qui ne vient même pas de son peuple ! N’ayons pas peur de l’étranger…il se pourrait bien qu’il soit un envoyé de Dieu pour nous libérer…

Illumination donc mais aussi purification. Pour garder cette alliance avec le Seigneur, il nous faut guérir, purifier ce qu’il y a de malade en nous. C’est ce que nous cherchons en ce temps de Carême, c’est que nous célébrons avec les rites d’exorcisme pour les scrutins. Pas exorcisme comme les films à succès, mais parce que nous savons que Satan veut nous tenter, nous détourner, de la lumière du Christ, nous prions et demandons au Seigneur sa force pour le repousser. Nous ne voulons pas de la mort dans laquelle le diable tente de nous faire chuter, mais nous voulons choisir la vie.

En particulier chers catéchumènes, ces dernières semaines qui vous séparent du baptême sont un temps de combat. Alors en priant avec vous, nous demandons au seigneur de vous accompagner dans ce combat, de vous libérer de tout aveuglement pour devenir fils de lumière et le demeurer toujours. Guérir ce qu’il y a de malade et affermir ce qu’il y a de bon, de saint en chacun de nous. Pour nous ouvrir à sa lumière.

Nous ouvrir à la lumière de la Résurrection, c’est tout le cheminement que vit l’aveugle-né de l’Evangile. Un chemin d’ouverture en trois étapes : ouverture au mystère de sa propre personne, ouverture au mystère du monde, ouverture au mystère de Dieu-même.

Ouverture au mystère de sa propre personne : « c’est bien moi » dit-il quand on lui demande si c’est lui, l’aveugle de naissance, qui a été guéri. Oui c’est bien moi, c’est bien chacun de nous que le Christ rejoint pour le guérir de tout aveuglement.

Ouverture au mystère du monde : en acceptant le monde tel qu’il est, avec ses contradictions, son péché, ses blessures… En effet, tout le monde l’accuse notre pauvre aveugle ! Ses voisins, les pharisiens, même les disciples et ses propres parents ne l’aident pas. C’est un véritable procès, comme une anticipation du procès de Jésus. Mais lorsque Jésus lui demande de se laver les yeux, c’est à la piscine de Siloé… qui signifie « envoyé ». Oui c’est bien dans ce monde créé et voulu par Dieu que Jésus s’est incarné et dans lequel il nous envoie pour témoigner de sa lumière.

Ouverture au mystère de Dieu lui-même : quand Jésus lui demande « crois-tu au fils de l’homme ? », l’aveugle demande à son tour « où est-il ? » et lorsque Jésus lui répond « il est là, devant toi », alors il se prosterne devant lui et professe sa foi : « Je crois, Seigneur. »

Chers frères et sœurs, aujourd’hui laissons le Seigneur scruter nos cœurs pour guérir ce qu’il y a de malade et affermir ce qu’il y a de bon. Demandons au Seigneur de nous ouvrir au mystère de notre propre personne pour devenir des fils de lumière et le demeurer pour toujours, afin d’illuminer le monde de la lumière du Ressuscité.