Homélie du 10 juin 2018

Textes :

La première lecture (Genèse 3,9) commence par cette question de Dieu à l’homme : « Où es-tu donc ? ». Chercheur d’humanité, comme certains hommes sont chercheurs d’or, que trouve Dieu ? Des êtres humains ? Non mais une créature apeurée qui se cache.

Dans l’Evangile de ce dimanche Jésus est avec les siens : ses disciples, sa famille, les scribes c’est-à-dire les éducateurs du peuple juif, et la foule nombreuse des hommes et des femmes de son peuple.

Ceux pour qui Jésus, le juif de Galilée, devrait avoir le plus figure d’humanité, ses proches et ses maîtres, sont ceux-là même qui le défigurent : il devient pour eux la figure du fou ou, pire encore, la figure de l’ennemi, du Satan.

Pour sa famille (au sens large telle que l’entendait l’antiquité) il s’agit sans doute d’une peur, la peur que la foule versatile qui aujourd’hui adule Jésus se retourne demain contre lui. La peur de ses maîtres du peuple qui murmurent que cet homme est un ennemi du peuple, un Satan. Peur du tragique qui vient, qui déjà approche sur ce membre éminent de la famille et qui pourrait bientôt attirer le malheur sur tous. Alors le clan veut le faire rentrer dans le rang. Pas de vagues. Ne rien faire qui puisse aller contre les intérêts, la pérennité de la famille.

Pour les scribes, ces éducateurs du peuple juif, il s’agit de tout autre chose. Une peur sans doute mais bien plus que cela : ils disent Jésus possédé, faisant de lui la figure même du démon, l’Ennemi avec un grand E. Le non humain, celui qui derrière un masque n’a pas de figures, pas de visages.

L’amour n’est pas reconnue par ceux là même dont c’est la raison d’être. « Il est venu parmi les siens, et les siens ne l’ont pas reconnu » (Jean 1, 10).

C’est à partir de là, cette non reconnaissance, ce refus de l’amour, qu’il faut comprendre la terrible parole de Jésus : « si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il n’aura jamais de pardon. Il est coupable d’un péché pour toujours ». Parole terrible qu’en apparence car au fond elle ne fait que dire et redire qui est le Dieu de l’Evangile : Il est amour (1 Jean 4,8) et l’Amour s’adresse à des libertés qui peuvent le refuser. Fragilité infinie de l’amour divin et donc de Dieu même.

Alors sans aucun doute « tout sera pardonné aux enfants des hommes » mais ceux-ci seront -ils capables de recevoir cet hôte apparement si faible qu’il ne s’impose pas mais semble tapoter si doucement, si faiblement à la porte du monde. De ce monde dont nous le proclamons créateur et maître tout puissant. Et pourtant l’apparence d’un mendiant tout à la fois méprisable et effrayant.

La tentation, le péché sans rémission ? Prendre ce misérable et le pendre. Lynchage de tous les temps, de toutes les époques, à chacun son négro, son juif, son je ne sais quoi …ici il y a toujours des mots prêts à refuser, à recouvrir figures et visages.

« Où es-tu donc ? » demande Dieu à l’homme et quelle est la réponse ?

Les cris d’êtres apeurés qui cherchent par tous les moyens à calmer leurs peurs en se cachant derrière des masques de toutes violences qui se nomment guerres, destructions et pogromes.

Dieu, ce chercheur d’humanité, va-t-il enfin trouver « un frère, une sœur, une mère » c’est-à-dire une famille à qui faire don de sa présence amoureuse, de sa divinité… ?

Pour cela il faut déraciner la peur qui nous habite, la véritable puissance de l’ennemi, ce satan qui est la négation de toute humanité.

Notre devoir d’être humain et de chrétien est de travailler pour arracher la peur de nos cœurs, de nos familles, de nos quartiers…briser les murs et faire des ponts qui sont aussi ces cyprès qui protègent des vents mauvais pour que souffle l’Esprit de vie. Les ponts seuls sont protecteurs car sans eux il n’y a ni îles, ni continents mais seulement des camps de chiourme et de gardes. Le théorème du pont est celui d’Abraham, hôte bien plus vaste que les cyprès.

L’éthique vécu de l’hospitalité seule peut nous sauver de ces mots qui recouvrent les maux, les douleurs, les injustices amoncelés de génération en génération. Le théorème d’Abraham est celui de l’hospitalité vécu en toute simplicité, un visage est traité en visage c’est-à-dire justement non pas traité, comme on traite une maladie, une épidémie, mais reçu et accueilli. Discerner les visages dans la foule pour que celle-ci ne sois pas masse meurtrière mais une communauté ou chacun puisse grandir jusqu’à être suffisamment humble pour accueillir Dieu. Cela est une question de vie ou de mort puisque le théorème d’Abraham ou de l’hospitalité est celui qui dit la présence ou l’absence d’humanité… seule réponse ou absence de réponse au « Ou es-tu donc ?» divin.

Ce chercheur d’humanité trouvera-t-il des hommes et des femmes selon son cœur ?