HOMELIE DU 8 OCTOBRE 2017

Avez-vous bien fait attention aux paroles de Paul dans la deuxième lecture ? Il est gonflé Paul quand il nous dit : Frères, ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ-Jésus.

De telles formules sont très apaisantes, c’est vrai, mais quand on sait qu’elles viennent de Paul qui a connu tant de tribulations et de contrariété violentes dans sa vie, elles prennent une coloration étonnante !

N’oublions pas que quand Paul écrit sa lettre aux Philippiens, il est en prison à cause de Jésus… L’univers de St Paul n’est pas celui des bisounours ! Et pourtant il sait trouver la paix au cœur de ses tribulations…

De telles affirmations me font penser à ce que disait un jeune enseignant père de 5 enfants lors d’une rencontre de prière pour la paix comme nous en faisions chaque vendredi, à Tokombéré, alors que la menace terroriste de Boko-Haram pesait très fort sur nos communautés. Chaque semaine il y avait des attentats et des raids meurtriers dans de nombreux villages situés dans un rayon de 25 kms autour de chez nous… Cet enseignant disait : « La paix de Jésus ce n’est pas l’absence de guerre, de violence, de soucis ou de tensions, mais la capacité de rester entre les mains de Dieu au cœur de toutes les situations que nous traversons.»

Si nous revenons à l’Evangile et à la première lecture que nous avons entendues tout à l’heure, nous voyons le projet de Dieu sur la création.

Dieu conçoit son œuvre comme une vigne destinée à porter de beaux et bons fruits mais la méchanceté et la cupidité des hommes va transformer l’œuvre de Dieu en théâtre de violence et d’autodestruction…

Au cœur même de la création, l’homme, fils de Dieu à qui le Père confie son héritage pour qu’il en soit le maître, est capable du meilleur… Mais, quand il veut s’approprier ce qui ne lui est que confié pour qu’il le gère, il devient capable du pire au point de vouloir tuer la poule aux œufs d’or… «Voici l’héritier : venez ! tuons-le, nous aurons son héritage !» et, précise Matthieu, «Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent.»

Quand on rapporte ces paroles à ce que Jésus va vivre quelque temps après dans sa Passion, elles prennent une dimension dramatique…

On sait comment lui-même a été crucifié, «hors de la ville» et comme un malfaiteur…

«Il en attendait de beaux raisins de sa Vigne, mais elle en donna de mauvais.»

«Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ?» dit Dieu, sous la plume d’Isaïe… » Le peuple d’Israël sait bien quels sont les hauts faits de Dieu en sa faveur, lui qui sans cesse en fait mémoire tout au long du «Premier Testament»…

Oh les méchants, les salauds, ils ont tué Jésus !…

Depuis l’aube du christianisme beaucoup ont voulu charger le peuple juif de cette responsabilité… En oubliant d’écouter ce que dit Jésus quelques temps avant sa Passion : « Ma vie personne ne la prend, c’est moi qui la donne ! »

Il avait même précisé, en Mc 10, 45, «le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude.»

Ce ne sont pas les juifs qui ont tué Jésus, ni même les romains… C’est le péché des hommes, de tous les hommes, quels qu’ils soient, et de toutes les époques confondues, y compris la nôtre, qui fait jaillir du cœur de Dieu cet acte d’amour sans réserve qu’est le don que Jésus fait de sa vie  sur la Croix…

Avant de critiquer les hommes du «Premier Testament», nous qui prétendons avoir accueilli le «Nouveau Testament» que Jésus a signé de son sang versé sur la Croix, qu’avons-nous fait et que faisons-nous de cet héritage ?

Avons-nous vraiment compris que Jésus est le plus beau fruit de la vigne de Dieu ?

Avons-nous compris que quand nous communions au corps du Christ nous devenons solidaires de lui au point de ne faire plus qu’un avec lui ? Et que si nous ne voulons pas être accusés d’avoir nous aussi dilapidé l’héritage ou détruit la Vigne à notre profit personnel au lieu de lui faire porter du fruit, il nous faut nous aussi donner notre vie pour nos frères ?

Sommes-nous réellement prêts à devenir nourriture  pour nos frères comme Jésus le fait en chaque eucharistie ? Faites ceci en mémoire de moi ! Sommes-nous à la messe pour notre seule satisfaction personnelle ou pour y puiser, au cœur débordant d’amour de Dieu, transpercé par nos lâchetés et nos infidélités quotidiennes, le sang de la Vie qui nous lavera de tout péché ?

Oh oui, le psalmiste a raison de nous faire crier vers Dieu : «Dieu de l’univers, reviens !… Visite cette vigne, protège-la, celle qu’a plantée ta main puissante…. Seigneur, Dieu de l’univers, fais-nous revenir ; que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés.»

Je voudrais saisir l’occasion pour dire un mot de la nouvelle traduction du Notre Père qui entrera en vigueur dans toutes les prières publiques de l’Eglise, le 1er dimanche de l’Avent, le 3 décembre prochain…

Nous ne dirons plus « ne nous soumets plus à la tentation » mais « ne nous laisse pas entrer en tentation », pour que nous puissions mieux comprendre que ce n’est pas Dieu qui nous tente mais que c’est nous qui nous laissons tenter et que si nous nous en remettons à Dieu il peut nous aider à ne pas entrer dans le jeu de la tentation…

Les pères de l’Eglise disaient que Satan n’est pas plus dangereux qu’un chien enragé… attaché ! Si on ne s’approche pas il ne peut pas nous faire de mal… Si on s’approche alors cela devient notre problème !

Oui, Seigneur, ne nous laisse pas entrer en tentation…