Lecture du livre du Deutéronome (Dt 6, 2-6)
« Écoute, Israël : Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur »
Lecture de la lettre aux Hébreux (He 7, 23-28)
« Jésus, parce qu’il demeure pour l’éternité, possède un sacerdoce qui ne passe pas »
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 12, 28b-34)
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. Tu aimeras ton prochain »
Cette phrase « Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l’Unique » est devenue la prière quotidienne des Juifs, nous rappelle Marie Noëlle Tabut dans ses commentaires bibliques. C’est le fameux « SHEMA ISRAEL » qu’on récite matin et soir, dès l’âge de trois ou quatre ans. La suite du texte dans le Livre du Deutéronome insiste pour qu’on n’oublie jamais cette profession de foi « Les paroles que je te donne aujourd’hui seront présentes à ton coeur : tu les répéteras à tes fils ; tu les leur diras quand tu resteras chez toi et quand tu marcheras sur la route… Quand tu seras couché et quand tu seras debout… Tu en feras un signe attaché à ta main, tu en feras une marque placée entre tes yeux… Tu les inscriras sur les montants de porte de ta maison, tu les inscriras à l’entrée de ta ville. »
Belle manière de dire que c’est à tout instant, au coeur de chacune de ses occupations que le croyant doit rester attaché de tout son être à ces commandements qui lui ont été donnés pour son bonheur.
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tut ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force »
Nous le vérifions, le verbe AIMER est utiliser dans tous les sens :
Aimer, c’est avoir des sentiments pour des personnes, des lieux…
Aimer, c’est aussi satisfaire ses désirs, ses gouts , faire ce qu’on aime… mais ca peut devenir ambigüe, comme quand on passe du j’aime, à j’adore !
Frédéric Louzeau dans ses conférences lors de la préparation de notre synode diocésain nous invitait à être attentifs : « nous marchons aujourd’hui à l’affect, aux sentiments : « j’aime, j’aime pas… j’adore !… » mais nous avons le sentiment que nous négligeons « la raison » et le rapport aux autres. Nous pouvons tomber dans le subjectivisme.
Il est important, à mon avis, de préciser : pourquoi j’aime… qu’est-ce qui s’éclaire en moi à travers cet attrait ? Mais il est tout aussi utile de préciser à quels signes je vois qu’on m’aime…
Dans notre discours chrétien, nous disons facilement : « Dieu nous aime… Jésus t’aime… »
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même! »
On pourrait dire : tu honoreras … tu considéreras Dieu à l’image de celles et ceux que tu aimes… tu auras le respect de Dieu comme tu te reconnais respectueux à l’égard de celles et ceux qui t’aiment, qui t’ont donné leur amour , qui t’ont permis de devenir ce que tu es. Tu demeureras attaché à …
Mais il parfois est difficile d’aimer et d’être aimé , car on a pu être déçu, on a pu décevoir …
Le 2° point que je me permets de souligner :
L’Ancien Testament, comme Jésus, nous appelle à ne pas être exclusivement à l’écoute des discours et des actualités du quotidien… satisfaire nos désirs immédiats, sans éclairer nos choix de la raison. Nous ne pouvons faire l’impasse sur les repères que l’humanité s’est donnée au fil de siècles, à travers ses dévoiements mais aussi ses retours à une certaine rectitude.
« Ecoute Israël » ! Il s’agit d’un peuple… il s’agit du peuple choisi … il s’agit de toute l’humanité …
Il nous faut avoir en mémoire ces pages qui, au fil des siècles, nous donnent d’être vigilants pour ne pas renouveler les erreurs qui ont causé et causent encore tant de drames dans l’humanité… Ces écrits, ces Lois, nous devons les transmettre de générations en générations… Cette transmission n’est pas l’affaire des autres. Cette prise en compte des repères des générations qui nous ont précédés concerne chacune et chacun de nous.
Si la foi est une adhésion personnelle, il n’y a pas besoin d’avoir la foi pour respecter les lois qui sauvent et protègent. L’appartenance à l’humanité implique que chacun adhère aux grands principes qui régissent les relations entre les hommes, entre les peuples, telle la déclaration des droits de l’homme ( texte récent à vrai dire) .
Ces leçons de l’histoire et les écrits qui favorisent le développement de la pensée, la liberté… sont des biens incontournables. Parmi ceux-ci, il y a la Bible avec l’Ancien et le Nouveau Testament. Jésus lui-même avec le scribe qui l’interroge, s’inscrit dans cette histoire et se soumet à ces Lois inspirées de Dieu, écrites, élaborées au fil des siècles. L’humanité n’a-t’elle pas progressée malgré tout ? L’humanité ne progresse–t-elle pas par la révélation, par l’Incarnation de Jésus et sa Résurrection ?
Au temps de Jésus, la loi religieuse unissait déjà étroitement « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Mais les règlementations l’emportaient souvent sur l’amour, l’attention aux plus faibles, aux petits.
Nous voyons que les interprétations différent pour l’application des Lois et que se pose la question : « qui a autorité pour dire qu’elle est la bonne interprétation et la bonne manière de vivre selon la Loi, au regard des évolutions des conditions de vie, des évolutions de monde, des transformations de l’homme ».
On peut dire que la manière de vivre le « Tu aimeras » n’est pas gravée dans la pierre. Pourtant ces commandements sont gravés dans la pierre des tables de la Loi.
Il appartient à chaque génération d’éclairer ses choix par ces Lois éternelles.
L’homme d’aujourd’hui comme l’homme d’hier a la Bible sur sa table de chevet, la Parole de Dieu et tous ces écrits fondamentaux de nos pères… mais il peut estimer inutile de s’en inspirer…. inutile de se tourner vers Dieu ou de croire. Il peut même se croire libre d’ignorer sa dépendance aux autres. Il finit par se retrouver face à lui-même. Seul ! Le verbe « aimer » est vide de sens.
Aimer Dieu, aimer son frère ! Ca ne peut être un ordre, une injonction. C’est une prière !
Nous avons Jésus qui nous montre le chemin du « Tu aimeras le Seigneur et tu aimeras ton frère ».
L’observance des doctrines, des rites, des lois peut donner le sentiment d’être digne au regard de Dieu, si je peux parler ainsi… mais elle ne laisse pas de place au cœur, à la miséricorde.
L’échange entre le scribe et Jésus nous appelle à considérer comme déterminant l’union de la pratique religieuse et la relation aux autres comme nous l’a rappelé la guérison de Bartimée.
IL ne s’agit pas d’aimer ceux que j’aime, mais d’aimer l’homme (homme – femme) par-dessus tout et sans condition. Cette capacité est potentiellement en moi, par le don de l’Esprit Saint que Dieu répand sur moi, parce que je suis son enfant.
Cette force est en moi ! La prière, la lecture de la Parole de Dieu, seul ou avec d’autres, le partage fraternel en mouvement, en équipe liturgique, en petite fraternité locale, les sacrements… tout contribue à ouvrir mon cœur chaque jour au Christ – Rabbouni et me donne de lâcher prise . Je deviens disponible à l’oeuvre de Dieu, et aux frères qu’il me donne.
Michel Dubois