Homélie du 4 novembre 2018

Textes :

« Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu ! »

Qui d’entre nous n’aimerait pas entendre de la bouche même de Jésus cette affirmation  qui sonne comme un compliment ? Même si elle a aussi un petit goût amer d’inachevé !…

On sent dans les propos de Jésus comme une pointe d’ironie… « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu ! » Sous-entendu : « Encore un effort ! Tu n’y es pas encore ! »

D’ailleurs, il est intéressant de noter que dès lors, plus personne n’ose l’interroger !

Il est clair que, pour Jésus, c’est bien de connaître la Loi et de savoir mettre les choses en ordre en identifiant les priorités, mais cela ne suffit pas !

Encore faut-il ne pas oublier la toute première partie de la réponse qu’il donne à la question qui lui a été posée. « Le premier commandement c’est : Ecoute…, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur… »  Sous -entendu : « Laisse Dieu conduire ta vie ! » C’est la prière qui ponctue la journée de nos frères juifs : « Shema Israël adonaï elohenou Adonaï ehad ! »

« La ilaha illallah » (Il n’y a de dieu que Dieu) récitent à longueur de journée nos frères musulmans…  « Oui, je suis Dieu : il n’en est pas d’autre ! » nous rappellent le Livre d’Isaïe et la Bible tout au long de sa rédaction dans l’histoire…

Pour savoir si nous sommes ou non du Royaume de Dieu il nous faut vérifier si c’est bien Dieu qui est notre Dieu, notre Dieu unique et si rien d’autre ne prend sa place dans notre vie…

Est-ce bien de Lui que nous sommes à l’écoute ou bien des nombreuses sirènes qui nous entourent à travers les médias et autres réseaux sociaux qui peu à peu phagocytent nos capacités de penser par nous-mêmes ?

 « Là où est ton trésor, nous dit Jésus, là est ton cœur ! » (Mt 6, 21)

Nous courons si souvent sans prendre le temps de nous arrêter que nous finissons par ne plus nous poser la question de savoir ce qui nous fait courir, quel est le moteur de notre vie…

Cette période de l’année, autour de la Toussaint,  où nous prenons le temps de penser à nos défunts ne serait-elle pas l’occasion de réfléchir à ce qui donne ou non du sens à notre vie ? A ce qui a donné ou non du sens à celle de nos défunts ?

Allons-nous nous contenter d’une larme discrète et d’un bouquet de chrysanthèmes déposé sans grande conviction sur la tombe de nos chers disparus ? Ou bien allons-nous profiter de ce temps pour resituer notre vie dans sa dimension d’éternité ?

Jésus fait comprendre au scribe qui vient le voir qu’il ne suffit pas de connaître la chanson… Encore faut-il la chanter !

Le scribe, qui semble un honnête homme, (comme vous et moi bien sûr !), cherche à comprendre la Loi. Il sent bien que les 613 commandements de la Loi ne peuvent pas être mis à égalité et qu’il existe forcément une hiérarchie des valeurs…

Une chose qu’il semble avoir bien compris, c’est  que l’amour de Dieu et du prochain « vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. »

L’Amour de Dieu et du prochain sont beaucoup plus importants que les cadeaux offerts à Dieu, comme pour acheter sa bienveillance… : « Si tu finis ta soupe, le petit Jésus sera content !» C’est gentil, mais c’est quand même un peu court !

Jésus félicite le scribe de sa remarque judicieuse…

Mais le scribe a-t-il compris que justement c’est l’amour de Dieu et du prochain vécu dans un même et unique élan qui rend caduques les sacrifices de l’Ancienne Alliance ?

Il ne s’agit pas d’acheter la bienveillance de Dieu en lui faisant des cadeaux, fussent-ils somptueux, mais de faire fructifier son image en nous. Cette image de Dieu déposée en chacun d’entre nous au jour de notre conception dans le sein maternel.

Créé à l’image de Dieu, nous sommes faits pour aimer… « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres» (Jn 13, 34) nous dit Jésus.

La lettre aux Hébreux toute entière et notamment l’extrait que nous en avons lu en deuxième lecture, nous rappelle que la venue de Jésus a aboli le temps des sacrifices et donc celui des grands prêtres sacrificateurs qui présidaient les holocaustes au Temple de Jérusalem…

Pour nous apprendre ce que veut dire aimer quand on se reconnait fils de Dieu, Jésus prend sur lui non seulement le rôle du grand prêtre mais aussi celui de la victime. En offrant sa vie en sacrifice d’amour sur la Croix il met en application l’amour de Dieu et du prochain (verticalité et horizontalité).

En une seule et unique démarche, il accomplit pleinement le premier commandement qui est le commandement de l’amour et il le porte à son achèvement en aimant Dieu et les hommes « de tout son cœur, de toute son intelligence et de toute sa force. »

Je me demande parfois si le scribe qui posait sa question à Jésus dans l’évangile de ce matin était ou non présent, quelques temps après, le jour du Vendredi Saint, au pied de la Croix de Jésus.

En tout cas, s’il l’était, il a dû être ébloui par la réponse vécue que Jésus donnait finalement à sa question : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Il avait sous les yeux la mise en œuvre du Royaume de Dieu : En son unique amour pour Dieu (son Père) et pour les hommes (ses frères), Jésus offrait sa vie sur la croix, « une fois pour toutes » !

L’eucharistie que nous allons célébrer tout à l’heure sur cet autel, est le mémorial de cet unique et définitif sacrifice de Jésus auquel nous venons puiser la force d’aimer Dieu et le prochain au quotidien…

Regardons Jésus, contemplons Jésus, accueillons-le qui se fait nourriture pour nous et apprenons de lui quel est le premier commandement.

« Voir Dieu et le hommes comme Jésus les voit » est la vraie manière de résoudre la question du scribe « Quel est le premier commandement ? »

Voir Dieu comme un Père et les hommes (tous les hommes), comme des frères… !

« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn 15,13)

Que ces paroles que Jésus te donne et nous donne aujourd’hui, restent gravés dans ton cœur et notre cœur.

Qu’elles nous ouvrent, dès ici-bas, les portes de la Vie éternelle.