HOMELIE du 4 mars 2018

Textes :

Nous venons de réentendre les dix commandements… Ils ne sont plus très à la mode… A part peut-être les anciens, (Bonne fête aux grands-mères !) qui parmi nous serait encore capables de les réciter dans l’ordre ? Moi le premier !…

Et pourtant ! Comme le rappelait Mgr Lebrun dans son intervention conjointe avec le maire de Saint Etienne du Rouvray à la suite de l’assassinat du P. Hamel : « Dans l’histoire de l’humanité, les 10 commandements, dont la Bible raconte qu’ils ont été donnés par Dieu à Moïse, marquent une étape décisive pour la reconnaissance de la dignité humaine. Ne faudrait-il pas en faire à nouveau un socle pour notre vie commune, pour l’éducation, pour un véritable projet social ? »

Héritiers des commandements de Moïse, avec nos frères juifs et dans une certaine mesure nos frères musulmans, nous avons là une base commune que nous nous devons de proposer à nos frères humains…

Le socle en est évidemment le respect de Dieu et de la dimension transcendantale de toute vie humaine créée à son image et appelée à la ressemblance…

N’ayons pas peur de rappeler à notre monde qui se trompe en croyant que de s’émanciper de la tutelle divine est une nouveauté et un progrès, en oubliant que c’est, depuis les origines, le souci du Tentateur qui s’échine  à détourner la créature du Créateur… (Cf. Gen 3)

On entend parler actuellement des « états généraux de la bioéthique », on évoque aussi les « états généraux des migrations ». Dans la société plurielle et mondialisée qui se développe sous nos yeux, il s’agit de s’asseoir ensemble pour poser les “inter/dits”, c’est-à-dire “les paroles dites entre nous ” qui seront les repères de notre comportement commun…

« Nous pouvons avoir des idées différentes, une foi différente, des cultures différentes. Cela ne doit pas déclencher une guerre ni dans nos cœurs, ni dans les églises, ni dans les mosquées, ni dans les synagogues, ni dans les temples, ni dans les mairies, ni dans les rues, ni sur les places, ni au Moyen-Orient. Mettons nos idées, nos talents, nos différences au service de la communauté humaine.» (Mgr Lebrun dans la même intervention)

L’apport spécifique des chrétiens que nous sommes, à cette réflexion commune de l’humanité, s’enracine dans la lecture et la mise en œuvre de ces commandements de Dieu, à la lumière de Jésus qui nous emmène beaucoup plus loin que le seul respect et que la seule soumission à Dieu… Jésus en effet, par le don qu’il fait de sa vie, nous donne la clé des commandements qui est l’Amour. L’amour absolu jusqu’à l’oblation de sa vie pour les pécheurs… « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux » (Mt 43-45a)

Saint Paul nous le rappelait ce matin : « nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes !» Pas très sexy comme formulation ! Il ne faut pas s’étonner que le message que nous annonçons ait parfois du mal à passer surtout dans nos sociétés aseptisées qui ont tellement peur de la mort qu’elles l’ont débaptisée pour l’appeler fin de vie ! Comme si tout s’arrêtait avec la mort ! Alors que c’est peut-être là que les vraies choses commencent…

En Jésus Dieu se livre totalement et, comme le dit le cantique, il nous explique « le Livre ouvert à coup de lance ». Ce Livre n’est autre que le cœur transpercé de Jésus d’où jaillit l’eau vive… comme elle jaillissait du côté du temple dans la vision du prophète Ezékiel (Ezékiel 47)

Voilà qui nous ramène à l’Evangile de la Samaritaine que nous avons entendu tout à l’heure !

Jésus a soif… Alors il s’arrête au puits de Jacob et demande à boire… Mais la soif de Jésus n’est pas seulement assèchement de son gosier, elle est aussi soif d’annoncer la Bonne Nouvelle… Comme bien souvent dans l’Evangile, Jésus sait transformer un geste très simple de la vie quotidienne en occasion d’annoncer le Royaume. Cette fois-ci c’est une femme, et même une femme samaritaine, une étrangère donc, qui est bénéficiaire de cette annonce…

Partant de sa propre soif, Jésus donne à son interlocutrice d’exprimer sa propre soif… Voilà l’approche missionnaire de Jésus.

Communauté chrétienne, nous sommes le corps du Christ à l’œuvre dans le monde… Saurons-nous rejoindre nos frères humains et nous asseoir avec eux, pour  partager leurs propres soifs avec la nôtre et en faire l’occasion de leur proposer la source à laquelle nous abreuvons nos vies ?

Mais en fait, avons-nous réellement soif de la Parole et de la présence désaltérante de Dieu ? Bien souvent ne fermons-nous pas notre cœur comme au désert, où nos pères ont tenté et provoqué Dieu, comme nous le rappelait le Psaume ?

Voilà qu’Alexandre frappe à la porte de la communauté et demande à nous rejoindre avec aussi Emilie, Anaïs et Bruno et peut-être bientôt Marie…

Ce n’est pas seulement l’occasion d’ajouter des noms dans le registre de baptême comme si nous étions payés au rendement…    Il s’agit d’accueillir de nouveaux membres actifs du “corps du Christ à l’œuvre dans le monde”….

Qu’avons-nous à leur proposer et qu’ont-ils à nous proposer pour que nous soyons toujours davantage en tenue de service pour l’annonce de l’Evangile ?

C’est tout l’enjeu de notre synode diocésain…

Jésus s’est entièrement remis entre nos mains. Il nous a confié sa vie à partager… Il a fait de nous les gardiens de la source… Malheureusement, certaines de nos communautés chrétiennes ressemblent parfois à ces vieux gardiens de musée un peu désabusés qui sont tellement habitués à vivre au milieu de chefs d’œuvres, qu’ils en perdent l’enthousiasme et le goût de les faire découvrir à leurs visiteurs, pressés qu’ils sont de fermer la porte du musée pour aller enfiler leurs charentaises et regarder les infos en prenant l’apéro…

Oh, bien sûr, peu parmi nous sont les meurtriers, les voleurs, les adultères, les faux témoins, dont parlent les dix commandements, (encore est-il qu’il  faudrait peut-être y regarder de plus près) !…

Mais cela ne suffit pas à faire de nous les “disciples du crucifié” dont le monde a besoin pour comprendre la nouveauté de l’Evangile !

Le temps du Carême nous invite à la conversion… Continuons le combat contre nous-mêmes et n’ayons pas peur d’user du sacrement de la réconciliation… Vous aurez peut-être remarqué dans la première lecture que Dieu ne s’énerve et punit que sur quatre générations, mais qu’en revanche, à ceux qui l’aiment, il fait miséricorde jusqu’à la millième génération ! Alors, profitons-en… C’est maintenant le temps favorable, c’est maintenant le jour du Salut !

Bon chemin vers Pâques à tous !