Homélie du 3 mars 2019

Textes :

Vous trouverez peut-être que j’ai l’esprit critique, mais j’ai parfois du mal avec les proverbes comme ceux  que nous venons d’entendre dans les lectures de ce jour.

La difficulté avec les “proverbes” c’est qu’on a un peu tendance à les utiliser en fonction du besoin qu’on en a et il est facile de les utiliser un peu dans tous les sens pour justifier des positions parfois opposées.

Nous sommes bien d’accord « qu’un bon arbre ne donne pas de fruit pourri et qu’un arbre qui pourrit ne donne pas de bon fruit ». Mais cela ne veut pas dire que quand on est malade on ne produit rien de bon !! Un proverbe ne prend son sens que placé dans un contexte bien déterminé. C’est une image pour nous aider à comprendre une idée.

« On ne vendange pas du raisin sur des ronces », c’est vrai, mais, n’en déplaise à Jésus, c’est bien sur les ronces qu’on trouve les mûres qui font de si bonnes confitures !…

« Ne fais pas l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé », nous dit Ben Sira. Pourrait-il m’en vouloir si j’ajoutais : « et attend de le voir agir, alors peut-être tu pourras juger de la cohérence de sa vie… »

Les belles paroles ne suffisent pas et ils sont nombreux les beaux parleurs, (les curés soit dit en passant ne sont pas les derniers dans le domaine !), mais ce n’est pas la qualité du discours qui fait la qualité d’un homme.  En cette période de grands débats en tout genre, cela se vérifie souvent.

Actuellement les feux des médias sont braqués bien souvent sur les prêtres et ceux, parmi nous, qui après avoir entraîné des foules dans leur sillage, se sont révélés « loups voraces déguisés en brebis.» (cf. Mt 7,15)

Heureusement ce n’est pas le cas de tous, comme voudrait le faire croire certaines personnes pressées de régler leur différend avec tel ou tel curé mal aimé… Mais il reste vrai que l’exemple de quelques-uns suffit à salir la “profession” si je peux me permettre l’expression.

Puisse le temps du Carême qui va bientôt s’ouvrir, aider chacun d’entre nous, prêtres ou laïcs, à trouver ou retrouver le chemin d’une vie vécue en cohérence avec les engagements de notre baptême, une vie où paroles et actes coïncident en un témoignage lumineux…

En t’engageant aujourd’hui, Judite, parce que tu ne te sens pas le droit de t’engager comme marraine auprès d’un petit bébé sans être toi-même en vérité avec l’Évangile, tu nous invites à la vérité avec nous-mêmes. Merci à toi pour cela. Merci à vous aussi, adultes qui cheminez vers la confirmation…

« Frères bien-aimés, nous dit Saint Paul, soyez fermes, soyez inébranlables, prenez une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur car vous savez que, dans le Seigneur, la peine que vous vous donner n’est pas perdue. »

Pourquoi ne pas profiter du Carême qui s’annonce pour enlever la poutre qui est dans notre œil, comme nous y invite l’Évangile ?

Il s’agit de faire le tri dans nos vies de ce qui nous empêche d’être purement et simplement chrétiens

Il était question de tamis dans la première lecture… « Quand on secoue le tamis, nous disait Ben Sira, il reste les déchets… »

Savez-vous que le tamis de Dieu est secoué par Satan… ? Il en sera question dimanche prochain quand Jésus se retirera au désert pour affronter le Tentateur…

Jésus n’est pas le seul à subir ce genre d’épreuve… Vous vous rappelez peut-être de ces paroles de Jésus à Pierre lors du dernier repas : « Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le froment. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères.» (Lc 22, 31-32)

C’est un comble ! : Satan réclame à Dieu et obtient de lui l’autorisation de nous tamiser…

Le  rapprochement est évident avec le livre de Job au chapitre 1 et 2 où Satan obtient de Dieu le droit de tenter Job, dans ses biens d’abord, puis dans sa santé ensuite… Dieu toutefois ne permet pas à Satan de toucher à la vie même de Job.

Satan a donc l’autorisation de cribler, de passer au tamis (de Dieu ?) tout ce qui en nous n’est pas foi et adhésion amoureuse à la volonté de Dieu… C’est du son de ce tamisage qu’il se repaît…! Bon appétit ! Il est comme un cochon qui se nourrirait de toutes les infidélités et compromissions de notre vie.

Mais de ce criblage, sous le tamis, il sort un grain sélectionné qui pousse et porte le fruit que Dieu désire. Il reste une condition toutefois. Celle que notre dignité d’êtres libres nous permet : Celle de se laisser semer en terre… “Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit.” (Jn 12,24)

Dieu ne veut pas semer un grain médiocre… La médiocrité elle est pour Satan…!

Une fois criblé, tamisé, revenu de cette épreuve, Simon Pierre devra encore répondre à la triple question de Jésus : “M’aimes-tu ?” Il faut entendre en arrière-fond “comme je vous ai aimés” (Jn 13,34). La question est-donc : “Es-tu réellement prêt à donner ta vie pour moi, comme tu le disais avant de me trahir ?” et la conséquence est claire : Si tu es prêt à donner ta vie, alors il va effectivement falloir la donner, pour libérer le fruit que tu portes en toi !

Pour vivre en chrétiens, Jésus ne nous demande pas seulement de réciter gentiment la leçon d’amour qu’il nous a enseignée… Il nous demande de la mettre en œuvre dans nos vies ! Il va falloir nous rendre disponibles, entre les mains du “Semeur” qui n’est autre que Dieu lui-même… pour qu’il nous sème là où nous ne nous y attendions pas… mais là où nous pourrons à notre tour affermir nos frères, comme le Christ nous a affermis !

Par le don de sa vie communiquée en chaque eucharistie, le Christ développe en nous ce qui est porteur de vie et ne sera pas retenu par le tamis que Satan ne cesse de secouer…

Nous sommes le grain dans les mains de Dieu, Satan nous crible et prend sa part. Le Christ nous rend forts en nous nourrissant de sa propre vie dans laquelle il n’y a aucun son, aucun déchet.

Satan n’a pas trouvé de prise en Lui. Il n’a même pas pu manger son cadavre puisque le tombeau était vide !

Une fois tamisé, il nous reste à entendre, comme Pierre, le : “Que t’importe ce que je veux faire de ceux qui t’entourent” (cf. Jn 20, 21-22), Toi, suis-moi !” Et dans un réel acte d’abandon, à laisser un autre que nous n’aurons pas choisi (N’est-ce pas Dieu lui-même qui se révèle en ceux qui nous entourent ?) nous mettre la ceinture et nous conduire au témoignage. (N’oublions pas en passant que le mot grec qui désigne le témoin est “martus” et plus couramment “marturos”…qui a donné en français le mot “martyr”).

Alors, comme dit le psaume de ce jour : « Planté dans les parvis du Seigneur, nous grandirons dans la maison de notre Dieu. Vieillissant, nous fructifierons encore, nous garderons notre sève et notre verdeur pour annoncer : “le Seigneur est droit ! Pas de ruses en Dieu et mon rocher !”»