Homélie du 26 mai 2019

Textes :

 

Avec les lectures d’aujourd’hui, il y a de quoi faire !

Nous pourrions par exemple partir de l’affaire de la circoncision rapportée dans la première lecture !

Vous connaissez peut-être cette blague : A l’occasion d’une réception interreligieuse, un rabbin et un prêtre sont assis l’un en face de l’autre à table. Le rabbin, après avoir été servi de vin, prend la carafe d’eau et en ajoute dans son verre… Moqueur, le prêtre lui fait remarquer : « Rabbin, ne seriez-vous pas en train de baptiser votre vin ? » et le rabbin de répondre : « Oh non, rassurez-vous, je ne le baptise pas… Je le coupe ! » Baptême ou circoncision ? Quel est le signe de l’Alliance ?

Pour la communauté primitive la question fondamentale était la suivante : « Faut-il, oui ou non continuer à circoncire les nouveaux croyants ? »

La circoncision transmise par la loi de Moïse était, depuis Abraham, le signe inscrit dans la chair pour signifier l’alliance avec Dieu. « La chair de votre prépuce sera circoncis, et cela deviendra le signe de l’Alliance entre moi et vous. » (Gen 10, 11). Supprimer l’obligation de la circoncision était donc un acte considéré par les tenants de la loi ancienne comme une rupture d’alliance et un sacrilège !

Les autres, Pierre en tête, et tous ceux qui avaient vu comment l’Esprit-Saint s’était saisi de nombreux païens – grecs, romains et autres – venus à la foi sans faire le détour par la tradition juive, argumentaient en affirmant : « c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous sommes sauvés »  (Ac 15,11) St Paul, lui aussi, défendra farouchement cette idée:  « Tenez bon, ne vous mettez pas de nouveau sous le joug de l’esclavage. Moi, Paul, je vous le déclare : si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous sera plus d’aucun secours. » (Gal 5,1-2) Il ira même jusqu’à affirmer : « Qu’ils aillent donc jusqu’à se castrer, ceux qui sèment le désordre chez vous. » (Gal 5, 12)

Nous sommes placés ici devant une rupture radicale de tradition… Ce n’est plus l’accomplissement de la Loi qui conduit au salut, mais c’est le Christ qui sauve…, par la Croix et c’est de cela que nous sommes témoins…

Il s’agit de savoir si, oui ou non, c’est le Christ qui sauve. Les autres textes de la liturgie de ce matin disent la même chose sous une autre forme : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. » Soit dit en passant, nous comprenons habituellement, dans ce verset, que “Dieu vient faire sa demeure en nous”… Certains exégètes en proposent une compréhension différente.  « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, Alors, avec lui nous viendrons vers le Père et, chez le Père, nous nous ferons une demeure.» Le résultat est le même. Il s’agit de “demeurer en Dieu comme Dieu demeure en nous.” C’est une constante chez St Jean, relisez à propos le chapitre 15 de son Evangile très explicite à ce sujet…

Toute vie est tabernacle de la présence divine. C’est ce qui rend si sensible le “dossier Vincent Lambert” qui agite les médias actuellement.

Jésus est celui qui ouvre le chemin vers le Père et qui nous donne l’audace de nous reconnaître fils dans le Fils… Cohéritiers avec le Christ dira St Paul : « Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers : héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ,… si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire. » Et il ajoute : « J’estime, en effet, qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous. En effet, la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. » (Rm 8, 17-19)

La « Jérusalem qui descend du Ciel d’auprès de Dieu » ! dont nous parlait la deuxième lecture, c’est elle la Révélation des fils de Dieu. Yerushalaïm : Ville de paix, héritage de paix ! Son luminaire c’est l’Agneau qui depuis le lampadaire de la Croix illumine notre engagement quotidien.

Le projet de Dieu en Jésus c’est bien d’établir sa demeure en nous tandis que, par Jésus et en lui, nous ferons en Dieu notre demeure…

Ce projet de Dieu nous sommes invités à le servir de par notre mission de baptisés, c’est-à-dire de membres du Christ. Ce projet il est sans cesse à inventer et à réinventer… Il ne s’agit pas de répéter bêtement les schémas du passé sans chercher à comprendre… Chaque génération est invitée à apporter sa pierre à l’édifice dans une absolue fidélité non pas au passé mais au Christ vivant qui nous précède…

La question que nous devons nous poser, à la suite de toutes les générations fidèles qui nous ont précédés sur ce chemin, est la suivante : « Que signifie être fidèle au Christ dans le contexte qui est le nôtre. Comment vais-je lui être fidèle comme l’ont été les générations qui nous ont précédés dans le contexte qui était le leur… ? »

Cela revient à se demander comment rester fidèle au Christ et témoigner de lui dans un monde perturbé par la destruction progressive de tous les repères et la remise en question de tous les interdits lentement élaborés par les générations qui nous ont précédés ? C’est difficile !

Pour cela il nous faut prendre le temps de “s’asseoir ensemble” avec tous les hommes (et femmes) quels qu’ils soient et tels qu’ils sont aujourd’hui et de poser les repères qui vont nous permettre de vivre ensemble…

Il nous revient, comme le Christ sur le chemin d’Emmaüs de prendre la route avec nos contemporains, d’écouter leurs soucis pour leur apporter l’éclairage des Ecritures par le témoignage de la fraternité.

Il s’agit d’ouvrir ou de rejoindre des espaces de dialogue et d’écoute qui permettront à une parole commune de s’élaborer… C’est long difficile et parfois nous y laisserons notre vie. Mais ce sera en fidélité au maître dont nous sommes disciples…

Cela commence, est-il nécessaire de le rappeler aujourd’hui, par l’engagement citoyen du vote qui est un devoir chrétien absolu…

Dans le vaste concert des nations et des idées, nous avons à prendre notre place en fidélité à Jésus : « Si quelqu’un m’aime il gardera ma parole » ; « Celui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles ».

La clé de cet engagement, c’est l’amour que nous avons pour Jésus qui nous fait demeurer en lui quoi qu’il arrive et quelle que soit la situation… Si nous avons peur de nous-mêmes et de nos fragilités c’est une bonne chose, parce que cela nous permettra de ne pas mettre notre confiance en nous-mêmes mais en lui et dans le Défenseur, l’Esprit-Saint que le Père nous envoie…

Et si parmi nous il y en a qui paniquent devant les tribulations de notre société, qu’ils écoutent en vérité la Parole de Jésus : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix… Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. »

Je voudrais témoigner de ce que disait Simon, jeune enseignant père de famille, lors d’une rencontre de prière pour la paix comme nous en avons chaque vendredi à Tokombéré, au cœur de la tourmente Boko-Haram : « La paix de Jésus – disait-il – ce n’est pas l’absence de guerre, de violence, de conflits, mais la capacité de rester entre les mains de Dieu au cœur de toutes les situations que nous traversons.» Je trouve cela très beau et très vrai.

St Paul nous dit quant à lui : « Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus » (Phil 4, 6-7).

Voilà ce que nous avons à faire et ce n’est pas petit ! Avec le psalmiste chantons : « Dieu, notre Dieu, nous bénit. Que Dieu nous bénisse, et que la terre tout entière l’adore! »