Homélie du 24 Novembre 2019

Textes :

 Nous célébrons aujourd’hui la fête du Christ Roi de l’Univers. Appellation qui peut sembler d’un autre âge à nos mentalités républicaines et laïcardes.

Heureusement l’Évangile que nous venons d’entendre nous ramène au sens profond de ce titre de Roi attribué à Jésus qui nous aide à mieux comprendre notre condition de disciples et de “sujets” de ce roi si particulier !

C’est Pilate, haut fonctionnaire païen, qui donne son titre  à Jésus. Il a fait mettre un écriteau, rédigé en Hébreu, en latin et en grec précisera même l’évangile de Jean (Jn 19,19-20). Tout le monde peut le voir… Quelle est l’intention de Pilate ? Se moquer et prévenir tous ceux qui voudraient essayer de relever la tête devant la puissance de Rome ? : « Voilà ce qui arrive à ceux qui se font roi ! »

Ou bien reconnaître au contraire que Jésus est vraiment roi d’Israël et vrai héritier du trône de David dont parlait la première lecture ? C’est difficile à dire vue l’ambigüité politicienne du gouverneur romain…

En tout cas, nous dit St Luc, le désir de Pilate était de relâcher Jésus (Cf. Lc 23,25). Mais sous la pression politico-diplomatique, il décide toutefois de satisfaire la requête des grands-prêtres et des chefs du peuple, et « il livre Jésus à leur bon plaisir.» (Lc 23,25)

Cette mise à mort ignominieuse fait apparaître dans toute sa splendeur, celui dont le « Royaume n’est pas de ce monde » (Jn 18,36)

Dépouillé de ses vêtements, drapé dans sa seule nudité, cloué au trône de la croix, comme on clouait les chouettes autrefois sur les portes de nos étables pour conjurer le mauvais sort, moqué et bafoué par les bidasses de service encouragés par les grands-prêtres, (ces mêmes grands-prêtres voués pourtant au culte du  Dieu très Haut mais aveuglés par leur souci de se maintenir au pouvoir en protégeant l’ordre établi par tous les moyens), couronné d’épines et chargé de nos péchés.

Le “discours du Roi” se résume à peu de choses : « Père, pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34)  C’est le verset qui précède l’Évangile que nous venons d’entendre…

Et puis cette autre parole adressée au larron repenti, et à travers lui à tous les repentis de l’univers : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis.» (Lc 23,43) Bonne nouvelle pour les pécheurs que nous sommes.

Au-delà de la l’apparence grotesque de la situation, St Paul a bien raison de nous inviter à l’action de grâce dans la deuxième lecture : « Rendez-grâce à Dieu le Père qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints, dans la lumière.»… « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis !»

Ce qui se passe sur la Croix est bien “l’œuvre de Dieu”. Dans l’offrande qu’il fait de sa vie sur la croix, portant sur lui la condamnation du genre humain qui, en Adam, s’est détourné de Dieu, le Fils éternel de Dieu, premier né avant toute créature, nous restitue dans notre dignité de fils et filles de Dieu… Chacun d’entre nous, même le plus mauvais, devient capable d’avoir part à l’héritage des fils de Dieu… : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis.»

« Qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie » se gaussent les grands-prêtres. « Sauve-toi toi-même si tu es le roi des Juifs » renchérissent les troufions, et voici que même le malfrat crucifié aux  côtés de Jésus leur fait écho : « Sauve-toi toi-même et nous avec, si tu es le Christ ! »

Aveugles qu’ils sont !… Jésus n’a pas besoin de se sauver lui-même, puisqu’il est le Sauveur ! Sur la Croix il est justement en train de faire son “travail”. « C’est pour cette heure qu’il est venu.» (Jn 12,27) « Je dois recevoir un baptême et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli.» (Lc 12,50) « Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne.» (Jn 10,18)

Encore une fois, Jésus nous replace dans la vraie dimension de notre existence qui est l’éternité. Ce qui nous est donné de vivre ici-bas n’est pas une fin en soi, mais un moyen, un chemin, une initiation qui nous conduit vers son Royaume qui n’est pas de ce monde.

La logique du péché qui n’est autre que le repli sur soi est définitivement vaincue par Jésus qui n’est que déploiement d’amour, don de soi… Il ne retient rien de lui-même, pas même « le rang qui fait de lui l’égal de Dieu » (Cf. Ph 2,6) Jésus ne cherche pas à se sauver lui-même, en lui il n’y a qu’ouverture, main tendue, cœur ouvert, totale déprise de soi et abandon. C’est pourquoi Jésus, après avoir déclaré ouvertes les portes du Paradis à tous les larrons repentis de la terre et du ciel, s’en remet sans aucune réserve entre les mains du Père et s’écrie : « Père, entre tes mains je remets mon esprit.»

Et c’est encore une fois un païen, le centurion romain, qui, le premier, reconnait la grandeur de ce qui vient de se passer. « À la vue de ce qui s’était passé, le Centurion rendit gloire à Dieu en disant : Celui-ci était un homme juste.» (Lc 23,47)

C’est de ce Roi-là dont nous sommes les sujets… Ne nous trompons pas de combat !

En communion avec le Pape François qui célèbre actuellement les martyrs du Japon crucifiés à Nagasaki, face à la mer, au 16ème siècle, prions, frères et sœurs, pour que nous restions à jamais disciples et missionnaires du Messie crucifié qui, par le don de soi ouvre le chemin de la Vie.