Homélie du 22/05/2021 (Grégoire)

Textes :

 Frères et Sœurs,

Il y a 10 jours nous rappelions l’Ascension de Jésus et la promesse faite à ses Apôtres qu’ils allaient recevoir une force quand le Saint-Esprit viendrait sur eux faisant d’eux ses témoins jusqu’aux extrémités de la terre.

C’est la réalisation de cette promesse que nous célébrons aujourd’hui en la solennité de la Pentecôte.

L’Esprit nous est donné pour « nous conduire dans la vérité toute entière » et pour être les témoins de Jésus jusqu’aux extrémités de la terre.

2000 ans après on peut dire que, “grosso modo” cette bonne nouvelle de Jésus a atteint l’humanité toute entière en résonnant jusqu’aux confins de la Terre, à moins qu’il n’existe encore quelque part des peuplades totalement isolées et encore inconnues…

Est-ce que cela veut dire que le travail est fini ? Non bien sûr ! Parce que la Bonne Nouvelle n’est pas un simple “corpus” de connaissances scientifiques à transmettre. Le christianisme n’est pas, contrairement à ce que disent certains, une “Religion du Livre”… Au sens culturel peut-être (et encore !) mais sûrement pas au sens de la foi. La révélation chrétienne n’est pas le contenu d’un livre fuisse-t-il la Bible, mais la rencontre de la personne de Jésus lui-même que chacun est invité à con/naître, c’est-à-dire à fréquenter chaque jour pour renaître avec Lui et de Lui, au quotidien.

Pour que la Bonne Nouvelle soit annoncée jusqu’aux extrémités de la Terre, il nous faut sans cesse nous remettre à l’ouvrage, dans un “aggiornamento permanent”. Il nous faut réapprendre sans cesse à accueillir cette bonne nouvelle dans le contexte du monde dans lequel nous vivons, tel qu’il est et non tel que nous rêvons qu’il soit.

L’Esprit de Pentecôte ne nous est pas donné pour constituer une bulle protectrice dans laquelle nous pourrions nous confiner à l’abri des assauts du monde. Bien au contraire, il nous invite à sortir de nos enfermements pour rejoindre nos frères et sœurs humains, dans l’immense diversité de leurs langues et de leurs cultures, pour y semer et y incarner l’Évangile…

Il ne s’agit pas de rassembler l’humanité dans l’uniformité, mais dans l’unité et l’universalité concomitantes. C’est en ce sens que l’Église peut réellement être dite « catholique »…

Quand le pape François ne cesse de nous inviter à sortir il ne fait que rappeler l’élan dans lequel l’Esprit de Pentecôte installe l’Église naissante.

La tradition spirituelle a pris l’habitude de mettre en parallèle le texte de la Pentecôte qui ouvre en grand les portes du cénacle protecteur et envoie les apôtres jusqu’aux extrémités de la terre, avec celui du récit de la tour de Babel, au onzième chapitre du livre de la Genèse (Gen 11,1-9). On y voit l’humanité, prétendant se mettre à hauteur de Dieu à la force du poignet et refuser, dans le même élan, la mission confiée par Dieu “d’emplir la Terre et de la soumettre.” (cf. Gn 1,28)

Tentés par le mirage de l’uniformité qui donne pour un temps l’illusion de la toute-puissance, les hommes se donnent pour mission un chantier unique : « Bâtir une tour dont le sommet soit dans les cieux. Se donner un nom pour ne pas être disséminés sur toute la surface de la terre. » (Gn 11,4)

Ce n’est pas le projet de Dieu !

Son projet c’est de diffuser son amour jusqu’aux extrémités, dans la diversité de toutes les situations et la symphonie des différences…

C’est à cette mission que nous convie l’Esprit de Pentecôte. Il s’agit bien de bâtir. C’est un vrai travail, un travail d’édification…

Cependant, il ne s’agit pas de construire des tours ou des murs, mais des ponts qui vont nous permettre de rejoindre les extrémités de la création tout entière… Cette construction ne se fait pas avec des briques de terre cuite, mais avec les « pierres vivantes » que nous sommes comme le rappelle St Pierre dans sa première lettre (1P 2,5). Au jour de notre baptême, l’Esprit fait de nous les membres du Corps du Christ « pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu. » (1P 2,4)

C’est comme cela que, partant d’une seule parole, chacun pourra entendre le message dans son propre dialecte…

Un auteur chrétien africain du 6ème siècle, expliquant le “miracle” de la Pentecôte, écrivait : « Si quelqu’un dit à l’un de nous : “As-tu bien reçu le Saint-Esprit ? En effet, tu ne parles pas toutes les langues !” Voici ce qu’il faut répondre : “Parfaitement, je parle toutes les langues. Car je suis dans ce corps du Christ, qui est l’Église, laquelle parle toutes les langues.” »[1]

L’Esprit est donné à l’Église pour que l’humanité toute entière soit rejointe dans la totalité et les moindres méandres de sa diversité.

Dans ce travail de construction, nous sommes tous égaux en dignité, nous rappelait récemment le pape François, citant le concile Vatican 2 : « Même si certains, par la volonté du Christ, sont institués docteurs, dispensateurs des mystères et pasteurs pour le bien des autres, cependant, quant à la dignité et à l’activité commune à tous les fidèles dans l’édification du Corps du Christ, il règne entre tous une véritable égalité. » (Lumen Gentium 32)

Alors faisons-nous confiance mutuellement pour que chacun mette le don qui est le sien au service de l’ensemble et qu’ainsi l’Esprit rejoigne jusqu’aux périphéries de notre monde.

…./….

La liste des “actions de la chair” qu’évoquait Saint-Paul dans l’extrait de la lettre aux Galates que nous avons entendu en deuxième lecture, nous donne la nausée ! Elle exprime pourtant parfaitement le combat et la résistance que nous opposons au travail de l’Esprit.

Elle illustre parfaitement le résultat d’une attitude autocentrée, tant au niveau individuel que collectif. Si nous acceptons véritablement notre condition de personnes nés d’en haut, au souffle de l’Esprit, accueillons plutôt et mettons en œuvre les fruits de l’Esprit que sont « l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi… »

“Tu envoies ton souffle : ils sont créés.” chantait le psalmiste tout à l’heure. En ce jour de Pentecôte, laissons l’Esprit ouvrir en grands les fenêtres de nos vies ; embraser nos cœurs ; poser ses langues de feu sur chacun et chacune d’entre nous. Laissons-le nous « envahir avec toute sa puissance et nous libérer de la faiblesse de l’égoïsme, du confort et de l’orgueil.» [2]

Laissons l’Esprit-Saint, mettre en nous sa lumière et allumer en nos regards, le regard du Christ lui-même… Qu’il nous donne de « voir Dieu et les hommes comme Jésus les voit »

Viens Esprit-Saint, fais-nous voir le visage du Très-Haut, et révèle-nous celui du Fils en chacun de nos frères.

Toi l’Esprit commun du Père et du Fils, viens en nos cœurs, pour qu’à jamais nous croyions en Dieu et que nous aimions en Lui.

« Puisque l’Esprit nous fait vivre, nous dit Saint Paul, marchons sous la conduite de l’Esprit. »

 

[1] Office des Lectures samedi de la 7ème semaine du temps pascal

[2] Cf. François, Gaudete et Exsultate, n° 65.