Textes :
- Jérémie 31, 31-34
- Psaume 50 (51), 3-4, 12-13, 14-15
- Hébreux 5, 7-9
- Jean 11, 1-45
Une phrase de la deuxième lecture tirée de la lettre aux Hébreux a particulièrement retenu mon attention : “avec un grand cri et dans les larmes, le Christ offrit des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect.”
Et il fut exaucé !
Alors que fait ce Christ en croix au-dessus de nos têtes ? Il est mort oui ou non ?
Il est mort et bien mort et “l’exaucement” dont il est question dans la lettre aux Hébreux n’est pas un “évitement” de la mort. Mais bien un « Salut » qui trouve son explication au matin de Pâques.
Dieu n’épargne pas son fils de la mort en le protégeant de la mort ou en anéantissant ses bourreaux ce qui serait une manière de le faire échapper à notre condition mortelle…
Rappelez-vous quand Pierre sort son glaive pour défendre Jésus qu’on vient arrêter au jardin de Gethsémani : « Rentre ton épée, dit Jésus à Pierre, […] Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges. Mais alors, comment s’accompliraient les Écritures selon lesquelles il faut qu’il en soit ainsi ? » (Mt 26,52-54)
Non, Dieu accompagne son fils jusqu’au bout, jusqu’au fond, de son incarnation dans notre condition mortelle. Il ne veut pas lui accorder de privilège particulier, dû à son rang. Il ne veut pas rendre caduque son incarnation.
La mort de Jésus n’est pas du cinéma. Jésus n’a pas simulé la mort. Mais lui, le maître de la Vie, est resté le maître jusqu’au bout… En effet contrairement à ce qui apparaît à un spectateur non averti, Personne n’a pris la vie de Jésus. ” Ma vie nul ne la prend c’est moi qui la donne.” (Jn 10,18)
Jésus partage notre condition humaine jusque dans la déréliction de la mort. C’est ce que nous proclamons dans le credo quand nous affirmons “il est descendu aux enfers”. Nos amis qui se préparent au baptême pour Pâques vont nous le redire tout à l’heure.
Dieu n’épargne pas son fils, il le “sauve“, et nous avec lui. ? Il le “tire” du séjour des morts. Il ne l’abandonne pas au shéol. C’est tout le sens du cri de Jésus sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » C’est une reprise du psaume 21 que je vous invite à relire en entier en ces jours qui nous préparent à la Semaine Sainte. Psaume d’espoir et de confiance qui prend au sérieux à la fois notre condition mortelle et l’inimaginable projet de Dieu de nous partager sa condition divine.
Aujourd’hui l’église nous a fait entendre le récit de la résurrection absolument inouïe de Lazare. Sa mise en scène, soigneusement orchestrée par Jésus, digne des plus grands péplums, est pour lui comme l’avant-goût de ce qui l’attend dans sa passion.
On y voit s’exprimer l’expression de la confiance absolue de Jésus en son Père. : “Si tu crois tu verras la gloire de Dieu” dit-il à Marthe et, remerciant son Père de l’avoir exaucé avant même d’avoir exprimé quelle que prière que ce soit, il intime l’ordre au mort qui sent déjà de sortir : “Lazare, viens dehors !” Et Lazare sort !…
Bientôt ce sera le tour de Jésus… Il sait que son heure est venue. Il sait que sa mort sur la croix sera ”occasion de chute” pour ses disciples. “Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le blé. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères.” (Lc 21 31-32) dit-il à Pierre au cours du dernier repas.
En ressuscitant son ami Lazare Jésus veut donner à ses disciples les clés qui à posteriori, après la débâcle de la passion, les aideront à ouvrir leur cœur au don de la foi.
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Revenons alors si vous le voulez à la première lecture, tirée du livre de Jérémie.
“Voici venir des jours, oracle du Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une alliance nouvelle. Ça ne sera pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte.”
Dans la nouvelle alliance, nous ne sommes plus comme des enfants que Dieu prend par la main pour les tirer, pour les “sauver”… Cette alliance nouvelle Dieu l’inscrit sur nos cœurs, au point que nous n’aurons plus à instruire chacun notre compagnon en lui disant « apprends à connaître le Seigneur » car, dit Jérémie, « tous me connaîtront des plus petits jusqu’aux plus grands.»
Dieu propose à chacun d’entre nous de prendre en main ce salut, de le prendre à notre compte. C’est ce que signifie l’inscription sur nos cœurs.
C’est cette alliance nouvelle que signifie notre baptême. Cette incorporation au Corps mystique du Christ. Par le baptême nous devenons membres du corps dont le Christ est la tête.
Dieu nous propose avec Jésus de garder la maîtrise de notre vie jusqu’au bout. Avec Jésus et en Lui, notre vie personne ne la prend, c’est nous qui la donnons.
Cependant, nous savons que, pour nous comme pour Jésus, cette vie nous la recevons de Dieu. De Jésus nous apprenons, tant par son enseignement que par l’exemple de sa vie que « celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. » (Jn 12, 25)
Avec Jésus en Croix, avec tous ceux qui sont dans le deuil ou qui traverse les ravins de la mort, redisons : “ Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit… Rends-moi la joie d’être sauvé, que l’esprit généreux me soutienne. Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins; vers toi, reviendront les égarés.”