Homélie du 15 avril 2018

Textes :

En ce troisième dimanche de Pâques, nous sommes encore dans l’élan joyeux et vivifiant de la Résurrection…

Au-delà de la crainte et de la frayeur, exprimées par les disciples et bien compréhensible alors qu’ils pensent avoir affaire à un revenant… Il émane des textes que nous avons entendus une force de vie, de paix et de joie retrouvée.

Après un premier moment de recul et d’effroi devant celui qu’ils prennent pour un fantôme ou un esprit d’outre-tombe les apôtres sont conduits par Jésus lui-même à entrer dans l’intelligence des Ecritures à la lumière des évènements traumatisants qu’ils viennent de vivre.

Intelligere en latin signifie précisément “lire de l’intérieur”, “comprendre les choses de l’intérieur, comprendre le sens profond des Ecritures qui annoncent la souffrance du Messie.”

Ce que les apôtres sont amenés à comprendre c’est que la mort ignominieuse du Christ en Croix, bien au-delà de son côté “gore”, est l’expression la plus parfaite de l’amour inconditionnel de Dieu pour ses enfants. Ils comprennent le “pourquoi” de la mort du juste et le fruit que l’on peut en attendre.

A travers des signes et des gestes très concrets, Jésus ouvre les yeux et le cœur de ses apôtres bouleversés.

1er signe : « Touchez-moi… », dit Jésus en invitant les apôtres à revenir “sur terre”, au cœur même de son incarnation… Jésus ressuscité n’est pas un esprit désincarné, comme débarrassé de sa prison charnelle. C’est bien le Verbe fait chair, vainqueur du péché et de la mort, qui est là présent, palpable, devant eux…

2ème signe : Les plaies apparentes de Jésus, dans ses mains, ses pieds et son côté. Il ne s’agit pas tant de cicatrices encore fraîches appelées à disparaitre progressivement, mais bien plutôt de plaies ouvertes, dans lesquelles Thomas peut mettre la main comme nous l’avons vu dimanche dernier… La permanence de ces plaies sur le corps du ressuscité peut surprendre… Elle signifie que la résurrection n’est pas la négation ou le mépris de la souffrance et de la mort, comme si la mort n’avait pas eu de prise sur lui… Ces plaies béantes sont au contraire le signe que la résurrection est le fruit de l’amour qui transforme la mort en chemin de vie et  le péché en occasion de miséricorde et de salut.

A la lumière de la résurrection les apôtres sont invités à se rappeler ce que Jésus disait : « Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne ! »… La persistance des plaies sur le corps du ressuscité signifie que la toute-puissance de Dieu ne réside pas dans le fait qu’il transcenderait les lois de la nature, mais bien dans l’Amour, parfaitement gratuit et sans condition.

St Paul exprimera très bien cette idée, dans sa 1ère lettre aux Corinthiens, en proclamant « un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes ! » Jésus n’est pas un super-héros blindé contre la mort… Il est le Serviteur souffrant, dont nous parlait Isaïe, transpercé et broyé, à cause de nos fautes et par les blessures duquel nous sommes guéris… (Is 53,5)

3ème signe : Jésus demande à manger et mange devant tout le monde. Quoi de plus naturel et de plus charnel que le geste de manger. C’est aussi au cours d’un repas que deux disciples de Jésus l’ont reconnu dans le geste de la fraction du pain quelques heures auparavant, alors qu’ils rentraient à Emmaüs, tout découragés de ce qu’ils avaient vu au calvaire.

Par ses apparitions après sa résurrection, Jésus rend palpable la vérité de son enseignement. Il confirme en quelque sorte les apôtres dans leur mission d’annoncer la Bonne Nouvelle et d’appeler à la conversion proclamée en son nom…

La rencontre du Ressuscité rend ce poltron de Pierre capable d’affirmer sa foi avec assurance, et d’inviter à la conversion ceux-là même qui le faisaient trembler quelques heures plus tôt, au point de trahir son maître bien-aimé. Nous avons entendu tout à l’heure dans les Actes des Apôtres le poltron repenti s’écrier en public : « Je sais bien que vous avez agi dans l’ignorance, vous et vos chefs. Mais Dieu a ainsi accompli ce qu’il avait d’avance annoncé par la bouche de tous les prophètes : que le Christ, son Messie, souffrirait. Convertissez-vous donc et tournez-vous vers Dieu pour que vos péchés soient effacés.»

La foi de Pierre, celle qu’il a toujours mise en Jésus et qui lui avait valu d’ailleurs “les félicitations du jury”, a connu l’épreuve de la peur et la déchéance de la trahison… Désormais purifiée par la miséricorde sans condition, lavée dans les larmes du chant du coq et nourrie de la rencontre du ressuscité, sa foi le rend capable d’affronter la souffrance et la mort. « Quant à eux, raconte Saint Luc dans les Actes des Apôtres, quittant le Conseil suprême après avoir été fouettés, ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus.» (Actes 5, 41)

Comme les Apôtres, Jésus ressuscité fait de nous ses témoins. C’est à nous qu’il dit aujourd’hui : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins.»

Témoins du Ressuscité ! Voilà notre vocation… Beaucoup demandent : « Qui nous fera voir le bonheur ? » s’écriait le psaume tout à l’heure… et il répondait : « Sur nous, Seigneur, que s’illumine ton visage ! » Alors pourquoi avons-nous si peu “des gueules de sauvés !” pour reprendre l’expression de Nietzche… ? “Avoir une gueule de sauvé” c’est rayonner, par toute notre vie, le visage du Christ ressuscité ! C’est faire écho, jusque dans notre corps, à la joie de Pâques…

« Vous serez dans la peine, mais votre peine se changera en joie », avait dit Jésus aux apôtres lors du dernier repas, «et votre joie, personne ne vous l’enlèvera.» (Jn 16 20.22)

Cette joie c’est la joie de la sainteté, comme nous le rappelle  le Pape François dans la très belle exhortation apostolique qu’il vient d’écrire et que je vous invite instamment à lire…

Le chemin de la sainteté bien qu’il comporte des difficultés et même des humiliations n’entraine pas, dit-il : « un esprit inhibé, triste, aigri, mélancolique ou un profil bas amorphe » (n° 122) » « Pour être saints, dit-il, il n’est pas nécessaire d’être évêque, prêtre, religieuse ou religieux […] Nous sommes tous appelés à être des saints en vivant avec amour et en offrant un témoignage personnel dans nos occupations quotidiennes, là où chacun se trouve.» (n° 14)

Etre saint n’est rien d’autre finalement que de laisser le Christ mourir et ressusciter en moi-même… C’est le laisser dérouler en moi la grâce de mon baptême. « Laissons le Seigneur nous sortir de notre carapace et nous changer la vie, nous dit le Pape, alors nous pourrons réaliser ce que demandait saint Paul : “Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur, je le dis encore, réjouissez-vous !”(Ph 4, 4)» (n° 122)

Oui, Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! A nous d’en être les témoins !