Homélie du 09/05/2021 (Grégoire)

Textes :

Frères et Sœurs, j’ai été tenté aujourd’hui de ne pas faire d’homélie. D’une part parce que j’ai eu du mal à dégager du temps pour ça il faut le reconnaître. D’autre part parce que les textes sont tellement parlants par eux-mêmes que j’étais tenté de vous proposer un temps de silence et de méditation pour les accueillir dans la prière.

Ce qui m’a décidé à prendre la plume c’est la dernière phrase de l’Évangile que nous venons d’entendre : « Ce que je vous commande c’est de vous aimer les uns les autres. »

Jésus ne nous conseille pas l’amour il nous le commande !

Voilà deux mots, “commandement” et “amour”, dont la juxtaposition heurte nos oreilles éprises à juste titre de liberté et d’autonomie…

Comment quelqu’un peut-il oser “commander l’amour”. N’est-ce pas contradictoire ?

L’amour n’est-il pas l’expression la plus haute de la liberté ?

Peut-être, pour nous y retrouver, faut-il revenir à l’étymologie du mot “commander”.

Il se décompose en un préfixe : “com” qui signifie “avec” ; et un verbe : “mander” qui signifie “appeler, faire venir”.

Littéralement on pourrait dire que commander signifie “faire venir… avec”

Passer une commande d’ailleurs, veut bien dire faire le nécessaire pour que ce dont on a besoin nous parvienne.

Quand Jésus nous com/mande, Il nous fait venir à Lui.

Et que nous commande-t-il ? Que nous demande-t-il de faire venir à Lui ? « Ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres ! » La commande de Jésus est que nous nous aimions les uns les autres comme lui nous a aimés.

Jésus ne nous regarde pas comme des soldats ou des serviteurs qui doivent obéir à ses ordres, mais comme des amis qui entrent, avec lui, dans la compréhension de ce que veut le Père.

En partageant notre condition humaine, Jésus accomplit lui-même, la “commande” du Père.

Aux Juifs qui s’indignaient de le voir guérir un paralytique le jour du Sabbat, Jésus répond : « Amen, amen, je vous le dis : le Fils ne peut rien faire de lui-même, il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. Car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait. » (Jn 5, 19-20)

Dans son commandement, Jésus ne fait que nous partager le commandement qu’il a reçu de son Père.

Il nous appelle à Lui, (il nous “commande”) pour faire, avec lui, la volonté du Père.

Il nous prend tellement au sérieux dans notre dignité de frères et d’amis, qu’il nous partage le secret qu’il tient de Dieu son Père et notre Père.

« Tout ce que j’ai entendu de mon père, je vous l’ai fait connaître. »

En nous commandant de nous aimer les uns les autres, Jésus nous révèle notre dignité et notre vocation : fils de Dieu appelés à l’amour.

« Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. » Et il ajoute : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. »

Comment ne pas entendre ici l’écho de la voix venue du Ciel au jour du baptême de Jésus : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. » (Mt 3,17) Cette voix que l’on retrouve au jour de la Transfiguration : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » (Mt 17, 5)

Dieu commande aux Apôtres d’écouter la voix de son Fils. Aurons le cœur assez libre pour entendre la voix du Père ?

« Je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. Ce que je te commande aujourd’hui, c’est d’aimer le Seigneur ton Dieu, de marcher dans ses chemins, de garder ses commandements, ses décrets et ses ordonnances […] Je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance. » (Dt 30, 15-16.19)

Saurons-nous nous affranchir de ce qui nous retient et nous recroqueville sur nous-mêmes pour entendre la voix qui nous commande : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

Allons-nous comprendre un jour que notre vocation c’est l’amour et que vivre c’est apprendre à mourir à nous-mêmes pour vivre en Dieu et de Dieu.

Jean, dans la deuxième lecture, nous le redisait sous une autre forme : « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. »

Remettons les choses à leur place : C’est Dieu qui est premier en toute chose et c’est en lui que notre vie prend son sens… Dieu n’est pas seulement le but de notre vie, il en est la source, il en est le tout. « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils. » nous dit Saint Jean.

Par l’incarnation, la mort, la résurrection et l’ascension de son fils, Dieu nous élève au cœur même de sa Trinité d’amour… Il nous “commande à lui”.

Dans quelques jours nous allons fêter l’ascension de Jésus, c’est de notre vocation qu’il s’agit : Monter en Dieu, dès aujourd’hui et là où nous sommes, par notre communion au Christ ! Notre vocation, c’est le Ciel et le chemin pour y aller, qui que nous soyons, c’est le Christ…

Pour éviter que nous puissions nous enorgueillir de cette vocation prodigieuse rappelons-nous avec Pierre dans la première lecture que « Dieu est impartial : il accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes. »

Laissons-nous impressionner par l’œuvre de Dieu : « Les croyants qui accompagnaient Pierre, et qui étaient juifs d’origine, furent stupéfaits de voir que, même sur les nations, le don de l’Esprit Saint avait été répandu. »

Entrons dans l’action de grâce et avec le psalmiste chantons : « Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations […] La terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu. Acclamez le Seigneur, terre entière, sonnez, chantez, jouez ! »