HOMELIE DU 7 janvier 2018

(Epiphanie, année B)

 Aujourd’hui nous célébrons l’Epiphanie… En voilà un drôle de mot… ! C’est du grec, et ça veut dire “manifestation”… Non pas au sens de “manifestation syndicale” ou “revendication publique”, mais au sens de “révélation”…

Il s’agit de rendre public ce qui était jusqu’alors caché et inconnu.

Alors qu’est-ce qui est manifesté aujourd’hui ? Qu’est-ce qui est rendu public ?…

Tout simplement la même chose qu’à Noël mais dans une dimension qui rejoint la terre entière, une dimension universelle !

Ce qui est manifesté ou, pourrait-on dire encore, qui devient manifeste pour tout le monde c’est l’incroyable nouvelle : En Jésus, l’enfant de Bethléem, Dieu s’est fait homme !

C’est tout simplement inconcevable et même ridicule aux yeux de beaucoup de gens…

Certains croyants, comme les juifs ou les musulmans, de par la très haute idée qu’ils se font de Dieu, se scandalisent d’une telle affirmation ! Comment peut-on oser associer Dieu à l’homme au point de prétendre que Dieu a pris chair de notre chair… ?

D’autres, redevenus païens, ou ayant évacué l’idée même de Dieu de leur horizon, sont prêts à demander aux enfants de croire au P. Noël – “c’est tellement mignon et plein de poésie” entend-on parfois ! – Mais de leur proposer de contempler Dieu dans l’enfant de la Crèche qui nous sourit, ça c’est inconcevable !  On veut bien fêter Noël, mais sans Jésus… C’est comme si on célébrait l’anniversaire de quelqu’un sans faire référence à sa naissance… !

Et pourtant, si nous sommes-là aujourd’hui c’est bien pour fêter cela et pour, à la suite des Mages, l’annoncer, le “manifester” au monde entier ! Nous ne sommes pas là seulement pour nous donner le droit de manger la galette…

Revenons un peu à nos lectures de ce matin…

Le prophète Isaïe, nous dit que « les ténèbres couvrent la terre et les peuples… », mais qu’une lumière est venue qui nous invite à lever les yeux et à regarder plus loin que le bout de notre nez. Nous verrons alors affluer des gens de partout qui se rassemblent à Jérusalem dont le nom, ne l’oublions pas, signifie ville de la paix, pour « annoncer les exploits du Seigneur.»

L’Evangile nous raconte comment des Mages, venus d’Orient, guidés par une étoile qui leur procure une grande joie, viennent eux-aussi adorer le nouveau-né. Les premiers à venir étaient les bergers au soir de Noël… C’est le tour des grands de ce monde de se prosterner devant l’humble enfant de la Crèche…

Ils reconnaissent en lui le roi et lui offre de l’or, ils reconnaissent en lui la présence de Dieu et lui offre l’encens, ils reconnaissent en lui celui le futur vainqueur de la mort et lui offre la myrrhe.

Au lieu de paniquer comme Hérode qui craint de perdre sa place, ils se réjouissent et se prosternent devant lui…

Si les bergers de Bethléem et les mages venus d’Orient se sont réjouis de cette naissance, qu’en faisons-nous, nous qui nous disons disciples de Jésus ? Qu’en avons-nous fait ?

Qu’avons-nous fait ou pas fait pour qu’aujourd’hui il ne reste bien souvent de tout cela qu’une fête pleine de paillettes, de repas, de cadeaux… ?

Qu’avons-nous oublié ou perdu en chemin pour que les crèches dans les espaces publics deviennent un problème alors que les sapins et les pères Noël n’en sont pas, tout comme les sorcières et autres zombies de la fête d’Halloween ?

Je crois justement que c’est l’enfant de la Crèche que nous avons oublié… Il faut dire qu’il faut se baisser un peu pour le voir cet enfant et que notre société de consommation nous fait perdre le goût de nous baisser et de nous prosterner…

A l’enfant pauvre de la crèche, nous préférons les enfants-rois de nos sociétés de la réussite à tout prix. Des enfants sélectionnés et taillés sur mesure, à notre ressemblance… Ceux-là même que nous avons couverts de cadeaux à la fête de Noël sans même leur expliquer pourquoi cette fête… Et pendant ce temps, de ces mêmes enfants, combien sont victimes de nos infidélités ou de notre inconstance au quotidien, ballotés qu’ils sont entre des parents séparés ou qui n’ont pas le temps de s’occuper d’eux…

Je crois que quelque part il nous fait peur cet enfant de la crèche parce que c’est un enfant pauvre qui vient, comme nous dit Saint Paul, « nous enrichir de sa pauvreté ». Il vient nous bousculer dans notre confort en nous rappelant que nous ne pas seulement des ventres à remplir ou des besoins à satisfaire, mais des vies à partager au sein de la maison commune dont nous parle souvent le Pape François.

Le problème c’est que nous connaissons son destin tragique à cet enfant ! Alors nous avons du mal à le regarder en face ou plutôt à le laisser nous regarder en face… Nous avons du mal à le regarder comme nous avons du mal à regarder les pauvres où les étrangers… Après tout, s’il est le fils éternel de Dieu, pourquoi n’est-il pas resté au ciel pour faire son travail ? De là-haut, il avait un bien meilleur point de vue ! Pourquoi est-il venu se compromettre et nous avec ? On dit souvent qu’il faut savoir prendre de la hauteur pour bien voir les choses. Alors, pourquoi est-il descendu ?

Vous savez pourquoi ? Eh bien c’est parce qu’il nous aime et qu’il est venu nous apprendre, au risque de sa vie, qu’il n’y pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie, la vie  en abondance ! » Il est venu prendre avec nous le chemin de la Vie avec un grand “V”

« Il fait droit au malheureux, chantait le psaume d’aujourd’hui, Il délivre le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours. Il a souci du faible et du pauvre, du pauvre dont il sauve la vie. »

Nous le savons bien tout cela, nous aussi, mais cela nous fait peur… parce qu’il nous invite à nous engager avec lui et qu’on sait trop bien où cela conduit… et quand on a peur, on devient vite bête et méchant, comme Hérode…

Au lieu de se mettre en marche, comme l’ont fait les mages, au lieu de prendre le risque de se remettre en question, il se cramponne à son siège et à son pouvoir… Il envoie ses soldats tuer tous les enfants de moins de deux ans dans la région de Bethléem…

Sommes-nous meilleurs que lui, quand nous voyons le sort que réservons aux enfants non désirés ? Ils ne sont pas seulement dans les palais ou les instances de pouvoir les “Hérode” d’aujourd’hui…

Combien, devant le flot d’immigrés et de réfugiés qui semble vouloir envahir notre vieille Europe, au risque bien sûr de drainer avec eux quelques fous sanguinaires, ne préfèrent-ils pas jeter le bébé avec l’eau du bain… Ça rime à quoi après de pleurer devant les images d’enfant noyé sur les plages de la Méditerranée ?

Comment le pays des Droits de l’Homme, autrefois chrétien, habité et animé par l’Evangile, peut-il prétendre être le phare de la civilisation et la lumière des peuples si lui-même participe à recouvrir la terre de ténèbres, par le trafic d’armes et d’idéologies mortifères en tout genre ?

Si nos seules unités de mesure sont le nombre de zéros de notre compte en banque ou la durée de nos congés… Si notre nombril est le seul point de repère de nos vies, si nos portes ne sont faites que pour protéger nos acquis et non pour s’ouvrir à celui frappe, comment pouvons-nous prétendre accueillir la Bonne Nouvelle de la naissance de Dieu en notre monde  et en être les témoins ?

Mettons-nous en route… « Les mages ne se sont pas mis en route parce qu’ils avaient vu l’étoile mais ils ont vu l’étoile parce qu’ils se sont mis en route » disait fort bien Saint Jean Chrysostome. Ils avaient le cœur ouvert sur l’horizon et ils ont pu voir ce que le ciel montrait parce qu’il y avait en eux un désir qui les poussait : ils étaient ouverts à la nouveauté qui vient d’en haut.

Mettons-nous en route…Alors notre cœur pourra lui aussi accueillir le mystère dont nous parle St Paul dans la deuxième lecture de ce jour : « Frères, vous avez appris, je pense, en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous : par révélation, il m’a fait connaître le mystère. » Accueillir le mystère et l’annoncer, c’est le travail de St Paul et c’est le nôtre à nous chrétiens d’aujourd’hui.

« Ce mystère, nous dit Paul, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.» Qu’attendons-nous pour annoncer l’Evangile ?

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière… »