« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… et Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Jésus résume ou plutôt récapitule en trois mots des siècles d’Alliance entre Dieu et les hommes !
- Aimer
- Dieu
- et son prochain
Les pharisiens (à ne pas confondre avec les parisiens bien sûrs !), étaient des spécialistes très pointus de la Loi de Moïse. Ils connaissaient par cœur les discussions interminables des anciens pour interpréter la Loi de Dieu… Ils étaient à ce point attachés aux détails qu’ils en devenaient incapables de prendre de la hauteur…
Le nez dans l’herbe on peut admirer les coccinelles bien sûr, mais il est difficile d’appréhender la beauté du paysage… Quand j’étais gamin, un jour de Noël mes parents m’avaient offert un vélo tout neuf… Le lendemain je suis parti sur la route… Fier comme Artaban, je me regardais pédaler en admirant la beauté du pédalier qui tournait impeccable sans émettre le moindre bruit… J’étais tellement absorbé par cette contemplation que quand j’ai relevé la tête il était trop tard… J’étais en train d’arriver à toute vitesse dans le pare-choc arrière d’une voiture garée au bord de la route !!! La suite vous l’imaginez : Je suis revenu à la maison tout piteux, avec un vélo qui grinçait et couinait déjà comme le vieux clou que j’avais avant…
Les pharisiens sont un peu comme ça. Tellement préoccupés à décortiquer tel ou tel aspect de la Loi qu’ils finissent par oublier pour/quoi elle existe…
Fiers comme des coqs et pour étaler leur science ils viennent provoquer Jésus avec le secret espoir de montrer aux foules que ce prétendu Messie, n’y connaît rien… Ils vont être servis !
Jésus comme à son habitude ne s’encombre pas de détails dans sa réponse. Il va direct à l’essentiel : Dieu nous a faits pour l’amour !…
- premièrement l’amour pour Dieu qui nous a créés… « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit.»
- et, dans le même mouvement : L’amour pour le prochain.
L’amour pour le prochain n’est pas une option qu’on ajoute si on en a envie… Ce n’est pas un enjoliveur version luxe, réservé aux saints…
L’amour pour le prochain est le moyen de vérifier la vérité de notre amour pour Dieu… Vous vous souvenez sûrement la phrase de Saint Jean, un disciple très proche de Jésus : « Si quelqu’un dit : “J’aime Dieu”, alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. »
C’est donc l’amour de notre prochain qui concrétise et incarne notre amour pour Dieu. Mais c’est aussi l’absence d’amour pour notre prochain qui démontre l’absence de notre amour pour Dieu… Quoi qu’on dit !
Il n’y a pas à choisir entre l’amour du prochain et l’amour pour Dieu ce sont les deux dimensions du même amour…
Mais, me direz-vous on peut aimer son prochain sans aimer Dieu…
Cela se vérifie souvent chez un certain nombre de personnes qui ne connaissent pas Dieu ou qui rejettent l’idée qu’ils s’en font bien souvent à cause de la caricature de Dieu qu’on leur a transmise dans l’enfance…
Jésus le sait bien lui qui, à propos du jugement dernier, déclare : « Ce que vous avez fait au plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait… »
Certains seront bien surpris de constater combien ils ont aimé et servi Dieu sans le connaître ou le reconnaître présent dans le pauvre et le petit qu’ils auront servi tout au long de leur vie… « Quand t’avons-nous vu nu, étranger, assoiffé, prisonniers et sommes-nous venus te voir ? » demanderont ils étonnés…
Je suis allé, lundi dernier, saluer les bénévoles des restos-du cœur… J’ai rencontré là-bas des gens qui servent leur prochain sans forcément nommer Dieu dans le visage de ce prochain… Mais ce n’est pas parce qu’on ne le nomme pas que Dieu est absent pour autant…
Notre premier souci ne doit pas d’abord être celui de nommer Dieu et de savoir le définir. Ça, c’est le problème des pharisiens de tous les temps, et ils sont nombreux de nos jours, même au sein de notre Eglise… Ils pensent “savoir” Dieu au lieu d’apprendre à le connaître… Ils le scrutent dans leurs grimoires ou leurs missels au lieu de l’écouter qui parle dans le prochain sous toutes ses formes, dans l’immigré qu’ils oppriment et rejettent, dans la veuve et l’orphelin qu’ils accablent, ou dans le pauvre dont ils prennent le manteau en gage alors qu’il en a besoin pour dormir… C’est ce que nous rappelait la première lecture de ce jour tirée du Livre de l’Exode…
Nous qui sommes paroissiens de l’ensemble paroissial Allonnes-Arnage, comment ne pas voir dans ce manteau une préfiguration de ce fameux manteau dont Saint Martin de Tours, alors jeune officier romain se préparant au baptême, a remis à un pauvre mendiant aux portes d’Amiens en l’an 338… ? Après tout Saint Martin est l’un de nos saints-patrons !
Ecoutons le récit que fait Septime-Sévère, biographe de Saint Martin, :
« La nuit suivante, comme Martin dormait, il vit le Christ, vêtu de la partie de son manteau dont il avait couvert le pauvre. On l’invite à regarder attentivement le Seigneur, et à reconnaître le vêtement qu’il a donné. Puis, il entend Jésus dire d’une voix éclatante à la multitude des anges qui l’entourent : “Martin, encore catéchumène, m’a couvert de ce vêtement”. Vraiment, nous dit Septime Sévère, le Seigneur se souvenait ici de ses propres paroles : “Tout ce que vous avez fait pour l’un des moindres de vos frères, vous l’avez fait pour Moi”(Mt 25,40). Maintenant, Il proclamait qu’en la personne d’un pauvre il avait été vêtu; et, pour confirmer le témoignage accordé à une si bonne œuvre, Il daignait se montrer dans l’habit même qu’avait reçu le pauvre.»
Alors, nous qui sommes chrétiens, devenus membres du corps du Christ par notre baptême, saurons-nous « accueillir la Parole de Dieu au milieu de bien des épreuves » et devenir ainsi “modèles pour tous les croyants qui nous entourent”.
Ou bien serons de ces pharisiens qui chipotent et ergotent sur la loi et l’Ecriture pour mettre sur les épaules des autres des fardeaux que nous ne voudrions pas nous-mêmes remuer du doigt… ?
Saurons-nous reconnaître le Christ présent en chacun de nos frères ? Je dis bien chacun sans exception de race, de langue ou de religion…