HOMELIE DU 1 NOVEMBRE 2017

« Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils, et d’où viennent-ils ? » Je lui répondis : « Mon seigneur, toi, tu le sais. »

Oui, et nous aussi nous le savons, ils sont « cette foule immense, que nul ne peut dénombrer, venus de toutes nations, tribus, peuples et langues. … vêtus de robes blanches, … des palmes à la main, ils s’écrient d’une voix forte : « Le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le Trône et à l’Agneau ! » Ils sont « ce peuple de ceux qui cherchent Dieu » comme nous le rappelle le Psaume de ce jour ! “La recherche du visage de Dieu” a traversé et façonné leur vie…

Sommes-nous vraiment ces chercheurs de Dieu dans notre vie quotidienne ?

Notre vocation de Fils et de Filles de Dieu… nous l’avons ratifiée, ou nos parents l’ont ratifiée pour nous, au jour de notre baptême, est vocation à la sainteté…

En effet dit Dieu dans le livre du Lévitique : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. » (Lv 19, 2) Saint Pierre reprend d’ailleurs cela dans sa première lettre aux communautés chrétiennes : « A l’exemple du Dieu saint qui vous a appelés, devenez saints, vous aussi, dans toute votre conduite. » (1 P 1,15)

La sainteté n’est pas réservée aux moines et aux moniales, même si le Pape François leur demandait récemment  d’être « flambeaux qui accompagnent le chemin des hommes et des femmes dans la nuit obscure de ce temps. »[1] Comme le marin en haute mer, nous avons besoin de phares pour rejoindre le port ! de signes pour nous rappeller notre vocation commune à la sainteté !

En fait c’est quoi la sainteté ?

Je crois que la sainteté, c’est l’ajustement progressif de notre personnalité à la volonté de Dieu dont nous savons qu’elle est entièrement miséricorde…

La sainteté, c’est remettre et abandonner notre vie telle qu’elle est, telle que nous l’avons reçue de nos parents, telle que nous l’avons enrichie à travers nos divers engagements ou abîmée à travers les multiples mesquineries, infidélités ou compromissions qui ont jalonné notre histoire personnelle, entre les mains du Père de miséricorde, pour qu’il en fasse ce qu’il lui plaira comme le dit si bien Charles de Foucauld.

Je voudrais évoquer ce matin les propos de quelques saints récemments canonisés

Mais avant tout je voudrais rappeller ce que disait si justement Charles de Foucauld : “Regardons les saints, mais ne nous attardons pas dans leur contemplation, contemplons avec eux Celui dont la contemplation a rempli leur vie. Profitons de leurs exemples, mais sans nous y ar­rêter longtemps ni prendre pour modèle complet tel ou tel saint, et en prenant dans chacun ce qui nous semble plus conforme aux pa­roles et aux exemples de notre Seigneur Jésus, notre seul et véri­table modèle, en nous servant ainsi de leurs leçons, non pour les imiter eux, mais pour mieux imiter Jésus.” [2]

“La sainteté c’est la force de Dieu dans la faiblesse de l’homme” nous dit le bienheureux Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus.

Si nous accueillons Dieu au cœur de nos faiblesses, si nous nous « établissons en Dieu Trinité », si nous le laissons « s’ensevelir en nous pour que nous nous ensevelissions en lui » alors oui, notre pauvre vie pourra n’être plus “qu’un rayonnement de la Vie, du Christ” pour reprendre des expressions d’Elisabeth de la Ste Trinité.

Alors nous pourrons laisser derrière nous le “sillon lumineux” qu’évoque Ste Thérèse, la petite Thérèse, dans un poème en l’honneur de Ste Cécile…

Oui, la sainteté c’est la trace lumineuse du passage de Dieu dans l’épaisseur de nos vies.

Alors, répétons-le, cette vocation n’est pas réservée à une élite de consacrés, comme pourrait le laisser penser les saints que j’évoque ce matin qui sont tous des religieux… Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus le dit bien : “On pouvait croire autrefois que la sainteté était réservée à certaine catégories, à certaines âmes, à l’état religieux : actuellement la sainteté doit déborder, pénétrer dans toutes les âmes, dans la masse, dans tous les états. Elle s’impose non seulement à l’état religieux, à l’état de perfection, mais à la vie dans le monde.” La sainteté se décline dans toutes les situations et dans toutes les professions puisqu’elle est notre vocation à tous comme nous le rappelle le Concile Vatican II.

En cette année 2017, nos frères protestants célébrent les 500 ans de la Réforme. Je me permets donc de citer Martin Luther…

Convaincu que, dans l’état de vie qui est le sien, chacun doit chercher à accomplir la volonté de Dieu, il disait : “dein ruf ist dein beruf”, ce qui pourrait se traduire par : « ta vocation est dans ta profession ». Chacun, là où il est et dans ce qu’il fait est appelé à rayonner de l’amour de Dieu…

Le P. Jacques Hamel, assassiné l’année dernière par un fanatioque,  dont le procès en béatification s’est ouvert à la demande du Pape lui-même, déclarait dans son homélie de la Toussaint 2015, à propos de Louis et Zélie Martin, les parents de Ste Thérèse qui venaient d’être reconnus  saints: « La sainteté est un don de Dieu. C’est lui qui nous rend saints. N’ayons pas peur de la sainteté ! »

Non frères et soeurs, n’ayons pas peur de laver nos robes, aussi sales puissent-elles être, dans le sang de l’Agneau, expression parfaite et réserve inépuisable de la miséricorde qu’est Dieu.

Laissons-nous éduquer, après la renaissance de notre baptême, par celle qui a mis au monde le Sauveur. Avec elle puisons à la source du cœur transpercé du Seigneur

Emparons-nous vraiment de nos lettres de noblesse et de notre héritage : « Nous sommes enfants de Dieu », nous rappelle St Jean dans la première lecture de ce jour. Alors… vivons en enfants de Dieu. Nous le savons, un jour « nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est ». Mettons en lui notre espérance pour « nous rendre pur comme lui-même est pur.» Sans fausse honte et du fond de notre cœur reconnaisons la pauvreté et la vacuité de nos vies pour que Dieu les remplisse de la sienne. Oui, « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. »

Soyons ce que Cécile Bruyère appelait des “âmes simples”. L’âme simple disait-elle « ne connaît ni les retours sur le passé ni les prévoyances inquiètes de l’avenir. Elle concentre paisiblement toutes ses forces dans l’unité de l’heure présente ; dans le moment présent, elle ne voit que l’unité du bon plaisir de Dieu. Les évènements quels qu’ils soient, ne troublent jamais la paix et la sécurité que lui donne le total abandon d’elle-même au bon plaisir de Dieu. »

Et n’oublions pas que le chapitre 5 de l’Evangile de Matthieu qui commence par les béatitudes que nous avons entendues ce matin se termine quelques versets plus loin, après avoir indiqué quelques moyens très concrets pour marcher vers la sainteté, par cet appel de Jésus : « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait ! »

[1] François, Vultum Dei Quaerere, n° 6.

[2] Œuvres spirituelles, Anthologie, p.13, Editions du Seuil.