Homélie du 24 décembre 2018 (Arnage)

Textes :

 

Et voilà depuis qu’on en parlait ! Ca y est, c’est Noël !

Jésus est né et nous sommes en fête ! Bon anniversaire à tous les vivants !

Oh bien sûr, si nous regardons les actualités de notre monde, il n’y aura sans doute pas de grande différence entre hier et demain…

Notre terre reste traversée et meurtrie par un nombre incalculable de difficultés, de conflits, de gestion calamiteuse de ses ressources, de mépris et d’oppression des uns par les autres, d’égoïsme, d’abus de pouvoir en tout genre, de souffrances injustifiées, d’utilisation détournée du nom de Dieu pour commettre le mal, de refus de s’ouvrir à l’étranger ou à celui qui vient déranger nos habitudes, que sais-je encore…

Et pourtant, ce soir, presque partout, on va faire la fête parce que c’est Noël !…

D’où vient donc ce besoin de fêter Noël… La  société laïque dans laquelle nous vivons a presque réussi à évacuer la crèche des espaces publics, on a si bien  installé le Père Noël au cœur du dispositif, qu’on a réussi, petit à petit, à faire glisser subtilement la fête de Noël vers une célébration de la consommation à outrance ou le Dieu Mammon se cache parfois sous les traits de la poésie et de la féérie magique des animations en tout genre…

Certains de nos contemporains comprennent Noël comme une nécessaire période de trêve dans un monde de brutes… Vous avez sans doute vu le film “Joyeux Noël” qui raconte cette improbable nuit de Noël ou soldats français et allemands se retrouvent pour fêter ensemble l’espace d’une soirée avant de recommencer à se tirer dessus dès le lendemain…

Certains voient dans Noël une lucarne de Ciel entrouverte sur le monde le temps d’une brève respiration et bien vite refermée… Avec Lamartine ils ont envie de s’écrier : « Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours ! »[1] Mais hélas, très vite ils sont repris par la grisaille des jours et le train-train des aléas de la vie… Alors : « Vivement l’année prochaine ! »

Et pourtant, Noël n’est pas une parenthèse qui s’ouvre et se referme… Noël c’est “l’anniversaire de la Vie” disait le Grand Pape St Léon au 5ème siècle !

« Notre Sauveur, mes bien-aimés, est né aujourd’hui : réjouissons-nous ! écrit-il, Il n’est pas permis d’être triste, lorsqu’on célèbre l’anniversaire de la vie. Celui-ci détruit la crainte d’avoir à mourir, il nous donne la joie de l’éternité promise.»

Et Saint Léon ajoute « Personne n’est tenu à l’écart de cette allégresse, car le même motif de joie est commun à tous. Notre Seigneur [Jésus]… est venu affranchir tous les hommes [du péché et de la mort]. Que le saint exulte, car il approche du triomphe ! Que le pécheur se réjouisse, car il est invité au pardon ! Que le païen prenne courage, car il est appelé à la vie ! »

Chrétiens que nous sommes, nous sommes témoins pour le monde entier que le Ciel s’est ouvert et qu’il ne se refermera plus… Noël n’est pas la suspension du temps, mais l’anniversaire de l’irruption de l’Éternité dans le temps ! Dieu s’est fait Homme ! Désormais, en Jésus, Dieu habite le cœur même de l’humanité… Oui, « un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! » et ce fils c’est le Fils de Dieu devenu Fils de l’Homme pour que l’Homme comprenne qu’il est appelé à vivre en Fils de Dieu !…

« Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire.»

Noël ce n’est pas les paillettes et la dinde aux marrons, ni même les dindes truffés du révérend Balaguère ! Noël ce n’est pas les huîtres, le foie gras ou le saumon fumé, ni les chaussons rangés au pied du sapin…

Noël c’est Dieu dans une étable ! Un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. “Conseiller Merveilleux, Prince de la Paix” vagissant dans la paille le nombril encore tout humide… Noël c’est la lumière du monde rayonnant depuis les yeux d’un nouveau-né couché dans une crèche, pauvre au milieu des pauvres… Cette lumière cherche à rejoindre les extrémités de la terre à travers notre propre regard illuminé de celui du Christ…

« Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde… Il est venu chez lui… À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. »

« Par ton nom dans ton regard, fais-toi connaître » dit le poète.

Allons-nous, nous aussi passer à côté de l’essentiel comme malheureusement beaucoup de nos proches aujourd’hui ? Ou bien, saurons-nous profiter de ce temps que nous avons pris ensemble d’accueillir la Bonne Nouvelle, pour recharger nos batteries et nos cœurs de chrétiens, et comme nous y invite Saint Paul, « apprendre à vivre dans le temps présent de manière raisonnable » ?

Laisserons-nous le regard de l’enfant de Bethléem purifier notre regard et « faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien » ?

C’est ce que je vous souhaite à tous et à chacun du fond du cœur.

Bonne fête à tous ceux, chrétiens ou non, qui ont compris que tout homme est un frère et qui, au quotidien, essaient de vivre cette conviction !

Et vous chrétiens réunis en cette nuit (en ce jour) « De jour en jour, proclamez le salut du Seigneur, racontez à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles ! »

Joyeux Noël à tous.

[1] Alphonse de Lamartine, Le Lac.