Homélie du 8 juillet 2018

Textes :

Où sont les prophètes aujourd’hui et d’abord un prophète c’est quoi ? C’est quelqu’un qui dit, haut et fort ce qu’il entend d’un plus grand que lui…

C’est quelqu’un qui, saisit par plus grand que lui-même, (« l’esprit vint en moi et me fit tenir debout ») disait Ezéchiel, pose sur le monde et l’humanité un regard qui vient de plus loin que lui…

Malgré ses faiblesses, dont il est bien conscient, il s’autorise à proposer haut et clair, de la part de Dieu, des chemins de conversion et de remise en question à ses frères en humanité…

Ses faiblesses et les limites de son propre témoignage ne l’arrêtent pas, au contraire. Comme le disait St Paul tout à l’heure : « Je mets ma fierté dans mes faiblesses afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure.»…

Que le public auquel il s’adresse adhère à ses paroles ou se rebelle, n’influe pas sur le fond de son discours… il sait très bien que ce discours ne lui appartient pas…

Le prophète est celui qui fait écho, dans l’épaisseur et les contradictions de sa propre vie, à la Parole qui vient de Dieu lui-même.

Il rend compte, à temps et à contretemps aussi, « de l’espérance qui est en lui.»… il est le contraire du griot flatteur qui cherche à se faire bien voir des puissants ou des médias de ce monde … Dans la foulée de Jean le baptiste, dont nous parlions l’autre jour, il sait que ce n’est pas lui qui doit grandir dans l’estime de son public, mais bien celui qu’il annonce, à savoir Jésus, Parole vivante de Dieu et source de Vie.

Conscient d’être le dépositaire d’une Parole qui le dépasse, mais qui le fait grandir, il annonce cette Parole dont il a compris qu’elle lui est confiée pour les autres. « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile » (1 Cor 9, 16), dira un jour saint Paul… !

Où sont les prophètes que Dieu appelle aujourd’hui ? Ils sont là dans cette église… Par le baptême, chacun de nous a été constitué prêtre, prophète et roi… C’est le sens du saint Chrême dont chacun de nous a reçu l’onction. C’est donc notre vocation commune à vous et  à moi d’annoncer la Bonne Nouvelle… !

Pour ceux d’entre nous qui se sentiraient bien petits et peu armés, qu’ils méditent sur la vocation des grands prophètes du Premier Testament qui, bien souvent, sont partis de très bas… mais qui ont su se laisser saisir par Dieu : « Tu m’as séduit et je me suis laissé séduire » (Jr 20, 7) dira Jérémie…

C’est bien souvent au ras des pâquerettes que l’Esprit est venu les saisir…

Alors, devant l’adversité inévitable quand on annonce une parole qui remet en question l’ordre établi, rappelons-nous cette belle réplique de la petite Bernadette de Lourdes : « je suis chargé de vous le dire, pas de vous le faire croire ! »

 

Le monde sans Dieu et de plus en plus individualiste dans lequel nous vivons en Occident, a plus que jamais besoin de prophètes qui lui rappellent que « le pain et les jeux » s’est bien, mais que ce n’est pas suffisant pour faire un homme ou une femme debout !

Chrétiens, petits frères du Fils de Dieu qui vient révéler au monde la fraternité universelle, nous sommes témoins du regard de Dieu sur le monde, sur l’humanité et sur la création tout entière…

Témoin du Christ, n’ayons pas peur d’afficher la couleur… Non par triomphalisme (ce qui d’ailleurs serait bien prétentieux et ridicule vu la pauvreté des moyens matériels et humains à notre disposition), mais parce que, comme le répondait Jésus lui-même aux pharisiens qui lui demandaient de faire taire ses disciples : « S’ils se taisent, les pierres crieront ! » (Lc 19, 40). C’était, rappelons-nous bien, quelques jours avant sa mort en Croix !

Le silence de la mort est parfois plus éloquent que les vociférations des vivants ! Il n’est que de se rappeler le témoignage du colonel Beltrame…

Est-ce la peur du martyre qui nous retiendrait ? Ou tout simplement la peur du qu’en dira-t-on ?

Jésus lui-même s’est fait charrier par ses propres concitoyens… : « Il se prend pour qui ? On le connaît ? On l’a vu en barboteuse et il veut nous faire la leçon ! A d’autres !… »

Ces réactions ne doivent pas nous décourager. Témoin d’une logique qui vient “d’en haut” n’ayons pas peur de l’adversité qui vient “d’en bas”… Si c’est bien de Jésus et non de nous-mêmes que nous sommes habités, n’ayant pas peur d’annoncer clairement la couleur… et de puiser en Lui la force de témoigner de “la joie de l’Evangile” en ayant l’audace d’inventer de nouveaux chemins pour la mission…

Le monde a besoin de nous et les lieux où il est en droit de nous attendre sont nombreux… Tout particulièrement là où les plus pauvres et les plus petits sont bafoués… Le domaine de la bioéthique et de la réflexion sur le respect de la vie humaine depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle bien sûr, mais aussi le domaine de l’économie et de la prédation sans cesse grandissante du monde de la finance déconnecté du bien des individus, la grande question des migrations de populations et du mixage des cultures traditionnelles, la destruction systématique des repères et la sécularisation desséchante de l’éducation et de l’enseignement provoquant une montée de la violence des rapports humains…

Les chantiers sont nombreux… Ne soyons pas « ces chiens muets et ces sentinelles endormies » que dénonce Isaïe (Is 56,10)

Avec Jésus, parcourons les villages d’alentour en enseignant…, tout en gardant comme le psalmiste « les yeux levés vers Dieu comme ceux de l’esclave levés sur la main de son maître »