Textes :
Frères et sœurs, chers amis,
L’Évangile que nous venons d’entendre est la conclusion du long chapitre 6 de l’évangile de Jean que nous accueillons et méditons depuis plusieurs semaines…
Décidément, avec son discours sur le pain de vie, Jésus est allé trop loin… Comment peut-il affirmer donner sa chair à manger ? « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson !» Il est tombé sur la tête !
D’ailleurs la réaction ne se fait pas attendre plus longtemps : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ?» Et « à partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner.» Jésus est bien cette pierre d’achoppement annoncé par le prophète Isaïe (Is 8,14)
Pierre se rappellera probablement entre autres de la scène quand, dans sa 1ère lettre, il écrira : «La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle, une pierre d’achoppement, un rocher sur lequel on trébuche. » avant de préciser : « Ils achoppent, ceux qui refusent d’obéir à la Parole…» (1Pierre 2,7-8)
Paul, dans sa lettre aux Romains avertit : « Pensez à ne rien faire qui soit pour votre frère une pierre d’achoppement ou une occasion de chutes [skandalon]» (Rm 14,13).
Jésus n’avait-il pas dit : « Malheureux celui par qui le scandale arrive ! » « Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’il soit englouti en pleine mer» (Mt 18, 6-7) ?
Alors, qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Jésus semble insister : « Cela vous scandalise ? Et alors ? Qu’en sera-t-il quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant ! » et, conscient d’être le signe de contradiction annoncé par Syméon, il ajoute, à l’attention des apôtres : « Voulez-vous partir vous aussi ? »…
« À qui irions-nous Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle.» La réponse de Pierre, jaillit comme un cri, inspiré non par la chair et le sang, mais par le Père des Cieux (cf. Mt 16,17)
Nous sommes ici au cœur de la foi… La foi, don de Dieu, est l’adhésion à quelque chose qui nous dépasse, au nom de la confiance que nous faisons à celui qui nous l’annonce.
« La foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas.» (Hb 11,1) dira l’auteur de la Lettre aux Hébreux.
Saint-Paul précisera dans sa lettre aux Romains : « La foi naît de ce que l’on entend ; et ce que l’on entend, c’est la parole du Christ.» (Rm 10,17)
La question est donc de savoir en qui nous mettons notre foi.
« Je sais en qui j’ai mis ma foi, écrit Saint Paul à Timothée, et j’ai la conviction qu’il est assez puissant pour sauvegarder, jusqu’au jour de sa venue, le dépôt de la foi qu’il m’a confié.» (2 Tim 1,12)
De nos jours, on voit bien que l’acte de foi en toute forme d’autorité quelle qu’elle soit, est devenu extrêmement difficile aux générations biberonnées à l’Internet, ou à celles qui se sont laissé contaminer…
On pourrait dire « tant mieux, on ne nous la fait plus, on ne s’en laisse pas conter aussi facilement que les générations ignorantes qui nous ont précédés ! »
Et pourtant, paradoxalement, ces mêmes générations sont devenues terriblement vulnérables et sensibles aux fake-news distillées par les complotistes de tout bord !
Le nouveau slogan politique ne serait-il pas : “c’est la lutte finale, complotistes de tous pays unissez-vous !” Il suffit de parcourir les âneries qui circulent à propos du vaccin ou du passe sanitaire pour se faire une idée des dégâts…
On refuse le passe-sanitaire de peur de se faire fliquer et de perdre notre sacro-sainte liberté, mais on passe sa journée sur les réseaux sociaux qui ne se privent pas de pomper nos données en tout genre et on utilise notre carte bleue qui permet de nous suivre à la trace comme le petit Poucet…
Ce qu’il y a de plus terrible c’est que cette épreuve de la confiance et de la foi nous ne la vivons pas seulement dans les problèmes de vaccination ou de confiance dans les dirigeants politiques…
Nous la vivons aussi au sein même de notre propre église où la parole du pape elle-même est remise en question au nom de convictions ou de sensibilités personnelles élaborées sur Wikipédia qui semble avoir remplacé l’université ou les réseaux sociaux qui ont pris la place des disputations théologiques entre les grandes écoles de pensée…
La sortie récente du Motu-proprio concernant la liturgie en est une illustration inquiétante. Chacun y va de son commentaire en fonction de ce qu’il a pu trouver sur internet ou dans les médias… Saint Ternet priez pour nous ! Voilà l’idole !
Je veux bien que nous ne soyons pas un troupeau de brebis bêlantes, mais quand même ! « Tout royaume divisé contre lui-même devient un désert ; toute ville ou maison divisée contre elle-même sera incapable de tenir.» (Mt 12,25)
Satan se frotte les mains au spectacle de nos règlements de compte médiatico-informatiques !
« Frères soyez soumis les uns aux autres !» nous dit Saint-Paul dans la deuxième lecture. Et s’il évoque cette question en parlant du couple c’est dans les rapports qu’entretiennent le Christ et son Église qu’il enracine cette soumission mutuelle.
Le Christ a aimé l’Église, Il s’est livré lui-même pour elle…
Il est vrai que les témoignages de scandales au sein de l’institution Église sont récurrents, mais il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! Or, c’est ce que nous proposent bien des prédicateurs au vitriol qui se place en référence absolue et se permettent d’en remontrer au Pape !
C’est vrai que Jésus n’y va pas de main morte, mais le seul scandale qu’il se permet, et dont la révélation de l’évangile d’aujourd’hui est une illustration, c’est d’être le signe de contradiction annoncé par Syméon à Marie, lors de la présentation du Seigneur au Temple quand il avait 8 jours : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. » (Lc 2, 34-35)
Ce qui est occasion de chute chez le Christ c’est la radicalité du don qu’il fait de sa vie pour nous remettre sur le chemin de la vie, tournés vers le Père, et pour nourrir notre engagement.
Alors, à son école, soyons des chrétiens radicaux oui, c’est-à-dire chrétiens à la racine, enracinés dans la foi ! Mais cela ne veut pas dire intolérants et sectaires bien au contraire. Mais disciples de celui qui a donné sa vie pour que le monde ait la Vie. Le Pape vient encore une fois de nous rappeler que « Se faire vacciner, avec des vaccins autorisés par les autorités compétentes, est un acte d’amour », « Aider la majorité des gens à le faire est un acte d’amour... L’amour de soi, l’amour de sa famille et de ses amis, l’amour de tous les hommes.»
Il n’est pas question ici de convictions ou d’idéologie, mais d’adhésion à la Parole du Christ. Ce même Christ qui a promis à Pierre malgré sa grande fragilité et, à travers lui, à tous ses successeurs : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.» (Mt 16,18)
Ne nous laissons pas impressionner par les bourrasques de la tempête qui secoue notre monde. Ne nous laissons pas manipuler et intimider par les discours d’orateurs peu scrupuleux, plus inquiets de se rassurer eux-mêmes que de nous venir en aide… À la suite de nos ancêtres dans la foi, écoutons l’appel de Josué dans la première lecture : « S’il ne vous plaît pas de servir le Seigneur, choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir : les dieux que vos pères servaient au-delà de l’Euphrate, ou les dieux des Amorites dont vous habitez le pays. Moi et les miens, nous voulons servir le Seigneur.»
Oui, avec le psalmiste et en communion avec l’Église toute entière redisons : « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. Je me glorifierai dans le Seigneur : que les pauvres m’entendent et soient en fête ! »
Et que Dieu bénissent chacun et chacune d’entre vous dans son cheminement vers la Vie en plénitude.