Textes :

• Actes 13, 14.43-52
• Psaume 99 (100), 1-2, 3, 5
• Apocalypse 7, 9.14b-17
• Jean 10, 27-30

 

Nous sommes aujourd’hui le quatrième dimanche de Pâques, dimanche du bon berger. C’est le dimanche que l’église nous propose pour prier particulièrement pour les vocations.

En fait c’est le dimanche où nous sommes invités à prendre conscience que chacun d’entre nous, quel qu’il soit, est aimé de Dieu et appelé par son nom.

« Il nous a faits, et nous sommes à lui, nous, son peuple, son troupeau», nous rappelait le psaume. N’oublions pas que cette prière, à l’origine, n’est pas une prière chrétienne mais une prière du peuple juif qui se reconnaît appelé, élu par le Seigneur.

Les Actes des Apôtres nous rapportent ce soir (ce matin) comment l’élection divine, que nombre d’israélites croyaient réservée à eux et à ceux qui rejoignaient leurs rangs, passe désormais à l’ensemble des nations païennes.

Ce passage se fait à l’occasion du refus de certains croyants juifs d’entendre le message de Jésus annoncé par Paul et Barnabé.

Quand les juifs d’Antioche voient que presque toute la ville se rassemble, juifs et païens confondus, pour écouter Paul et Barnabé, « ils s’enflamment de jalousie.» Quelque chose va leur échapper… Ils sentent bien que le cadre précis dans lequel évolue leur communauté depuis longtemps va inévitablement voler en éclats devant l’irruption massive et joyeuse des païens dans leur communauté.

Ils semblent oublier que s’ils sont “peuple élu” c’est pour être posés comme un signe de l’élection de tous les humains dans la réalisation du plan divin… Ils préfèrent se replier frileusement sûr eux-mêmes et tombent dans la violence et les injures qui sont les armes habituelles de la mauvaise foi.

On connaît la suite : Paroles de division semées dans le cœur « des dames de qualité et de notables de la cité» en surfant sur le risque qu’ils courent de perdre leur influence au sein de la communauté. Le résultat ne se fait pas attendre : Paul et Barnabé sont expulsés “manu militari”…

Loin de freiner l’œuvre de Dieu, cela va permettre à Paul et Barnabé d’aller ailleurs annoncer la Bonne Nouvelle… et les nouveaux croyants sont remplis de joie !

C’est alors que l’auteur des Actes des Apôtres écrit une phrase bien mystérieuse : « Tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants » Je vous avoue que j’ai passé plusieurs heures à sécher dessus en préparant mon homélie ! Ne serions-nous pas tous appelés à la Vie éternelle ?

Certains courants protestants extrémistes vous répondrons que c’est le signe de l’absolue liberté de Dieu qui appelle qui il veut et que, quoi que nous fassions, c’est Lui et Lui seul qui décide de sauver qui Il veut.

C’est en telle contradiction avec l’idée que Dieu « fait pleuvoir sur les bons et sur les méchants » (cf. Mt 5, 45) et que « le Fils de l’Homme est venu pour donner sa vie en rançon pour la multitude.» (Mc 10, 45), qu’il nous faut sûrement chercher ailleurs.

En fait, c’est quoi la vie éternelle ?

« La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ» nous dit St Jean dans son Évangile (Jn 17,3).

Connaître, au sens biblique du terme, signifie “naître avec”. “Connaître Jésus” au fond pourrait être bonne définition du baptême… Naître à la Vie nouvelle en devenant membre de son Corps. (C’est ce qui va arriver à Joseph Moeliku tout à l’heure…)

Aussi mystérieux que cela puisse paraître, il semble bien que nous ne soyons pas tous appelés à être chrétiens…

En revanche, que ceux qui le sont, le sont parce qu’ils ont été choisis et posés dans le monde comme signe que Dieu regarde tout être humain comme son enfant.

Nous rejoignons ici le mystère de notre vocation particulière. C’est bien le thème de notre dimanche des vocations.

C’est le saint Pape Jean-Paul II, dans son encyclique « Je vous donnerai des pasteurs » ^[1] qui m’a aidé à résoudre l’équation : « Tous aimés comme des fils / Quelques-uns appelés à la “vie éternelle”, à la renaissance dans le Christ…»

L’histoire de toute vocation chrétienne, dit-il, est l’histoire d’un ineffable dialogue entre Dieu et l’homme.

Rappelons-nous que dans l’appel des premiers disciples Jésus « gravit la montagne, il appelle à lui ceux qu’il voulait et ils vinrent à lui” (Mc 3, 13). D’un côté, il y a la décision et le choix absolument libre de Jésus, de l’autre, la réponse des Douze, leur “venue à la suite de Jésus”.

« Ce qui est tout à fait prioritaire, et même primordial et décisif, nous dit le saint Pape, c’est l’intervention libre et gratuite de Dieu qui appelle.»

Lors du dernier repas avec ses disciples Jésus affirme : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure.» (Jn 15, 16)

Et le pape polonais d’affirmer : « La vocation est un don de la grâce divine, et jamais un droit de l’homme.»

« Dans la vocation, brillent ensemble l’amour gratuit de Dieu et l’exaltation la plus haute possible de la liberté humaine, celle de l’adhésion à l’appel de Dieu et de la confiance en lui.

La liberté, donc, est essentielle à la vocation, une liberté qui, dans une réponse positive, prend le sens d’une adhésion personnelle profonde, comme donation d’amour. »

Beaucoup envisagent la volonté de Dieu comme « un destin immuable et inéluctable auquel l’homme n’a qu’à s’adapter et se résigner en pleine passivité. » … « C’est ton destin ! Tu n’as pas le choix ! »

La volonté de Dieu ne peut alors être ressentie que comme un fardeau imposé et insupportable. « Mais ce n’est pas le visage de Dieu que Jésus Christ a voulu nous révéler. En fait, Dieu est le Père qui, avec un amour éternel et prévenant, appelle l’homme et noue avec lui un dialogue merveilleux et permanent, l’invitant à partager, en fils, sa vie divine elle-même.»

En ce dimanche des vocations, puissions-nous reprendre conscience que toute vie chrétienne authentique, toute vie de baptisé est réponse à une vocation particulière et individuelle. Chacun d’entre nous a été appelé par son nom pour participer dès aujourd’hui à la vie éternelle.

Pour la plupart d’entre nous, ce sont nos parents qui ont fait le choix de nous faire baptiser (comme le font ce soir Petelo et Malia pour Joseph)… Il y a un risque de transformer la réponse libre et joyeuse du baptême en un simple rite d’intégration culturel.

La Profession de Foi, faite à l’âge de raison, est là normalement pour permettre à chacun d’entendre personnellement l’appel de Dieu et y répondre librement et joyeusement. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas…

Le monde dans lequel nous vivons n’est plus irrigué par la foi chrétienne. N’est-ce pas l’occasion de redécouvrir la grandeur et la liberté de notre vocation baptismale ?

Notre baptême est le fruit d’une rencontre amoureuse  absolument personnelle entre Dieu et chacun d’entre nous, appelé par son nom, pour devenir membre actif du Corps de son Fils qu’est l’Eglise.

Pourquoi et pour-quoi suis-je chrétien ? Parce que Dieu dans sa liberté souveraine m’a aimé, choisi et appelé et que, moi aussi dans ma souveraine liberté, je lui ai répondu avec Jésus : « Tu ne voulais ni offrande, ni sacrifice, mais tu m’as donné un corps alors j’ai dit  me voici, Seigneur je viens pour faire ta volonté. » (Hb 10, 5-7) Par mon baptême j’ai fait don de ma vie, avec le Christ, pour le service de la communauté humaine.

Au moment où notre diocèse est en synode et réfléchit aux communautés paroissiales dont notre monde a besoin, il est bon de se rappeler, tous et chacun, quelle est notre place irremplaçable dans l’édifice de « pierres vivantes » (1 P 2,5) qu’est notre communauté chrétienne.

Nous qui, comme nous  le rappelait tout à l’heure St Jean, avons « blanchis nos robes dans le sang de l’Agneau,» (Ap 7, 14) « reconnaissons, avec le psalmiste, que le Seigneur est Dieu, qu’il nous a faits et que nous sommes à lui, nous, son peuple et son troupeau.» (Ps 99, 3) Laissons Dieu « Essuyer toute larmes de nos yeux » et, avec les néo-convertis d’Antioche, « laissons-nous remplir de joie et d’Esprit-Saint…»

 

[1] Cf. Exhortation Apostolique Pastores dabo vobis (je vous donnerai des pasteurs), Jean-Paul II, 25 mars 1992, n° 36.