Textes :
Depuis trois semaines nous avons commencé notre marche vers Noël. Si nous reprenons les thèmes des trois premiers dimanche de l’Avent, c’est tout un chemin qu’il s’agissait de parcourir un chemin spirituel, un chemin du cœur…
Le premier dimanche c’est Jésus lui-même qui lançait un appel : « Veillez !… » pour que la venue du Fils de l’Homme sur les nuées du Ciel ne nous trouve pas endormis… Jésus parlait alors de son retour dans la gloire, quand il viendra pour juger les vivants et les morts…
Il s’agit pour nous, dans un monde où les occasions “d’entrer en tentation” sont nombreuses, de ne pas oublier que c’est le Christ qui donne son vrai sens à notre vie d’enfants de Dieu.
Le deuxième dimanche c’était l’appel de Jean le Baptiste. Proposant aux foules le baptême de conversion, il nous exhortait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi… préparez le chemin du Seigneur ! » Nous avions alors évoqué la nécessité de sortir de la superficialité ambiante pour enraciner notre démarche dans une véritable conversion à la nouveauté de Jésus qui vient. Il s’agissait de réanraciner nos vies dans l’engagement de notre baptême.
Dimanche dernier, 3ème dimanche de l’Avent, Jean-Baptiste, encore lui, s’effaçait devant Jésus, rendant ainsi témoignage à la Lumière : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas… je ne suis même pas digne de délier la courroie de sa sandale.» Et le P. Sandro nous a rappelé que, plus encore qu’au milieu de nous, c’est “en chacun de nous” que se tient le Seigneur…
Aujourd’hui, 4ème dimanche de l’Avent, alors que nous sommes à la veille de la fête, c’est Dieu lui-même qui intervient, par la voix de son envoyé.
Vladimir Volkoff a écrit un petit livre délicieux intitulé “chroniques angéliques”[1]. Il y évoque la quête effrénée de Gabriel à qui Dieu a confié de trouver une jeune femme qui puisse accueillir son projet d’incarnation. On y voit Gabriel parcourir le monde et l’histoire, à la recherche de… l’âme sœur ! Il rencontre un tas de jeunes filles dont certaines de bonnes familles qui auraient superbement fait l’affaire. Hélas, toutes, au dernier moment, finissent par trouver de bonnes raisons de caler ! Jusqu’au jour où, le sixième mois de la grossesse d’Elisabeth, Gabriel arrive à Nazareth… La suite, vous la connaissez, c’était l’Evangile de ce jour !
Gabriel, dont le nom signifie “force de Dieu”, s’adresse à Marie, une jeune fille vierge de la ville de Nazareth. Il lui révèle quelque chose d’absolument in/ouï (c’est-à-dire “jamais entendu”, “impensable”, “inimaginable”).
Au lieu de l’appeler par son nom : “Marie”, comme on aurait pu s’y attendre, il l’appelle « Comblée de grâce ». Ce qui veut dire “entièrement remplie de l’amour qu’est Dieu”, “totalement habitée par le Dieu d’amour”…
Que signifie ce nom qui bouleverse Marie ?
Il veut dire qu’au cœur de notre humanité marquée par le péché, c’est-à-dire repliée sur elle-même depuis le péché des origines, Marie, elle, est « conçue sans péché ».
Elle est comme la nouvelle Eve, une Eve dont “le compteur aurait été remis à zéro”, si vous me permettez une image un peu cavalière. Remis à zéro par une grâce particulière venant de Jésus Sauveur. (Dieu étant Dieu, il transcende le temps et l’espace.) Marie, c’est la Femme, et en elle l’humanité toute entière qui est resituée, restituée, dans sa pureté originelle, et placée à nouveau devant le choix de dire oui ou non à l’amour de Dieu.
La petite Marie de Nazareth, sortie de nulle part, « de Nazareth peut-il sortir quelque-chose de bon ?» (Jn 1 46), a beau être comblée de grâce, elle est tout aussi dépassée par sa vocation que pouvait l’être Eve son ancêtre, mais au lieu de se méfier de Dieu, au lieu de se laisser entraîner en tentation par ses questions, elle fait confiance à Dieu et se rend disponible : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta Parole » !
Et voilà que ce simple « oui », fait basculer le monde ! Par son oui Marie devient l’Eve nouvelle, la mère de l’humanité nouvelle… En entrant sans aucune réserve dans le projet de Dieu, en ouvrant toute grandes les portes de sa vie, de son cœur, de son corps, à la volonté de Dieu Marie inaugure les Temps Nouveaux !
Saint Irénée de Lyon, au 3ème siècle s’extasiait : « De même que celle-là (Eve), séduite par le discours d’un ange afin de se soustraire à Dieu, a transgressé la Parole de Dieu ; de même celle-ci (Marie) a reçu par le discours d’un ange l’annonce qu’elle porterait Dieu. Elle a obéi à sa parole.»[2]
Dans la simplicité de son “oui”, Marie nous apprend à trouver notre “juste place”, notre “juste orientation” devant Dieu et devant les hommes…
St Anselme, évêque de Cantorbéry au 11ème siècle, lui rend hommage : « [La création toute entière] et tout ce qui obéit ou sert à l’homme, se félicite d’être par toi, ô notre Dame, rendu en quelque sorte à sa beauté première !»[3]
Rappelez-vous ce beau cantique que vous connaissez peut-être :
Toi qui ravis le cœur de Dieu et qui l’inclines vers la terre, Marie, tu fais monter vers lui Ta réponse en offrande.
L’homme a perdu la joie de Dieu en refusant la ressemblance. Par toi le Fils nous est donné, qui nous rend à son Père.
En Marie, Dieu fait de l’humanité le temple de l’Alliance nouvelle, un temple dont même David ni Salomon n’aurait pu rêver ! Dieu prend chair de notre chair !
Et nous pauvres chrétiens, ballotés dans le monde, nous sommes les témoins de cette fidélité de Dieu à son amour pour nous que chantait le psaume de ce jour : « Ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge ! »
Le Pape François nous invite à nous mettre à l’école de Marie : « Comme elle, dit-il, soyez aussi “l’escalier” par lequel Dieu descend pour rencontrer l’homme et par lequel l’homme monte pour rencontrer Dieu et contempler son visage dans le visage du Christ.»[4]
En cette fête de Noël qui arrive, accueillons vraiment l’Emmanuel, “Dieu avec nous”… Laissons-le grandir dans nos cœurs et nous conduire vers nos frères pour leur annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume…
[1] Vladimir Volkoff, Chroniques angéliques, éditions variées.
[2] Irénée de Lyon, Contre les hérésies, II, 2.
[3] Prière de Saint Anselme à Marie, Office des Lectures du 08 décembre.
[4] Vultum Dei Quaerere, n°37.