Méditation du bœuf à la Crèche
L’autre jour, en méditant devant la Crèche, j’ai entendu le bœuf qui parlait tout seul (Rassurez-vous, c’était un vieux bœuf)… ! Vous ne me croyez pas ? Eh bien, voilà pourtant ce qu’il disait :
Quand Joseph a mis le bébé dans les bras de Marie, le Ciel et sa troupe se sont mis à danser. Et des bergers sont arrivés de partout pour voir ce qui se passait…
C’est qui cet enfant si petit pour qu’aux éclats des anges les bergers accourent et que du fond des temps les mages s’approchent aussi ?
On me dit que c’est Jésus. Son papa c’est le charpentier de Nazareth : Joseph, et sa maman : Marie la fille d’Anne et Joachim…
Mais alors, pourquoi le Ciel danse-t-il comme ça ?
Et pourtant c’est bien ça. Aux yeux des hommes, ce n’est bien que ça : un enfant, un bout d’homme né dans une étable… Mais les hommes ne comprennent pas ! Ils sont tellement habitués à donner des ordres qu’ils n’écoutent pas ce qu’on leur dit…
Ils passent leur temps à se prendre pour des anges et, pourtant, quand les anges parlent ils ne comprennent pas ! Ils ont raison de dire : “qui veut faire l’ange fait la bête”…C’est vrai, ils sont bêtes, les hommes !
Moi, je suis une bête. Mais je ne me prends pas pour un ange. Moyennant quoi, quand les anges parlent je les comprends !
L’ange qui souffle dans sa trompette il a bien raison. Si je savais jouer de la trompette, moi, j’en jouerais aussi et, au lieu de meugler, je crierai avec lui: “Aujourd’hui vous est né un Sauveur dans la ville de David. Il est le Messie le Seigneur.”
Mais seulement voilà, on m’a demandé de me taire parce que mes meuglements allaient déranger le petit. Il a bon dos le petit ! Et à ce qui paraît, ils n’ont pas fini de lui en mettre sur le dos !
Pourtant moi, j’ai bien vu qu’il m’avait souri, le petit. Il m’a souri parce qu’il a compris que moi j’avais compris… Et ce qui paraissait des cris inharmonieux (il faut dire que l’âne s’était mis à braire avec moi), c’était notre façon à nous de l’accueillir et de l’annoncer.
Ah, mon Dieu, quand est-ce que les hommes comprendront qu’on peut dire la même chose sans parler tous le même langage ?
L’Ange aussi, il était content de nous entendre crier avec lui ; ce n’était pas très beau, je l’avoue, mais que voulez-vous Dieu nous a fait comme ça…
Et le bon Dieu il était vachement content aussi ! (Si vous me permettez la formule… Après tout c’est vous qui l’avez inventée cette expression !) Il était content parce que ce fils-là, il sait bien qu’il ne va pas se détourner de lui comme Adam au jardin de la Genèse…
D’ailleurs, il m’a souri… Oui, l’enfant m’a souri parce que mon cœur de bœuf malgré mes pauvres cordes vocales, il l’a reconnu tout de suite et l’a aimé d’un seul coup.
Je revois encore la tête des bergers quand on leur a dit que le signe pour reconnaitre le Messie Seigneur, ce serait un enfant couché dans une mangeoire !… Le monde à l’envers ! Le Roi des Rois dans une mangeoire, on aura tout vu…
Et il faut que ce soit nous, les bêtes, qui comprenions cela avant les grands de ce monde !
Eux, ils ne pouvaient pas comprendre parce qu’ils étaient si bien perchés dans leur suffisance qu’il leur aurait fallu trop se pencher ou se baisser pour comprendre.
Comment voulez-vous qu’Hérode dans son palais il comprenne, il était si plein de lui-même. Il a bien compris qu’il se passait quelque chose de grave mais au fait il n’a rien compris du tout ; alors il s’est affolé. Les hommes ont beau dire qu’une bête affolée devient méchante, ils ne se sont pas regardés. Les enfants qui naissent ou qui vont naître, pour peu qu’ils dérangent les projets des adultes, on les tue sans détail… Hérode n’est pas pire que les autres… Il n’avait rien compris, il ne savait pas ce qu’il faisait… Ils ne savent pas ce qu’ils font… pardonne-leur, Toi qui me souris couché dans ta mangeoire…
Pour être honnête, quand je dis que c’est nous, les bêtes, qui avons compris les premiers, ce n’est pas tout à fait vrai. Il y en a un qui a compris encore plus vite : c’est l’enfant du berger (Vous pourrez aller voir, il est là dans la crèche !).
Il s’est approché. Il a posé ses petites mains sur le bord de la crèche ; il avait les yeux au même niveau que ceux du bébé.
Leurs regards se sont croisés et ils se sont souri. Il n’a rien compris sûrement le petit du berger mais il n’avait pas besoin de comprendre, lui. Il a vu et il a cru.
Il a vu que ce bébé là il est venu leur dire aux hommes que Dieu les aime comme des fils et des filles et que c’est à son image qu’ils ont été créés…
Grâce à l’enfant du berger, moi le bœuf couché au pied du petit, au ras de la crèche et du sol, j’ai compris aussi ! Mes yeux étaient aussi au même niveau. Je n’avais pas besoin de me baisser pour croiser leur regard.… Alors, quand j’ai vu leur sourire moi aussi j’ai compris.
Les théologiens vous diront d’ailleurs, avec le prophète Isaïe, que “le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître. Alors qu’Israël ne le connaît pas, et que mon peuple ne comprend pas.” (Is 1,3)
Il faut dire que la chance que j’ai par rapport aux hommes, c’est que je ne me prends pas pour ce que je ne suis pas.
Je sais bien que je ne suis pas le meilleur et ça ne me rend pas malade…
Je ne suis qu’un bœuf et quand je vois toutes ces têtes qui se penchent au-dessus du petit et qui ne comprennent pas ! Ça m’amuse…
Ça a l’air bête un homme qui ne veut pas comprendre et qui fait semblant de réfléchir pour faire croire qu’il cherche à comprendre.
C’est lui ce petit qui un jour dira à ses amis de prendre sur eux son joug… Oh, moi je sais bien ce que ça veut dire porter un joug… Je sais bien qu’un joug çà ne peut se porter qu’à deux. Non pas chacun son tour, mais ensemble, en se mettant au rythme l’un de l’autre… Eh bien le petit, là, il va nous proposer de porter son joug avec lui !
Et puis, il va faire aussi une chose très importante pour nous les bœufs. Il va mettre fin aux sacrifices d’animaux…
Les hommes depuis longtemps avaient pris l’habitude d’offrir la vie des innocents pour réparer leurs bêtises ou pour faire plaisir à Dieu.
Lui, il nous dira : “pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime !” et c’est sa vie à lui qu’il va donner pour nous !
Merci mon Dieu de m’avoir fait bœuf et, pour te remercier, je vais me taire, pour laisser les hommes de bonne volonté méditer dans leur cœur.
Je vais te souffler dessus pour te réchauffer, c’est tout ce que je peux te donner. Alors tu me souriras en me chatouillant les naseaux et, peut-être qu’un jour les hommes comprendront que tu es Emmanuel : Dieu avec nous…