Ces images issues d’un monde encore en grande partie pastoral sont sans doute terriblement lointaines, étrangères à nos imaginaires contemporains.
De plus être comparé à des moutons, à un troupeau de moutons voilà qui tiendrait presque de l’injure et cela depuis quelques siècles, au moins depuis Panurge et ses fameux moutons. Enfin, pour qui est un lecteur même pas assidu de l’Ancien Testament, il est transparent que le « Bon pasteur » c’est le Roi, le bon roi selon le cœur de Dieu et l’attente des hommes, ses sujets. En nos temps républicains et démocratiques voilà qui n’est pas forcement de bon aloi.
Il est vrai qu’avec le retour du loup sur le territoire français, moutons et bergers font de nouveau l’actualité. Mais ici perce le double langage de nos sociétés qui se désolent, à grand bruit, de la disparition de la diversité du vivant, et, lorsqu’une espèce exterminée par l’activité humaine est de retour…panique à bord. Il est vrai que l’espèce en question est un prédateur de bonne taille mais bon, par exemple, les lions en Afrique c’est encore un peu plus costaud et là en France on est unanime pour leur sauvegarde.
Cela dit le cri des bergers contre le loup n’est pas un cri d’amour pour les moutons mais bien la revendication de la pérennité d’une activité économique.
Ici il y a comme une curieuse dissonance dans l’Évangile puisque le bon pasteur est celui qui connait ses brebis et qui donne sa vie pour elles.
Il y a un désert de collines dénudées et de gorges abrupts entre Israël et la Cisjordanie. En sortant de cars touristiques à l’air conditionné on s’était retrouvé, lors d’un pèlerinage, à parcourir une dizaine de kilomètres dans ce désert. Tout à coup une grande tente terriblement archaïque avec autour des bidons de plastiques, de jeunes enfants et quelques chèvres et moutons. Impression d’une grande misère et que ces moutons et ces chèvres étaient les seules richesses de ces nomades. Alors sans doute que, pour protéger ces « richesses » dont la vie de la famille dépend, chacun serait prêt à prendre des risques, jusqu’au risque de sa propre vie. Il était aussi frappant de voir la proximité entre les hommes et les animaux, chacun partageait le même espace de vie.
Au cœur d’une Asie encore nomade un groupe de femmes avec des enfants parlaient de leur vie. L’une d’elle tenait un chevreau sur ses genoux qu’elle caressait comme un petit enfant. Alors oui les bergers du temps de Jésus donnaient un nom à leurs brebis, et, par la nécessaire proximité, peut-être que cela pouvait aller jusqu’à de la tendresse.
Il n’empêche les moutons on finissait toujours par les égorger et les écorcher.
Pourtant c’est bien vers une proximité qui se fait connaissance intime et tendresse débordante que pointe l’image du bon pasteur de l’Évangile.
Ici se fait entendre l’affirmation de la première lettre de Saint jean, à savoir « nous seront semblables à Dieu car nous le verront tel qu’il est ».
Et par cette parabole, par ce discours sur le bon pasteur, Jésus nous donne à entendre et à voir qui est Dieu.
Celui qui en Jésus est tellement libre qu’il va jusqu’à donner sa vie pour toute l’humanité, absence de nécessité qui est la définition même de l’amour.
Pas de contrainte en amour mais une suprême liberté totalement tournée vers les autres.
En ce dimanche l’Église universelle prie pour les vocations.
Mais la première vocation de tous baptisé(e)s c’est l’appel à la sainteté, à vivre à la mesure de la démesure de l’amour de Dieu qui se donne à voir dans le Christ Jésus.
Et au fond il ne s’agit que de bien peu de choses : simplement être libre et se préparer « à recevoir de nouveau la vie ».
C’est seulement à cette condition, celle d’hommes et de femmes sanctifiés par Dieu et faisant peuple au service des autres et en particulier des plus pauvres…que Dieu donnera, en surplus, des serviteurs selon son cœurs…des religieux(ses), des consacré(e)s, des prêtres, des diacres, des évêques…au services des serviteurs de Dieu, humbles signes (puisque toute ordination est sacrement et non pas spécialisation) de la vocation de tout être humaine « à être semblable à Dieu car nous le verront tel qu’il est ». Amen.