Textes :
« Petits-enfants, faisons ce qui est agréable aux yeux de Dieu. »
Le conseil semble donné par un enseignant ou une enseignante à ses élèves de CP en classe de catéchèse…
Et pourtant, c’est bien à nous que parle Jean. Il se définit lui-même dans ses écrits comme « l’Ancien » et, à ce titre, il donne des conseils aux chrétiens dans la tourmente.
Nos communautés chrétiennes un peu essoufflées il faut bien le dire, notamment en Europe, en ce début du 21ème siècle, ont tout intérêt à écouter les conseils de l’Ancien qui d’ailleurs, bien souvent, relèvent du simple bon sens informé par la foi…
Le Pape François lui-même, dans sa récente exhortation apostolique sur l’appel à la sainteté, affirme que : « Souvent, contre l’impulsion de l’Esprit, la vie de l’Église se transforme en pièce de musée ou devient la propriété d’un petit nombre. Cela se produit quand certains groupes chrétiens accordent une importance excessive à l’accomplissement de normes, de coutumes ou de styles déterminés.»
On entend parfois, et là c’est moi qui ajoute : « On a toujours fait comme ça ! On n’voit pas pourquoi il faudrait changer ! D’ailleurs telle manière de faire n’est pas conforme à ce qu’on connait… »
« De cette manière, nous dit le Pape, on a l’habitude de réduire et de mettre l’Evangile dans un carcan en lui retirant sa simplicité captivante et sa saveur. […/…] cela semble soumettre la vie de la grâce à quelques structures humaines. Et il précise : « Ce phénomène touche des groupes, des mouvements et des communautés, et c’est ce qui explique que, très souvent, ils commencent par une vie intense dans l’Esprit mais finissent fossilisés… ou corrompus.» (La joie et l’Allégresse n° 58).
Je crois, malheureusement, qu’il en est parfois de même au niveau personnel et individuel. Nous avons grand besoin de nous laisser rafraîchir par la simplicité et la saveur de l’Evangile. Ne sommes-nous pas trop souvent prisonniers de clichés ou de façons de faire, qui ont toute leur valeur sans doute et qui ont peut-être même façonné notre vie spirituelle, mais qui, avec le temps, sont parfois devenus des principes intangibles et rigides qui ne supportent pas la remise en question et deviennent impropres à véhiculer l’Evangile, un peu comme ces vieux tuyaux d’arrosage brûlés par le soleil qui ne tiennent plus la pression…
Nous sommes tellement attachés à nos petites habitudes que nous finissons par nous y cramponner en oubliant notre raison d’être qui est d’annoncer l’Evangile à un monde qui crève littéralement de soif à côté de la fontaine dont nous avons pourtant la charge !
Saurons-nous retrouver et entretenir la souplesse intellectuelle et spirituelle qui nous permettra de nous émerveiller de ce que ceux qui ne pensent pas forcément comme nous peuvent apporter de neuf à notre travail d’évangélisation par leur manière de vivre et de prier ?
Sans cette souplesse et cette capacité d’intégration, nos communautés chrétiennes ne pourront plus remplir leur mission d’annoncer l’Evangile.
Ce n’est pas parce que nous aurons accompli les rites demandés par l’Eglise que la Bonne Nouvelle sera automatiquement annoncée et entendue par nos contemporains.
Ce qui fera que la Bonne Nouvelle sera annoncée au monde, c’est l’incarnation de l’Amour dans notre vie et nos relations, au quotidien.
Si nous prenons l’habitude, comme la première communauté chrétienne de n’avoir «qu’un seul cœur et une seule âme» (Ac 4, 32), alors notre communauté sera vraiment missionnaire et pourra rayonner de l’Evangile. Mais, nous dit Saint Paul : « Prenez garde ! Si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, vous allez vous détruire les uns les autres. » (Gal 5,15)
Tertullien, un auteur du début du 3ème siècle, nous raconte que les païens se convertissaient en voyant l’amour qui régnait entre les chrétiens: «Voyez – disent-ils – comme ils s’aiment» écrit-il dans son Apologétique (n. 39 § 7).
Jésus a d’ailleurs fait de cet amour mutuel un principe missionnaire pour ses disciples, lors du dernier repas : « À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour entre vous. » (Jean 13. 35)
Et Saint Jean nous précise aujourd’hui : « N’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité.» Il s’agit, nous dit-il de nous aimer les uns les autres… Est-ce vraiment le cas ? Faisons-nous réellement des efforts dans ce domaine… ? Parfois j’en doute quand j’entends la manière dont certains chrétiens critiquent et médisent les uns des autres… Comment voulez-vous que nous puissions construire quelque chose de solide et de durable sans convertir notre regard et notre attitude les uns vis-à-vis des autres ? Qu’est-ce qui nous fait peur chez l’autre ? Serions-nous comme ces chrétiens de Jérusalem qui avaient peur de Paul le persécuteur pourtant converti au Seigneur ?
Où sont les nouveaux Barnabé qui nous ouvriront les yeux sur les qualités de nos frères et sœurs qui ne nous ressemblent pas permettant ainsi à chacun d’apporter le meilleur de lui-même pour l’édification de tous ? Allons-nous continuer à faire de nos communautés des chasses gardées, voire des propriétés privées, ou bien saurons-nous nous ouvrir réellement à la diversité qui permettra à tous de se retrouver ?
« L’Eglise était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie ; elle se construisait et elle marchait dans la crainte du Seigneur ; réconfortée par l’Esprit Saint, elle se multipliait. »
C’est le Christ qui est notre unité, lui qui est la vraie vigne dont nous ne sommes que les sarments. Nous ne sommes pas les propriétaires de la vigne, le vigneron c’est Dieu !
« De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi», nous dit Jésus…
Acceptons de nous laisser émonder, purifier, tailler par le Père tout en demeurant greffés les uns aux autres par le cep qu’est le Christ. Ne prétendons pas porter du fruit les uns sans les autres, au risque de nous dessécher. N’oublions pas ce que le vigneron fait des sarments secs : il les jette au feu et ils brûlent !
Prions, frères et sœurs, car « ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples.»