Textes :
Aujourd’hui, nous l’avons dit c’est la 1ère journée mondiale des pauvres voulue par le Pape François.
Vous ne m’en voudrez pas j’espère de puiser de larges extraits de mon homélie dans le magnifique message que notre bien aimé Pape à écrit à cette occasion.
« J’ai voulu, écrit le Pape, offrir à l’Église la Journée Mondiale des Pauvres, afin que dans le monde entier les communautés chrétiennes deviennent toujours davantage et mieux signe concret de la charité du Christ pour les derniers et pour ceux qui sont le plus dans le besoin.»
« Que cette nouvelle Journée Mondiale, ajoute-t-il, soit un appel fort à notre conscience de croyants pour que nous soyons plus convaincus que partager avec les pauvres nous permet de comprendre l’Évangile dans sa vérité la plus profonde. » Et il conclut son message par cette phrase étonnante et stimulante : « Les pauvres ne sont pas un problème : ils sont une ressource où il faut puiser pour accueillir et vivre l’essence de l’Évangile.»
Nous chrétiens d’Allonnes, qui sommes placés sous le patronage de saint Martin nous sommes normalement préparés à entendre ce genre d’interpellation !
Que veut dire au juste : « puiser à la ressource que sont les pauvres » ?…
Il s’agit de se mettre à leur école… D’apprendre, à leur écoute attentive et patiente, que ce n’est pas en nous-mêmes que se trouvent les ressources de notre réussite, mais bien dans le cœur des autres que nous saurons reconnaître comme un reflet du Tout Autre qui nous crée à son image.
Comme le disait un jour un catéchiste de Tokombéré méditant sur les béatitudes : “Le grenier de l’homme au cœur de pauvre c’est le cœur de son frère !”
« Faisons nôtre, nous dit le Pape, l’exemple de saint François d’Assise, témoin de l’authentique pauvreté. Précisément parce qu’il avait les yeux fixés sur le Christ, il a su le reconnaître et le servir dans les pauvres.»
« Nous sommes appelés, par conséquent, dit-il, à tendre la main aux pauvres, à les rencontrer, à les regarder dans les yeux, à les embrasser, pour leur faire sentir la chaleur de l’amour qui rompt le cercle de la solitude. Leur main tendue vers nous est aussi une invitation à sortir de nos certitudes et de notre confort, et à reconnaître la valeur que constitue en soi la pauvreté. »
Le Pape, dans une de ces formulations percutantes dont il a le secret, nous invite à la conversion radicale du regard et du geste : « Ne pensons pas aux pauvres uniquement comme destinataires d’une bonne action de volontariat à faire une fois la semaine, ou encore moins comme destinataires de gestes improvisés de bonne volonté pour apaiser notre conscience. » Nous sommes nombreux, au sein de notre communauté à nous engager dans ce genre d’actions… Qu’il me soit permis de citer parmi bien d’autres à ceux d’entre nous qui s’engagent aux “Restos-du cœur”, à ceux qui se sont retrouvés hier pour exprimer leur solidarité avec Haïti, ou avec d’autres lieux de la planète, à ceux qui visitent les frères et sœurs isolés ou malades ou qui mettent généreusement la main à la poche ou à la pâte quand ils sont sollicités de toutes parts…
Mais, poursuit le Pape, « ces expériences, même valables et utiles pour sensibiliser aux besoins de nombreux frères et aux injustices qui en sont souvent la cause, devraient introduire à une rencontre authentique avec les pauvres et donner lieu à un partage qui devient style de vie.»
La pauvreté, au fond, c’est la condition naturelle de l’humanité. Qu’avons-nous, que sommes-nous, que nous ne l’ayons reçu ?… Reconnaître cela, c’est faire preuve de bon sens et d’humilité. C’est se rendre capable d’accueillir la gratuité de l’amour de Dieu et c’est là que réside notre dignité de fils et de filles aimés de Dieu…
Précisons cependant tout de suite que la pauvreté ne coïncide pas avec la misère… La misère c’est l’absence de dignité, le sentiment d’indignité… Voire même l’absence pure et simple de sentiments sur soi-même… La misère la situation qui me met dans l’impossibilité de comprendre que je suis appelé à être plus… « La misère, nous dit le Pape, c’est la pauvreté sans confiance, sans solidarité, sans espérance.» (Message de Carême 2014)
C’est pourquoi il nous invite, avec Saint Jacques, à « aimer non pas en paroles, mais par des actes, en imitant Dieu lui-même qui « nous a aimé le premier (cf. 1 Jn 4, 10.19) ; et qui nous a aimé en se donnant tout entier, y compris sa propre vie (cf. 1 Jn 3, 16).»
« Ce style de vie qu’engendre la fréquentation des pauvres trouve, dans la charité qui se fait partage, le test de son authenticité…» nous dit le successeur de Pierre. C’est l’attitude de la femme parfaite de notre première lecture de ce dimanche, dont « les doigts s’ouvrent en faveur du pauvre, elle qui tend la main au malheureux.»
Evoquant la communion au corps du Christ, le Pape nous rappelle que : « Si nous voulons rencontrer réellement le Christ, il est nécessaire que nous touchions son corps dans le corps des pauvres couvert de plaies, comme réponse à la communion sacramentelle reçue dans l’Eucharistie.» Et François de rappeler cette célèbre sentence de Saint Jean Chrysostome (évêque de Constantinople au IVème siècle) : «Si vous voulez honorer le corps du Christ, ne le méprisez pas lorsqu’il est nu ; n’honorez pas le Christ eucharistique avec des ornements de soie, tandis qu’à l’extérieur du temple vous négligez cet autre Christ qui souffre du froid et de la nudité.»
Oui, heureux serons-nous si nous savons apprendre des pauvres et de leur fréquentation les vertus de la pauvreté évangélique.
Commentant un jour la béatitude, “Heureux les pauvres, le Royaume des cieux est à eux…” Madeleine Delbrêl déclarait que le bonheur du pauvre, n’est pas d’être pauvre, mais bien de posséder le Royaume des Cieux…[1]
Le Royaume des Cieux n’a pas de place dans les cœurs encombrés de richesses. Moins un cœur est encombré, plus il y a de place en lui pour le Royaume… C’est cela que nous rappelle le vœu de pauvreté que font les religieux pour signifier que, dans leur cœur, il n’y a de place que pour le Royaume.
C’est peut-être aussi ce qui permet de comprendre le comportement des serviteurs de l’Evangile de ce jour.
Les deux premiers ont compris que le don reçu gratuitement ne leur appartient pas mais qu’il leur est confié pour porter du fruit alors que le troisième, prisonnier de lui-même, et donc incapable de s’ouvrir à la gratuité, s’est cru devenu riche et s’est refermé sur lui-même au point d’enfouir l’argent qui lui était pourtant confié. En enfouissant cet argent, il s’est enterré lui-même dans les ténèbres de l’égoïsme, « là, où il y aura des pleurs et des grincements de dents… »
Je vous invite en rentrant chez vous ou au cours de la semaine à dégager un peu de temps pour reprendre l’évangile de ce dimanche à la lumière de l’enseignement du Pape sur la pauvreté. Peut-être alors trouverez-vous le chemin qui conduit vers le frère… Alors le jour de Dieu ne vous surprendra pas comme un voleur !
Au moment du Notre Père :
Au cœur de notre eucharistie et au moment de redire ensemble la prière que le Seigneur lui-même nous a enseignée je me permets de citer à nouveau un passage du message du Pape pour cette journée mondiale des pauvres : « N’oublions pas, dit-il, que le Notre Père est la prière des pauvres. La demande du pain, en effet, exprime la confiance en Dieu pour les besoins primaires de notre vie. Ce que Jésus nous a enseigné par cette prière exprime et recueille le cri de celui qui souffre de la précarité de l’existence et du manque du nécessaire. Aux disciples qui demandaient à Jésus de leur apprendre à prier, il a répondu par les paroles des pauvres qui s’adressent au Père unique dans lequel tous se reconnaissent comme frères. Le Notre Père est une prière qui s’exprime au pluriel : le pain demandé est ‘‘notre’’, et cela comporte partage, participation et responsabilité commune. Dans cette prière, nous reconnaissons tous l’exigence de surmonter toute forme d’égoïsme pour accéder à la joie de l’accueil réciproque.» Tous ensemble nous redisons : Notre Père
[1] Madeleine Delbrêl, Pourquoi nous aimons le Père de Foucauld, La Vie spirituelle, novembre 1946, p. 545-546.